Meilleur évaluateur des politiques publiques du Gabon, une science pas encore bien connue des Gabonais, Petit-Lambert Ovono fait d’utiles suggestions au futur gouvernement de transition dont les Gabonais veulent le plein succès. Il va même jusqu’à proposer la création d’un ministère de la Redevabilité et nous dit ce que c’est et son éventuel rôle. Une interview à lire pour tout ceux qui, demain, auront en charge des affaires de l’Etat.
Afrique Education : L’actualité gabonaise va à 200 à l’heure avec l’irruption du CTRI et d’un nouveau président de la transition. Personne n’aurait parié sur une telle évolution du Gabon, pays paisible par excellence il y a seulement deux semaines. Quelle réflexion faites vous par rapport à ces changements radicaux ?
Petit Lambert Ovono : La population gabonaise était fatiguée du régime BONGO qui a conservé le pouvoir pendant 57 ans. Les Gabonais ont supporté la misère, la pauvreté, les brimades, les crimes et assassinats, les coups d’état électoraux…, en un mot, les Gabonais attendaient le changement sans trop savoir par qui il arriverait. Ils ont essayé les élections pacifiques, cela n’a pas marché malgré la victoire de Paul Mba Abessole, André Mba Obame, Jean Ping. Les Gabonais étaient prêts à accepter n’importe quelle personne qui les aiderait à se débarrasser du régime BONGO.
Comme le raconte la Bible dans le choix de Moïse qui était général égyptien pour libérer Israël de l’esclavage en Egypte, Dieu a choisi le libérateur du Gabon au coeur même du service sécuritaire du pouvoir Bongo. La similitude est si grande que c’est aussi un général qui est venu libérer le Gabon.
C’est à l’intérieur même du régime qu’est sorti le sauveur, le général de brigade Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA.
Nous avons ainsi d’un côté la population qui attendait la libération, le changement, et de l’autre côté, quelqu’un qui a décelé les attentes de ces populations et s’est engagé à y répondre.
Fort heureusement qu’aucune fuite directe n’avait été décelée malgré la présence des fouineurs des « collégiens renvoyés du Bord de Mer ».
En somme, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a trouvé un terrain déjà préparé pour le changement.
Mais ce coup d’état qui met fin au régime est un miracle, car vu le contexte, nul ne l’aurait imaginé.
Le changement était possible, mais cela nécessitait du courage, de l’intelligence et de la sagesse.
Si on observe une vitesse d’action, c’est que le projet a certainement été bien réfléchi et préparé et sa mise en œuvre est pertinente et efficace.
Nous observons que la vision du CTRI est claire et c’est une équipe pragmatique. Dans sa stratégie, le Comité a réuni toutes les parties prenantes et cela semble bien fonctionner jusqu’à présent. Toute la population a de l’espérance en ce moment. Le Comité déroule sa feuille de route progressivement et promet des réponses aux principales préoccupations des populations comme la lutte contre le chômage des jeunes, le paiement des retraites, la construction des infrastructures, la résolution du problème foncier et de la nationalité gabonaise.
Ces mesures auront un impact sur la vie chère et le panier de la ménagère au regard des paiements des bourses aux élèves, des pensions aux retraités. L’entretien des routes fera en sorte que les produits alimentaires de l’intérieur du pays soient acheminés dans les capitales. L’offre alimentaire va augmenter, ce qui permettra la baisse des prix de ces produits car le pays ne sera plus enclavé.
Les premiers actes posés par le CTRI vont dans le sens de la réponse aux attentes des populations et c’est pourquoi la confiance des populations augmente envers le CTRI, et les mesures communiquées lors de la cérémonie d’investiture vont dans le sens de ces changements attendus.
Quelles devraient être les urgences de la transition ?
Le CTRI détient les trois pouvoirs : le législatif, l’exécutif, et le judiciaire.
Après avoir rencontré les représentants de toutes les catégories socioprofessionnelles, (secteur privé, classe politique, confessions religieuses et la société civile), et la reconnaissance de les toutes forces vives de la Nation lors de la prestation de serment, l’urgence est de mettre en place les trois pouvoirs transitoires pour commencer la mise en oeuvre des mesures annoncées par le président de la transition.
Ces mesures devront faire l’objet d’une planification stratégique, tactique et opérationnelle pour que la population s’en approprie et soit partie prenante. C’est une politique participative indispensable pour conserver la proximité avec la population.
C’est ce plan que le gouvernement transitoire va piloter et mettre en œuvre.
Pourquoi doit-on créer un ministère de la redevabilité ?
Le pouvoir PDG était caractérisé par la mauvaise gouvernance et l’impunité, des lois mal faites, la mise en œuvre catastrophique, le contrôle qui n’était que de nom, des rapports qui n’étaient pas exploités. Lorsqu’on parle de bonne gouvernance, on parle des règles, des procédures, des lois et des institutions, du contrôle (différents types de contrôle, inspections, audit, suivi-évaluation, des recommandations et des sanctions).
Le Gabon aura des institutions transitoires pour mettre en œuvre cette bonne gouvernance, on contrôle et en cas de faute ou d’erreur on applique la discipline et la sanction.
Le ministère de la Redevabilité s’occupera des évaluations périodiques pour que les vieilles habitudes ne reviennent pas.
Votre mot de la fin ?
A titre personnel, nous pensons qu’il faut un temps de pause pour le débat politique et mettre ce temps à profit pour remettre les mentalités en place à travers la culture civique, de nos us et coutumes, des mœurs, des études sur les valeurs républicaines en y associant les confessions religieuses et la société civile et en permettant au secteur privé de travailler sereinement pour créer de la richesse et des emplois pour nos jeunes. C’est pourquoi je suis favorable à une transition d’une durée de cinq ans.
Propos recueillis à Libreville
par Isidore Moundolog
NB : Cette interview a été enregistrée avant la nomination du premier ministre Raymond Ndong Sima
Qui est Petit-Lambert Ovono ?
PETIT-LAMBERT OVONO
EVALUATEUR CERTIFIE DES POLITIQUES PUBLIQUES, CONSULTANT INTERNATIONAL, CONSEILLER DES AFFAIRES ETRANGERES EN RETRAITE
Président de la Société gabonaise
de l’évaluation (SOGEVAL)
Tél : +241 04 27 27 97/06 94 94 70
Email : petitlambertov@gmail.com
Libreville-Gabon
Tél : +33 6 21 63 50 57