Personne n’avait intérêt à ce que le Sénégal brûle ce jeudi, 30 mars, 2023. Surtout pas le pouvoir en place. Car les Sénégalais, contrairement, aux Ivoiriens qui se sont laissés balader par le président, Alassane Ouattara, dont le 3e mandat était passé comme une lettre à la poste, en 2020, ne sont pas prêts à se laisser berner. Cela ne leur ressemble pas. Tout comme ils avaient signifié une telle fin de non recevoir au président, Abdoulaye Wade, il y a 12 ans, quand il cherchait un demi-mandat, disait-il à l’époque, pour terminer ses chantiers. Ancien premier ministre d’Abdoulaye Wade, le président actuel a, sans doute, de la suite dans les idées quand il pousse sans cesse la décision de ce 3e mandat à une date ultérieure alors qu’on s’approche du premier tour de l’élection présidentielle qui aura lieu en février 2024.
Beaucoup avaient peur que les biens matériels des sociétés françaises au Sénégal, et, singulièrement, à Dakar, ne souffrent avec une décision de justice qui aurait conduit à l’invalidation de l’opposant, Ousmane Sonko, pour la prochaine présidentielle. Le président français, Emmanuel Macron, lui-même, très mal en point dans son propre pays, soutiendrait Macky Sall (comme Alassane Ouattara hier en Côte d’Ivoire), si le président sénégalais estimait opportun de tenter un 3e tour. Heureusement que le tribunal a déjoué tous les mauvais pronostics.
La sentence est finalement tombée en faveur de ce sérieux concurrent du président Macky Sall, pour une affaire de diffamation contre le ministre du Tourisme. Ousmane Sonko a été condamné à deux mois de prison avec sursis, ce qui préserve son éligibilité pour le scrutin présidentiel, d’après ses avocats. Lui continue de crier à l’instrumentalisation de la justice.
Ses avocats, Mes Bamba Cissé et Cheikh Khoureyssi Ba et plusieurs autres, ont gagné la première partie de la bataille pour leur candidat dont l’objectif reste de succéder à Macky Sall au Palais Roume.
Ousmane Sonko, 48 ans, devait répondre de diffamation, injures et faux contre le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, au cours de ce procès sous haute tension, dans une capitale quadrillée par les policiers et les gendarmes.
Plus subtilement, derrière ce procès en diffamation, c’est la candidature déclarée d’Ousmane Sonko à la présidentielle de février 2024 qui était en jeu. D’où une mobilisation sans précédent de ses partisans, des partis d’opposition et la société civile, qui aurait pu faire vaciller le fragile équilibre sur lequel reposent les institutions du pays actuellement. Les textes en vigueur prévoient une radiation des listes électorales, et donc, une inéligibilité, dans certains cas, de condamnation pour diffamation. Il n’en a rien été. Mais, la stabilité requise ne sera de retour que quand le président de la République aura annoncé urbi et orbi qu’il n’est pas candidat à un 3e mandat.
L’opposant, arrivé troisième de la présidentielle en 2019, ainsi que, ses supporteurs, crient à l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir en place, qui chercherait à l’éliminer politiquement et à dégager la voie pour le sortant Macky Sall. Ousmane Sonko a juré de ne pas se laisser faire.
Outre les deux mois de prison assortis du sursis, le tribunal a condamné l’opposant, absent à l’audience, à verser 200 millions de F CFA (300 000 euros) au ministre. Il l’a relaxé des délits d’injures et de faux.
Dernière anomalie de la démocratie sénégalaise : l’avocat français d’Ousmane Sonko, Me Juan Branco, a été interdit de sortir de la zone sous douane de l’aéroport et remis dans l’avion en partance pour Roissy Charles de Gaulle dès son arrivée au Sénégal. Il n’a donc pas pu défendre son client. L’état de droit au Sénégal commence à questionner sérieusement.