D’abord, un peu de vocabulaire : « Wuambushu » en mahorais veut dire « Reprise ». Le président et son ministre de l’Intérieur veulent reprendre la situation en main, d’où le lancement de cette opération controversée, qui mobilise 1800 forces de l’ordre.
Pas moins dont la grande majorité est partie de l’Hexagone. Pendant que les contrôles de police et de gendarmerie se multiplient, l’évacuation et la destruction du bidonville, « Talus 2 », dans la commune de Koungou, devait commencer ce mardi, 25 avril, à 5 heures du matin heure de Paris.
« Par la grâce de Dieu » (comme on dit à Mayotte), elle a, finalement, été suspendue, lundi, 24 avril, au soir, par le juge des référés du tribunal de Mamoudzou. Si l’Etat français est injuste et le montre, sa justice, elle, est neutre, indépendante et républicaine. Voilà pourquoi elle a estimé que cette évacuation est « manifestement irrégulière » et met « en péril la sécurité des habitants« .
En effet, une vingtaine d’habitants du bidonville, représentés par un collectif de 15 à 20 avocats, arrivés, eux aussi, de France (comme le millier de policiers et de gendarmes de Darmanin) avaient saisi la justice. Qui leur a donné raison. L’évacuation est donc suspendue jusqu’à nouvel ordre. Dans une colère indescriptible, le ministre de l’Intérieur a demandé au préfet de Mayotte de faire appel de cette décision. Les avocats partis de France, à la demande des associations, Droit au logement, et la Ligue des droits de l’homme, expliquent entre autres griefs que l’Etat, contrairement, à ses textes qu’il n’a pas respectés, devrait reloger de manière décente les personnes qui vont se retrouver sans toit. Or, l’île manque, cruellement, de logements à cet effet. Bref, le ministre de l’Intérieur a,visiblement, mis la charrue avant les boeufs. Ses ennemis utilisent son opération non réfléchie comme une volonté de sa part de se mettre en avant puisqu’ils le soupçonnent de vouloir remplacer la première ministre, Elisabeth Borne, à Matignon. Ce n’est pas tout.
Il y a plus grave : la France ne s’est pas concertée avec les Comores pour s’entendre sur la gestion des flux concernés par cette opération. L’esprit colonial français a prévalu en pensant que Moroni allait (forcément) s’aligner puisqu’un accord de 150 millions d’euros par an d’aide de la France aux Comores, encouragerait et favoriserait la concertation pour le succès de cette opération.
Parlons peu parlons bien. S’agit-il d’une immigration ? Que non ! Revenu il y a sept ans au pouvoir, après l’avoir occupé pendant une dizaine d’années, le président, Azali Assoumani, a promis de faire réintégrer Mayotte dans le giron français, aux côtés des trois autres îles du pays. Il l’avait dit dans une interview à Afrique Education il y a cinq ans. Le président avait longuement reçu le magazine sur sa belle île pour afficher ses ambitions pour les Comores. Et il travaille à ce retour de Mayotte au sein de l’archipel bien que la France (coloniale) résiste. Elu président en exercice de l’Union africaine, pour un an, il y a trois mois, il va mettre à profit cette tribune pour présenter la situation de Mayotte à l’international. Car il est inadmissible pour les personnes de bon sens que la France (qui est une nation européenne) vienne revendiquer des possessions territoriales à 10 heures d’avion de Paris, en plein Océan Indien. Cette forme de colonisation ne passe plus dans la tête des Comoriens et des Africains.
Le premier bateau supposé contenir les Comoriens expulsés, a essuyé le refus d’accoster à Anjouan. Les autorités comoriennes l’avaient annoncé. Mais comme du côté de Paris, on est (un peu) arrogant, personne n’en a tenu compte. Du coup, on est sûr et certain que Moroni n’accueillera aucun expulsé de Mayotte. Que va-t-on faire de ces gens qu’on veut expulser et dont les logements ont été détruits ? On est déjà, ici, dans le registre des droits de l’homme.
L’Opération Macron-Darmanin met, maintenant, le cap sur les Malgaches et les autres Africains, sous réserve que leurs pays acceptent de les accueillir. Mais, cela est une autre affaire.