LISTE GRISE DU GAFI : Que reproche-t-on au Cameroun ? (Partie 2)

Date

Les risques d’inscription du Cameroun sur la liste noire de l’Union européenne et les impacts négatifs sur son programme triennal du FMI

Lors de sa deuxième réunion plénière de l’année, qui s’est tenue du 21 au 23 juin 2023, le Groupe d’action financière (GAFI) a réaffirmé son rôle essentiel dans l’évaluation et l’élaboration de mesures visant à combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) à l’échelle internationale.

Conformément à ses pratiques habituelles, le GAFI a publié des déclarations actualisées, portant notamment sur les juridictions présentant des risques élevés et les juridictions non coopératives. Malheureusement, le Cameroun a été inscrit sur la liste grise des juridictions non coopératives, une situation qui suscite des préoccupations et appelle à des actions vigoureuses.

Cette inscription pourrait avoir des conséquences graves sur les relations commerciales et financières avec l’UE (Union européenne). En effet, le Cameroun est confronté à un risque d’inscription sur la liste noire de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les directives anti-blanchiment de l’UE ont pour objectif de prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme en imposant des obligations aux institutions financières.

Parallèlement, cette inscription pourrait également impacter négativement le programme triennal du FMI (Fonds monétaire international) soutenu par la Facilité élargie de crédit (FEC) et le Mécanisme élargi de crédit (MEDC), remettant en question la crédibilité et la fiabilité du pays en termes de gestion financière.

Le Cameroun : risques d’inscription sur la liste noire de l’Union européenne

Les directives anti-blanchiment de l’UE sont des réglementations adoptées par l’UE pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ces directives ont pour objectif de prévenir l’utilisation du système financier de l’UE à des fins illicites, en imposant des obligations aux institutions financières et à d’autres acteurs concernés.

La 5e Directive de l’UE renforce les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Les évaluations spécifiques du Cameroun par l’UE après son inscription sur la liste grise du GAFI sont encore à venir.

Les directives anti-blanchiment de l’UE ont été adoptées au fil du temps et ont été révisées pour s’aligner sur les normes internationales, telles que les recommandations du GAFI. Elles imposent des obligations aux institutions financières, y compris les banques, les compagnies d’assurance, les courtiers en valeurs mobilières, les notaires, les avocats et d’autres entités qui fournissent des services financiers.

En respectant ces directives, les Etats membres de l’UE contribuent à la prévention du blanchiment d’argent, de la fraude financière et du financement du terrorisme, renforçant ainsi la sécurité financière et la stabilité au sein de l’UE.

Il est très tôt de savoir les évaluations spécifiques du Cameroun par l’UE après son inscription sur la liste grise du GAFI. Les évaluations de risque effectuées par l’UE peuvent varier en fonction de plusieurs facteurs, y compris les relations commerciales, financières et diplomatiques entre le Cameroun et l’UE.

Cette inscription peut rapidement avoir des conséquences sur les relations commerciales et financières avec l’UE, car elle peut entraîner des mesures de vigilance accrue et de surveillance renforcée pour les transactions impliquant notre pays.

Les impacts négatifs sur la quatrième revue du programme triennal du FMI soutenu par la FEC et le MEDC

L’inscription du Cameroun sur la liste grise du GAFI peut avoir une influence négative sur les décisions prises récemment par le FMI concernant les revues du programme soutenu par la FEC et le MEDC pour le pays. Cette inscription reflète les préoccupations croissantes concernant la conformité du Cameroun en matière de Lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT), ce qui peut remettre en question la crédibilité et la fiabilité du pays en termes de gestion financière.

En effet, d’après Le communiqué de presse de fin de mission du 19 mai 2023, l’équipe du FMI, dirigée par Cemile Sancak, est parvenue à un accord avec les autorités camerounaises sur les politiques économiques et financières nécessaires pour finaliser la quatrième revue du programme triennal soutenu par la FEC et le MEDC. Une fois cette revue formellement approuvée par le Conseil d’administration du FMI, le Cameroun recevra un financement de 55,2 millions de DTS (environ 73,8 millions de dollars des EU).

Les autorités camerounaises ont souligné la nécessité de créer un espace budgétaire pour les investissements productifs et les dépenses sociales en mobilisant les recettes intérieures, en améliorant l’efficacité des dépenses et en renforçant la discipline budgétaire. Pour atteindre les objectifs de la Stratégie nationale de développement 2020-2030 pour la transformation structurelle et le développement inclusif (SND30), des mesures supplémentaires seront nécessaires, telles que la mobilisation de recettes non-pétrolières, un meilleur ciblage des dépenses prioritaires et l’amélioration de l’efficacité des dépenses publiques. La mission du FMI a salué les mesures prises par le gouvernement pour renforcer la gestion des finances publiques, favoriser un climat des affaires favorable au secteur privé et soutenir une croissance inclusive et résiliente.

L’inscription sur la liste grise du GAFI peut décourager les investissements étrangers, nuire à l’image économique du pays, réduire la confiance des investisseurs et rendre plus difficile l’accès aux financements internationaux. En conséquence, la réputation internationale du Cameroun en matière de conformité aux normes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme pourrait être détériorée, affectant ainsi ses relations diplomatiques et commerciales avec d’autres pays.

En guise de conclusion, le Cameroun doit prendre des mesures immédiates pour éviter l’inscription sur la liste noire de l’UE en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En renforçant ses efforts dans ces domaines, le pays pourra réduire les risques perçus et restaurer la confiance des partenaires commerciaux et financiers, notamment, l’UE. De plus, il est crucial que le Cameroun adresse les préoccupations soulevées par le GAFI afin de préserver la crédibilité de son programme triennal soutenu par le FMI et de maintenir un accès stable aux financements internationaux. En agissant de manière proactive, le Cameroun peut ainsi assurer la stabilité financière et promouvoir son développement économique à long terme.

Dr. Alain NKOYOCK

est expert en lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

Envie d’accéder aux contenus réservés aux abonnés ?

More
articles

×
×

Panier