Il y a quelques jours, Imhotep Maât postait sur sa page Facebook la couverture de « Côte d’Ivoire : L’agonie du jardin. Du grand rêve au désastre » (Abidjan, CEDA/NEI, 2006), un essai de Tiburce Koffi (TK). Comme plusieurs internautes, je donnai mon avis sur ce post en posant la question suivante : « La récente adhésion de l’auteur au RHDP de l’usurpateur Dramane Ouattara qu’il ne manquait pas d’incendier pendant son exil parisien, signifierait-elle qu’il était fatigué d’agoniser dans la misère ? » C’est le lendemain que TK réagit à mon commentaire à travers une lettre ouverte. Pour certaines personnes qui ont lu ladite lettre, c’est un « charabia sans tête ni queue » pendant que d’autres parlent du délire d’un homme que ma petite question aurait « pénétré jusqu’aux os ».
TK s’est toujours présenté comme un intellectuel, ce que je lui conteste. Pourquoi ? Premièrement, parce qu’il a posé des actes qui progressivement l’ont discrédité et disqualifié, parce que le vrai intellectuel se dissocie des pratiques suivantes : incohérence, reniements ou retournements de veste, le retour à ses vomissures qui risque de le faire passer pour un éternel affamé, qui a besoin de se prostituer pour exister. En effet, TK a abandonné tour à tour Laurent Gbagbo, la paire, Alassane Ouattara/ Konan Bédié, Charles Konan Banny, puis, Guillaume Soro après avoir bénéficié de leurs largesses. Un ami de Botro me confiait à ce propos qu’il avait plus de considération pour un chien que pour TK parce que le chien, au moins, demeure fidèle à celui qui l’a nourri.
Ce n’est pas un intellectuel, secundo, parce qu’il s’est mis au service de la dictature d’Abidjan qu’il ose qualifier de « dictature productive ». TK a mis fin à son exil en France parce qu’il n’en pouvait plus de supporter la galère et la précarité, parce qu’il n’a jamais appris à souffrir pour ses convictions, parce qu’il avait envie de manger, de nouveau, dans la gamelle de Ouattara, parce que sa préoccupation a, toujours, été, non pas, de contribuer à résoudre les problèmes des Ivoiriens, mais, de « s’intégrer dans les circuits où se stockent et se redistribuent les biens rares, les honneurs et les plaisirs » (Fabien Eboussi, « Lignes de résistance », Yaoundé, Clé, 1999). C’est la course aux postes et au pain, qui pousse TK à affirmer que, « quand on est en politique, on ne passe plus le temps dans les livres » et que « ce n’est pas avec la poésie et le jazz qu’on développe un pays ». Lui appelle cela « être arrivé à la maturation de sa pensée ». Moi, j’y vois une preuve de déchéance et d’échec car l’écrivain doit « accepter les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté ». Albert Camus poursuit : « L’écrivain ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’Histoire : il est au service de ceux qui la subissent… Dans un contexte de destruction et d’oppression, la tâche de l’écrivain est de se tenir au côté des opprimés, de donner une image de leur souffrance» (cf. son discours de réception du Prix Nobel de littérature, décembre 1957).
TK ignore-t-il ce grand discours de Camus ? Qui convaincra-t-il que les Ivoiriens vivent dans un état de droit et qu’il n’y a pas de prisonniers politiques dans notre pays ? Ne sait-il pas que 46 Ivoiriens titulaires du doctorat ont été embastillés ces jours-ci pour avoir demandé du travail à l’Etat pendant que les « Microbes » et les détourneurs de fonds publics ne sont guère inquiétés ? Est-il silencieux devant le sort de ces compatriotes qui ne souhaitent que servir leur pays parce qu’eux ont réussi là où lui, TK, a lamentablement échoué ? Trouve-t-il normal que les médias publics et la Commission électorale soient contrôlés par un seul parti politique ?
TK n’est pas un intellectuel mais un vrai mythomane car il a prétendu en 2015 qu’en acceptant le poste de directeur de l’INSAAC, il faisait un sacrifice pour son pays alors que, selon lui, il pouvait obtenir un poste d’enseignant aux USA. Avec quel diplôme allait-il enseigner dans ce pays ? Avec son Capes ? Dans quelle langue ?
Longtemps, il fit croire qu’il maîtrisait la langue française plus que tout le monde. Or, en avril 2020, il écrivait ceci : “D’où nous vient cette peur et méfiance à l’encontre de l’homme blanc ?” (au lieu de “D’où nous viennent cette peur et cette méfiance…?”), puis “Arrêtons donc de se laisser distraire dans des haines et querelles inutiles” (au lieu de “Arrêtons de nous laisser distraire…”). Comment a-t-on pu laisser un tel homme enseigner dans nos collèges et lycées ?
Nous étions en pleine crise du Covid-19 et deux chercheurs français, Camille Locht et Jean-Paul Mira, intervenant sur la chaîne d’informations LCI, le 1er avril 2020, proposaient que le test ait lieu en Afrique qui “manque de masques, de traitement, de réanimation”. Plusieurs Africains suggérèrent au contraire que le vaccin soit testé en premier lieu sur les Européens puisque c’est chez eux que la pandémie avait fait plus de victimes. Ces Africains furent immédiatement accusés par TK d’être “susceptibles à l’excès”, de haïr l’Occident, de promouvoir un “panafricanisme d’occasion”, de souffrir de “négrophilie exaltée” et de “peur atavique”. Bref, TK s’en prenait aux Africains, qui refusaient de courber l’échine devant l’Occident et d’avaler tout ce qui vient de ce continent. Ce faisant, il se faisait complice de ceux qui sous prétexte de vaccination avaient l’intention de détruire des vies humaines en Afrique car même le premier secrétaire du Parti socialiste français, Olivier Faure, fit cette mise en garde : “Ce n’est pas de la provocation, c’est tout simplement du racisme. L’Afrique n’est pas le laboratoire de l’Europe. Les Africains ne sont pas des rats”.
Ce n’est pas un intellectuel, tertio, car le vrai intellectuel ne dit pas une chose aujourd’hui et son contraire, le lendemain. TK ne dit que du bien de Dramane Ouattara depuis qu’il a été nommé au Burida alors que, le 9 juin 2015, il déclarait ceci : “Une immense peine m’envahit le cœur quand je vois les images de tous ces officiers qui comparaissent. Ce sont des criminels, il faut qu’ils comparaissent. Mais, qui jugera les criminels financés par M. Ouattara ? Ceux qui ont tué les ivoiriens dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002 ? Les morts de Monokozohi, les morts de Guitrozon, Duékoué ; 800 morts en une seule journée. Et ce sont les troupes de Ouattara qui les ont tués. Toutes les preuves sont là.”
En mai 2018, TK reviendra à la charge en ces termes : « Un sondage montrera aisément que les Ivoiriens, dans leur ensemble, vivent moins bien que sous le régime des Refondateurs… Le tableau social ivoirien navre en matière d’injustices : emprisonnements arbitraires, détention de citoyens, sans jugements, prisons bondées, centres de santé devenus des mouroirs, des milliers d’Ivoiriens en exil, maintes violations des droits élémentaires de l’Homme ; et tout ceci, avec la complicité du silence de l’élite corrompue, et la participation, tout aussi silencieuse, de l’institution judiciaire à ces offenses aux libertés citoyennes. Justice aux ordres. Justice sourde aux cris de protestations de quelques voix courageuses de la société civile. Tel est l’état de la justice ivoirienne et toutes ces choses mauvaises qu’hier, dans l’opposition, les dirigeants actuels avaient dénoncées, sans appel et sans concession ! » (cf. « Ivoirebusiness.net » du 16 mai 2018).
Un Ivoirien proche de lui a trouvé les mots justes pour le décrire. Pour lui, TK est un homme jaloux, vantard, en quête de reconnaissance, croyant mériter plus que d’autres et ayant une haine sournoise envers les gens de l’Ouest. Un de ses livres s’intitule « L’itinérant ». Instable, il pourrait changer encore de maître et de restaurant si les élections à venir se passaient mal pour Ouattara et le RHDP. Il a certes le droit de sécher ses habits là où brille le soleil mais un itinérant n’est pas un intellectuel.
Jean-Claude DJEREKE
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis).