Décidément, ça ne va pas fort pour la diplomatie française, en ce moment, en Afrique. Dans son ancien pré-carré, c’est carrément la révolte. Quand les dirigeants se montrent discrets, leurs populations prennent le devant pour signifier leur mécontentement. Les cas du Mali, du Centrafrique, du Burkina Faso et de la Guinée, sont les plus connus. Mais, dans d’autres pays, la crise est latente, parfois, sournoise et ne dit pas son nom. C’est le cas, par exemple, en Guinée équatoriale où les autorités sont sur le qui-vive. A la moindre action de la France qui prendrait possession de l’immeuble de l’avenue Foch, à Paris, qui abrite l’ambassade, le consulat et d’autres services administratifs de l’Etat équato-guinéen, Malabo a annoncé que l’ambassadeur de France serait renvoyé dans le prochain vol d’Air France, avant de procéder à la nationalisation de tous les avoir des multinationales françaises en Guinée équatoriale. Courant janvier, l’ambassadeur de la Guinée équatoriale, Miguel Oyono Ndong Mifumu, qui est au four et au moulin dans ce dossier compliqué, a accompagné une délégation du Quai d’Orsay, à Malabo, pour essayer de dénouer cette crise, le président, Teodoro Obiang Nguéma Mbasogo, fort de son bon droit, refusant de déménager ses services dans un autre bâtiment. Pour lui, l’immeuble de l’ambassade est une propriété de la Guinée équatoriale. Il n’y a pas que la Guinée équatoriale, qui donne des insomnies à la diplomatie française. Dans le Cameroun voisin, le président, Paul Biya, de nature très peu bavard, ne dissimule plus ses griefs à l’endroit de son partenaire français. Et ce n’est pas la visite d’Emmanuel Macron, à Yaoundé, l’année dernière, qui a arrangé les choses. Venu pour faire trois jours, selon un communiqué de la présidence camerounaise, le président français, a finalement, passé une petite nuit avant de filer presqu’à l’anglaise vers le Bénin à 22 heures le lendemain de son arrivée. Avec l’Algérie, les relations étaient plutôt en train de s’améliorer jusqu’à ce que la France joue un sale tour à sa partenaire en acceptant une ressortissante franco-algérienne, activiste, qui avait maille à partir avec le pouvoir algérien. Le sang des Algériens n’a fait qu’un tour et on s’est rappelé les moments sombres de la colonisation, quand Paris n’en faisait qu’à sa tête, sans tenir compte de ce que pouvait penserAlger. Avec le Maroc, la mission de son ambassadeur en France a pris fin sans qu’un successeur ne soit désigné, à cause du climat de crise diplomatique entre les deux pays, qui n’est pas bon.
« Conformément aux hautes instructions royales, il a été décidé de mettre fin aux fonctions de M. Mohamed Benchaâboun en tant qu’ambassadeur de Sa Majesté auprès de la République française, à compter du 19 janvier 2023 », a indiqué un communiqué du ministère des Affaires étrangères publié au Bulletin officiel du 2 février et relayé, vendredi, 10 février, par les médias du royaume.
La date de la fin de la mission du représentant diplomatique marocain en France « intervient le jour où le Parlement européen a voté une résolution appelant les autorités marocaines à respecter la liberté de la presse », écrit le média Hespress.
« Cela ne saurait être une simple coïncidence », note le site d’information, Médias 24, qui décrit « une annonce aussi sobre et froide que peuvent l’être les colères du Maroc ». Officiellement, la décision de mettre fin aux fonctions de M. Benchaâboun est une procédure administrative normale qui fait suite à sa nomination par le roi Mohammed VI le 18 octobre à la tête d’un fonds souverain d’investissement ayant pour mission de dynamiser l’économie.
Le Parlement européen a adopté, le 19 janvier, à une large majorité, une résolution – non contraignante – enjoignant aux autorités marocaines de « respecter la liberté d’expression et la liberté des médias » et de mettre fin au « harcèlement de tous les journalistes ».
La classe politique marocaine et certains médias ont accusé la France d’avoir « orchestré » une campagne anti-marocaine à Bruxelles.
Le président de la commission parlementaire mixte Maroc-UE, Lahcen Haddad, a d’ailleurs accusé « l’Etat profond français » d’être à l’origine de la résolution des euro-députés. Ce texte « n’engage aucunement la France », a répliqué Christophe Lecourtier, l’ambassadeur français au Maroc.
La visite d’Etat d’Emmanuel Macron prévu en mars, au Maroc, va être reportée sine die. En attendant que les affaires se normalisent. Il risque d’en être de même pour celle du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, qui est attendu en France en mai. Alors que la situation sociale en France est explosive, avec le problème des retraites, Emmanuel Macron aurait pu penser que ses voyages en Afrique, pourraient lui donner de l’oxygène car il en a besoin en ce moment. On espère pour lui que sa tournée en Afrique centrale (Gabon, RDCongo et Congo-Brazzaville), en mars, se passera dans les bonnes conditions même si la diaspora de ses trois pays, surtout, celle du Congo-Brazzaville, ne l’entend pas de cette oreille.