L’industrie cinématographique camerounaise revient de loin. En effet, entre la fermeture en 2016, pour des raisons financières, des dernières salles de cinéma encore présentes sur le territoire national, et la constante insuffisance des financements alloués par l’Etat, le secteur du 7ème art camerounais a, probablement, connu son plus bas niveau, il y a sept ans, les professionnels du grand écran se retrouvant livrés à eux-mêmes, car devant, désormais, se débrouiller pour diffuser leurs œuvres et se faire connaître du public.
C’est ainsi que certains sollicitèrent et obtinrent le soutien de Cinéma numérique ambulant (CNA), une initiative bien implantée en Afrique (Bénin, Togo, Burkina Faso, Niger, Sénégal, etc…) ayant pour but de réaliser des projections pour les populations, vivant en milieu rural et dans les quartiers populaires des zones urbaines, dont l’accès à la culture et aux arts contemporains est, particulièrement, restreint. Mais, face aux moyens limités de cette structure locale, d’autres réalisateurs camerounais envisagèrent, plutôt, de se tourner vers l’Institut français de Yaoundé, et se heurtèrent à des conditions de diffusion (pertinence du thème, qualité de la production, etc…) qui exposaient leurs lacunes (manque de formation) par rapport à leurs confrères des autres pays du continent.
Le salut vint, néanmoins, de l’annonce par Vivendi, propriétaire du groupe Canal+, de l’ouverture d’une nouvelle salle de cinéma, Canal Olympia, localisée à Yaoundé, capable d’accueillir près de 300 personnes. Faisant partie intégrante d’une stratégie d’implantation sur le continent africain, cette salle, qui ne devint opérationnelle qu’au second semestre de 2017, permit de redynamiser l’industrie du cinéma camerounais, faisant retomber au passage la pression des épaules des cinéastes locaux, qui, dès lors, n’avaient plus à se soucier de comment faire diffuser leurs œuvres.
Le secteur cinématographique du Cameroun étant en pleine relance, il était maintenant question de le consolider, notamment, en améliorant sa compétitivité sur les scènes continentale et mondiale. Un objectif que les autorités camerounaises ont voulu aider à atteindre en affichant, en fin 2017, leur volonté d’insérer le 7ème art dans le cursus scolaire de l’enseignement secondaire. Cette volonté s’opérait dans le cadre de la politique de réforme curriculaire engagée par le ministère des Enseignements secondaires (MINESEC), et portant sur la professionnalisation des enseignements. Il aura tout de même fallu attendre près de 5 années pour voir cette volonté politique se concrétiser avec l’apparition du cinéma dans les filières de l’enseignement secondaire de certains établissements.
Avant ce développement longtemps attendu, l’industrie cinématographique camerounaise parvint à maintenir son essor, non seulement, grâce à des partenariats conclus avec de grandes plateformes de la diffusion, comme Yabadoo ou Netflix, mais aussi, grâce à l’émergence de nouveaux talents opérant sur le territoire ou en dehors, tels que Constance Ejuma.
L’année 2019 fut marquée par l’apparition sur la plateforme, Yabadoo, du long-métrage camerounais, « Minga et la cuillère cassée ». Une première pour une œuvre camerounaise réalisée avec la technique d’animation. Est également apparu deux ans plus tard, pour la première fois, sur Netflix, le film camerounais, « Therapy ». Son lancement sur la plateforme mondiale américaine eut l’effet d’une onde de choc sur l’environnement cinématographique camerounais, qui, en conséquence, gagna le surnom, Collywood, en référence aux célèbres Nollywood du Nigéria et Ghanawood du Ghana.
Au-delà de la publicité découlant de la diffusion à l’échelle mondiale de ses films, le 7ème art camerounais bénéficie, aujourd’hui, de l’émergence de nouveaux talents, aussi bien, au Cameroun qu’à l’extérieur. C’est le cas, par exemple, de l’actrice, Constance Ejuma, installée aux Etats-Unis, dont la popularité a explosé suite à son rôle dans la réalisation hollywoodienne, Black Panther. A côté de ça, on observe, depuis quelques années, la reconversion dans le cinéma d’un nombre croissant de célébrités d’origine camerounaise, comme l’ancien lion indomptable, Aurélien Chedjou, ou la Miss Cameroun 2013, Valérie Ayena, pour ne citer que ces deux là.
L’industrie cinématographique camerounaise est, aujourd’hui, dans un bien meilleur état qu’autrefois, comme
en témoigne son rayonnement à l’étranger. Après avoir accusé tant de retard sur les mastodontes du
Nigéria, du Ghana et de l’Afrique du Sud, Collywood cherche à s’imposer parmi les tenors du 7ème art en
Afrique. Un défi immense mais pas insurmontable si la volonté politique l’intègre dans les faits comme un
acteur majeur du développement de la nation.
Paul Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)