Les Etats-Unis ne savent plus sur quel pied danser dans le conflit fratricide au Soudan. En effet, pas plus tard que vendredi, 25 août,, John Godfrey, l’ambassadeur américain à Khartoum, a déclaré que les deux groupes engagés dans les combats “ont démontré qu’ils ne sont pas aptes à gouverner” le pays. Cette sortie fait suite à l’intensification des affrontements entre le chef de la transition, le général, Al-Burhane, et le patron des Forces de soutien rapide (FSR), le général, Hemedti, qui refusent de s’accorder sur un règlement pacifiste du différend qui les oppose.
Il faut admettre que plusieurs tentatives ont été menées, depuis le début du conflit il y a plus de quatre mois, par les organisations sous-régionales et étrangères sans qu’aucune n’ait pu ramener les deux généraux à la table des discussions. La plus crédible devant être celle de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), mais qui a, irrémédiablement, pris du plomb dans l’aile depuis les menaces proférées par William Ruto, le président du Kenya et médiateur en chef désigné par l’IGAD, à l’endroit des deux chefs de guerre. Le dirigeant kényan avait annoncé vouloir mettre sur pied une force armée régionale pour une intervention au Soudan, mais, s’était heurté à une mise en garde de la part d’Al-Burhane.
D’un autre côté, l’initiative de William Ruto lui avait valu les encouragements d’Antony Blinken. Un épisode qui explique parfaitement les récents propos de l’ambassadeur des Etats-Unis à Khartoum, qui ne font en réalité que traduire la position de la Maison blanche, c’est-à-dire, une intervention armée. Arrivé en 2020 dans une volonté bilatérale du dégel des relations diplomatiques entre Washington et Khartoum, John Godfrey avait mis fin à 25 années d’absence d’un ambassadeur américain sur le sol soudanais. Qui aurait pu imaginer un seul instant que ce serait également à travers lui que l’éloignement entre les deux capitales se cristalliserait à nouveau?
Depuis la composition par l’IGAD du quatuor des Etats membres (Kenya, Ethiopie, Soudan du Sud, et Djibouti) chargés de la médiation dans la guerre soudanaise, les tensions n’ont fait que s’accentuer, non seulement, entre les forces armées et les paramilitaires, mais également, avec les médiateurs internationaux, dont les Etats-Unis en tête de file. Il serait peut-être temps que l’IGAD revoit sa stratégie et retire ce dossier des mains de William Ruto et de Salva Kiir, deux dirigeants africains qui sont loin de faire l’unanimité dans leur propre pays. Par quel miracle parviendront-ils à faire émerger la paix ailleurs ?
La marginalisation du président du Djibouti et actuel président de l’IGAD, Ismail Omar Guelleh, dans ce processus de médiation continue de surprendre. Après les gaffes de William Ruto, l’organisation sous-régionale semble s’être tournée vers le président du Soudan du Sud, le général, Salva Kiir, probablement, du fait de son statut de militaire, dans l’espoir qu’il puisse se faire entendre auprès de ses frères d’armes, Al-Burhane et Hemedti. Ce qui paraît mal embarqué puisque les FSR le savent, déjà, proche de l’armée soudanaise. On en est à se demander si l’IGAD veut véritablement mettre un terme à ce conflit.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)