La Cour constitutionnelle a, déjà, avalé une grosse couleuvre, il y a quelques jours, en refusant d’annuler l’élection présidentielle après le retrait du candidat, Serge Bokassa, comme l’exige la loi. Même à la faculté de droit de l’Université de Bangui, les enseignants ne sont pas arrivés à expliquer cette contorsion du droit à leurs étudiants. On a juste eu l’impression que la volonté de la Cour de protéger le président-sortant, Faustin-Archange Touadéra, aux côtés des représentants de la communauté internationale (qui ne veulent plus dépenser leur argent pour la bonne organisation d’une présidentielle en Centrafrique), à savoir, les Nations-Unies, les membres du Conseil de sécurité, en l’occurrence, la Russie et la Chine, était plus forte que la protection de la règle du droit et le respect de la constitution. Quelques jours après, la réponse n’a pas tardé à être apportée à cette forfaiture de la Cour, avec l’attaque de Bangui, par la rébellion, qui a expliqué son geste par sa volonté d’utiliser la force militaire pour sauver la démocratie et préserver l’état de droit, copieusement, bafoués dans le pays par des institutions (comme la Cour constitutionnelle), qui en ont pourtant la charge. A quelques jours de la décision de la Cour constitutionnelle de la validation ou non de la réélection de Faustin-Archange Touadéra, la quasi-totalité des candidats (floués) et non des moindres, saisissent, une fois de plus, la dite Cour constitutionnelle pour l’inviter à se ressaisir et à dire le droit car elle fait peser un risque certain de guerre civile dans le pays.
L’ancienne présidente de transition, Catherine Samba-Panza, les anciens premiers ministres, Anicet-Georges Dologuélé, Martin Ziguélé, Mahamat Kamoun, Nicolas Tiangaye, les anciens présidents de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua Abdou, Alexandre Ferdinand N’Guendet, l’ancien ministre d’Etat, Me Crépin Mboli-Goumba Benderet, Augustin Agou et Bilal Désiré Kolingba Nzanga, en date du 7 janvier 2021, ont introduit auprès de la Cour constitutionnelle, un recours en annulation de l’élection présidentielle du 27 décembre 2020, lequel a été enregistré au Greffe sous le numéro 119 à 18h45 (sur notre photo Danièle Darlan la présidente de la Cour constitutionnelle sur qui repose l’avenir du Centrafrique).
Que les requérants sollicitent qu’il plaise à la Cour de céans de leur adjuger le bénéfice des moyens invoqués dans leurs premières écritures et des pièces versées au dossier.
- Sur les fraudes et votes fictifs
Considérant en outre qu’il y a lieu de relever l’existence de bureaux de vote fictifs et d’électeurs fictifs en violation de l’article 56 in fine du code électoral.
Qu’ainsi, dans les bureaux de vote 1032-08 (BV08) et 1032-09 (BV09) situés dans le Centre de vote de l’Ecole Amitié dans le 4e arrondissement de la ville de Bangui, il a été trouvé des listes électorales et d’émargement vierges et de fausses urnes sans spécification aux normes de l’ANE (Agence nationale des élections) et destinées à des votes fictifs (pièces versées aux débats).
Considérant que la preuve de fraude est une cause d’annulation prévue par l’article 89 de la loi n°17.004 du 15 février 2017 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
- Sur le nombre falsifié d’électeurs inscrits et de votants
Considérant que les 10 requérants avaient fait état de l’écart inexpliqué entre le nombre initial des électeurs inscrits sur la liste électorale de 1.858.436 et le nombre de 910.784 des inscrits proclamés par l’ANE.
Considérant que du chiffre de 1.858.436, l’ANE a établi que :
- 824.756 inscrits sont localisés en zone occupée par les groupes armés,
- 69.789 sont localisés en zones libres, ont voté et les résultats ont été saccagés.
Considérant que le nombre total d’inscrits établi selon cette répartition se présente ainsi :
1.858.236 – 824.756 – 68.789 = 963.691 inscrits votant selon l’ANE.
Considérant qu’au niveau des résultats du vote, on note une réduction des inscrits votant de 52.907 votants ;
Que, par conséquent, la base prise en compte s’établit comme suit :
Inscrits : 963.691 – 52.907 = 910.784 et suivants les résultats mêmes de l’ANE
Votants : 695.019 soit un taux de participation de 76,31%
Bulletins nuls : 52.170 soit un taux de 7,51%
Inscrits zone sous contrôle groupes armés : 824.756 + 52.907 = 877.663
Que le contrôle donne bien 877.663 (inscrits zone groupes armés) + 910.784 (inscrits proclamés par l’ANE) + 69.789 ‘inscrits zone libre ayant voté et les résultats ont été saccagés) = 1.858.236 inscrits selon l’ANE (document annexe 1).
Suffrages exprimés : 642.956
Considérant que la base adoptée ici est celle de 910.784 inscrits comme outil de travail de l’ANE.
Considérant que l’ANE a établi un « Répertoire des événements » (Annexe 2) que des zones sous contrôle des groupes armés nedevraient pas voter mais qui ont voté dans les zones suivantes :
Kaga-Bandoro : 42.478 votants
Baoro : 13.914 votants
Bozoum : 21.722 votants
Bambari : 77.300 votants soit un total de 155.414 votants.
Que ce total devrait augmenter le nombre des inscrits ayant voté comme suit :
877.663 (inscrits dans zone sous-groupes armés) – 155.414 (votants des zones sous-groupe armés) = 722.300 votants.
Que la base réelle du vote est 910.784 inscrits proclamés par l’ANE + 155.414 (des zones occupées) = 1.066.198 inscrits et non 910.784 ;
Que le contrôle donne bien : 1.066.198 + 722.249 + 69.789 = 1.858.236 inscrits (Annexe I in fine) ;
Considérant que sur la base des documents internes de l’ANE, le nombre des inscrits et celui des votants ont fait l’objet de manipulation frauduleuse et qu’il échet d’en tirer les conséquences de droit en prononçant l’annulation pure et simple des opérations électorales relatives au scrutin présidentiel.
Par ces Motifs
Adjuger aux exposants le bénéfice de leurs précédentes écritures.
Annuler le scrutin présidentiel pour fraudes massives et falsification des résultats.
Autorise les requérants à faire des observations orales à l’audience.
Sous toutes Réserves.
Fait à Bangui, le 14 janvier 2021
Me Sombo-Dibele Arlette