Le président français, Emmanuel Macron, entamera un voyage mercredi, 1er mars, au Gabon, en Angola, au Congo-Brazzaville et en RDCongo. Pour y faire quoi ? Il a tenu une conférence de presse à l’Elysée, ce lundi, 27 février, après-midi, pour donner son sens à ce voyage. Un voyage qu’on pensait vraiment utile pour le devenir des relations franco-africaines. Mais à l’écouter, rien en profondeur ne changera pour que les Africains qui rejettent la France, dans sa globalité, puissent changer de position.
Si on pouvait résumer le nouveau discours de la France en Afrique du président Macron, on dirait « Afrique, terre de compétition » face à d’autres comme la Chine, la Russie, la Turquie. On dirait aussi que la France depuis 2017 n’a plus de politique africaine. Macron l’a dit et on le voit quand la France agit au cas par cas, selon les opportunités, sans obéir à une ligne de conduite bien tracée, sinon, celle de la sauvegarde de ses intérêts.
Depuis six ans, il a effectué 17 déplacements dans 21 pays africains dont certains comme le Kenya où un président français n’avait jamais mis les pieds. Mais, après ses multiples voyages, qu’a-t-il mis en place ? Pour effectuer le voyage de mercredi, 1er mars, à Libreville, le président français va remplir son avion avec les chefs d’entreprise, les artistes, les sportifs (qui ont d’ailleurs essentiellement peuplé la salle de l’Elysée pendant sa conférence de presse), c’est justement cela qui est, aussi, reproché au président français : se faire toujours plaisir à lui-même alors qu’on attend qu’il s’attaque aux problèmes importants, au lieu de les contourner.
Les journalistes qui ont posé les questions ont été choisis à l’avance. Chaque fois que l’un d’eux posait sa question, Emmanuel Macron sortait sa fiche préparée à cet effet (comme un mauvais élève) pour lui répondre, et en même temps, envoyer une sorte de signal aux pays qu’il va visiter. On a ainsi eu droit à une question d’un journaliste rdcongolais qui a sorti de son chapeau le conflit entre Paul Kagamé et Félix Tshisekedi. Celle de la jeune consoeur gabonaise de TV+ justifiait aussi le voyage que le président français va effectuer à Libreville. Une Congolaise membre de la « délégation », à qui on a tendu le micro, nous a sorti une question sur le roi Makoko (dont personne n’avait jamais entendu parler dans la salle) alors que la diaspora congolaise, depuis des jours, demande à Emmanuel Macron de ne pas se rendre à Brazzaville où il va conforter l’image du dictateur local (sur notre photo les deux présidents semblent s’adorer). Emmanuel Macron, lui-même, pendant sa conférence, a eu du mal à expliquer les raisons pour lesquelles il se rendait au Congo-Brazzaville.
Bref, il va en Afrique centrale, mais, il n’a rien d’important à annoncer là bas. Y va-t-il pour faire du tourisme ? Parlant de la zone franc qui ne bouge pas en Afrique centrale, il a dit qu’il l’a réformée en Afrique de l’Ouest avec son ami Alassane Ouattara, le président de Côte d’Ivoire. Faux ! Précisons juste qu’il s’est effectivement rendu, à Abidjan, en décembre 2019 pour saboter le projet ECO que la CEDEAO, sous la présidence du président du Niger de l’époque, Mahamadou Issoufou, était en train de mettre en place avec la bénédiction du Nigeria et du Ghana, les deux premières économies de la CEDEAO. Le président ivoirien, Alassane Ouattara, étant foncièrement contre ce projet (il soutenait plutôt l’entrée du Nigeria et du Ghana au sein de la zone franc alors que les pays membres de la zone franc, dans leur majorité voulaient plutôt la création de la monnaie ECO), il a annoncé, en tant que président en exercice de l’UEMOA qu’il était en ce moment (organisation qui compte les 8 pays d’Afrique de l’Ouest qui utilisent le F CFA), la création de la monnaie ECO comme monnaie commune de l’UEMOA en lieu et place du F CFA. Pour lancer sa nouvelle monnaie, il a invité Macron à Abidjan fin décembre 2019, pour effectuer ce lancement à deux. Cette initiative qui avait pour but de tuer dans l’oeuf la création de l’ECO de la CEDEAO, a, effectivement, abouti au statu quo car personne ne parle plus de l’ECO ni de la CEDEAO ni de l’ECO de l’UEMOA (ECO de Ouattara et Macron).
Autre question à laquelle Macron a donné une réponse insatisfaisante pour les Africains qui vont l’écouter : le refus de fermer les bases militaires françaises en Afrique. Le président français veut les transformer pour qu’elles travaillent avec les Africains dans les domaines de la formation et de l’équipement, mais, il n’entend pas les fermer. Il va juste réduire le nombre des militaires français qui y séjournent.
Donc, en Afrique, la politique française reste la même. Le pouvoir français note que l’image du pays est très mauvaise, mais les mesures prises pour améliorer cette situation, sont à des années lumière des attentes des Africains.
Poutine, Erdogan et Xi Jinping vont certainement rigoler devant un tel manque d’imagination de leur homologue français. Ces 15 dernières années, quand le niveau des affaires des entreprises françaises a baissé de 6% en Afrique, celle des entreprises chinoises a augmenté de 15%. Les courbes sont complètement contraires et quand on parle (non pas de la baisse) mais de la chute de l’influence française en Afrique, ce n’est pas de la cariture ni de la désinformation des Russes comme Macron s’époumone à le dire, prenant des Africains comme de gros bébés qu’on manipule à souhait. Ca, c’était peut être hier, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Pour terminer, disons que le discours tenu par le président français, ce lundi, 27 février, à l’Elysée, montre une France, totalement, en panne en Afrique. Panne au niveau du discours, donc, des idées. Panne au niveau financier car la France en pleine crise économique et financière, ne peut rien en Afrique dont les besoins sont ceux, non pas d’un Etat, mais d’un continent. Panne au niveau militaire avec la certitude que l’armée française n’est pas à même d’aider les Africains à bouter les djihadistes hors de leur pays. D’où le renvoi de l’armée française du Mali et du Burkina Faso.
La secte Boko Haram est actuellement réduite à sa simple expression parce qu’elle a été combattue par les seules forces africaines (Nigeria, Cameroun, Niger et Tchad). Si ces pays avaient commis l’erreur de faire venir une force occidentale ou des Nations-Unies, on n’en serait pas là aujourd’hui. On serait en train de tourner en rond comme Barkhane hier au Mali.
La France doit cesser de se mentir. Elle doit arrêter d’entendre ce qu’elle veut entendre dans ses radios, ses télévisions, sa presse écrite et ses lieux de pouvoir comme le Quai d’Orsay et la Cellule africaine de l’Elysée. Qu’elle se fasse violence en écoutant le discours (parfois haineux des Africains) qui lui tord le cou et qui lui fait mal. Ce serait le début du commencement de la thérapie pour sa guérison.