En Mauritanie, la valeur de la femme se mesure à son poids corporel. Une femme obèse est considérée comme étant belle et prête à aller en mariage, tandis qu’une autre, mince ou élancée de corps, est mal vue, parfois même comme étant malade, et, par conséquent, beaucoup moins susceptible d’attirer des maris potentiels.
Bien ancrés dans la tradition mauritanienne, les standards sociétaux en matière de beauté féminine conduisent de nombreuses familles à recourir à des solutions extrêmes pour augmenter drastiquement le poids de leurs filles, et ce dès leur plus jeune âge, ceci afin de maximiser leurs chances de se marier dans le futur, la forte corpulence tendant à masquer la jeunesse des filles (sur notre photo, une fille est gavée pour être une bonne épouse).
Relativement ancienne, la première solution, appelée le « gavage » ou « leblouh » (en mauritanien), se traduit par le nourrissage forcé des jeunes filles avec des nutriments hautement caloriques, tels que le mil et le lait de chamelle, pendant une période de temps donnée. Placées sous la supervision d’une nourrisseuse rémunérée à cet effet, lorsqu’elles sont temporairement envoyées dans une ‘ferme’ en milieu rural, ou chez leur propre mère, lorsque le ‘gavage » s’effectue au domicile familial, ces jeunes filles doivent être en mesure d’ingurgiter 16 000 calories par jour, ou le cas échéant, avoir atteint un nombre de kilos fixé d’avance. Cependant, face aux diverses controverses associées à cette pratique, et à cause des avancées notables réalisées dans le domaine pharmaceutique, les traitements médicamenteux favorisant la prise de poids sont devenus une meilleure alternative pour les familles mauritaniennes.
Faciles d’accès et promettant un gain de poids rapide, la pilule contraceptive, les antihistaminiques, et les médicaments contenant de la cortisone sont des exemples de produits s’étant avérés être des cadeaux du ciel, aussi bien, pour les familles en quête de reconnaissance sociale, que pour les Mauritaniennes ressentant le besoin d’être courtisées par les hommes. Mais, dans un environnement marqué par l’absence de régulation par les autorités publiques, et l’existence d’un marché noir de vente de médicaments, leur utilisation peut avoir des effets nocifs sur la santé, et entraîner la mort.
Pour celles qui parviennent à s’aligner sur les standards de la société en matière de poids, les portes du mariage s’ouvrent, et leurs familles peuvent exprimer leur soulagement d’avoir honoré leur statut social. Un tel aboutissement aurait sans doute été qualifié de fin heureuse si les données gouvernementales relatives au divorce n’affichaient pas un taux d’environ 33% dans le pays. Un pourcentage considérablement élevé pour une nation dans laquelle le mariage est d’importance sociale, et la prédominance de l’islam est perceptible dans tous les axes de la vie quotidienne.
Après avoir pris maintes risques pour intégrer le cercle des Mauritaniennes légalement mariées, un tiers de ces femmes finissent par en sortir, retournant ainsi dans leur famille avec le titre de femme non mariée, fraîchement regagné. Alors que dans la quasi-totalité des pays du monde entier, un tel retour s’apparenterait à un échec dans la vie, en Mauritanie, il donne plutôt lieu à l’organisation par la famille d’une immense fête en l’honneur de la femme. Pourquoi ? Car, d’une part, la femme célèbre l’acquisition d’un nouveau statut social, la plaçant au-dessus de celui qu’elle avait avant de divorcer, et qui est particulièrement prisé auprès de la gente masculine. Les Mauritaniens, principalement, ceux ne s’étant pas encore mariés, voyant comme une preuve de maturité et d’expérience nécessaires pour garantir la réussite d’un mariage. Et parce que, d’autre part, la famille de la femme se réjouit à l’idée de collecter une nouvelle dot, en cas de remariage, tout en affirmant, une fois de plus, son image au sein de la société.
D’après des chiffres officiels, 74% des Mauritaniennes divorcées finissent par se remarier au moins une fois dans leur vie, une infime proportion (7%) d’entre elles parvenant à se remarier trois fois, voire, plus. Ce qui est perçu comme un signe de distinction dans un pays où les multiples mariages traduisent toute la beauté et l’attractivité de la femme.
Concernant celles qui ne veulent plus se remarier, par préférence à la poursuite d’ambitions personnelles (études, formation), peut se poser la question de la nécessité d’un si long parcours. Mais, la réponse est assez simple, surtout, quand on connaît la forte pression sociale auxquelles sont sujet les Mauritaniennes, et étant donné que la majorité (67%) des unions maritales perdure.
Il convient, néanmoins, de préciser, malgré l’absence de données fiables sur le sujet, que la plupart des divorces en Mauritanie sont réclamés par les épouses à leurs maris, la loi ne leur permettant pas, pour des raisons techniques, de formuler elles-mêmes la demande de divorce auprès des autorités compétentes. Ainsi, il est courant qu’une procédure de divorce dure en moyenne cinq ans ou plus avant d’aboutir. Une situation observée dans 60% des cas qui s’explique en partie par l’appréhension du couple quant à la gestion des conséquences qui résulteront de leur éventuelle séparation, notamment, l’impact sur les enfants, et la difficulté des hommes divorcés à pouvoir se remarier. En effet, A moins d’être riche, un Mauritanien divorcé traînera l’image de l’époux qui n’a pas été capable de prendre soin de celle, qui depuis son plus jeune âge, a subi une préparation draconienne pour devenir sienne.