On apprend encore à connaître le nouveau recteur de la Grande Mosquée de Paris (GMP), Chems-Eddine Hafiz. Il faudra s’habituer à ce nom. C’est, en effet, la nouvelle figure de l’islam de France. La principale porte des musulmans de France. Nommé à la tête de la GMP début 2020, Chems-Eddine Hafiz est en passe de devenir aussi médiatisé que l’était son prédécesseur, Dalil Boubakeur. Avec la différence que Dalil était, plutôt, aligné sur les institutions républicaines et prenaient rarement ses distances même quand celles-ci étaient en porte à faux par rapport aux musulmans dont il avait la charge. On le disait un peu faible… Passons ! Ce n’est pas le cas de son successeur, qui redonne une certaine fierté aux musulmans qui trouvent en lui le représentant de leur cause (perdue).
Il faut dire que l’avenant sexagénaire donne de sa personne depuis le 7 octobre dernier et l’attaque du Hamas en Israël. Communiqués, tribunes, interviews, aucun support n’est laissé de côté. Très affecté par l’explosion des actes antisémites en France, le recteur s’est résolu à sortir de sa réserve habituelle et ne manque plus une occasion de prendre la parole et voler au secours… des musulmans. Car pour lui, et comme d’habitude, ce sont ces derniers qui seraient les grandes victimes du moment.
Dès le 2 novembre, la GMP dénonçait ainsi « l’augmentation des actes et des discours antimusulmans (…) la libération d’une parole essentialiste, stigmatisante, raciste et haineuse contre les musulmans de France ». Elle en rajoutait une couche quatre jours plus tard, exprimant sa « vive inquiétude face à la montée des actes racistes, de la haine et de la discrimination antimusulmanes ».
Si ça se trouve, ces actes antisémites dont on nous parle à la télévision sont bidon. « Où sont ces 1.200 et quelques actes antisémites ? demande d’ailleurs l’imam de la GMP, Abdelali Mamoun, sur une radio périphérique française ? Nous aimerions avoir des éléments concrets ! » Le vrai sujet, ce n’est pas la souffrance juive, mais l’islamophobie. « Au lieu de faire de cette manifestation une lutte contre l’antisémitisme, il aurait fallu faire une lutte contre le racisme », expliqua le recteur au sujet de la grande manifestation du 12 novembre à laquelle il avait refusé de participer. Mais, preuve qu’il est républicain et un homme de conviction qui a ses idées, il a répondu à l’appel du président, Emmanuel Macron, le lendemain, à l’Elysée où il rencontrait les représentants des grands cultes de France. C’est à côté du grand rabbin ; Haïm Korsia, qu’il s’est présenté, après cette réunion, pour parler aux journalistes, dans un air tout à fait détendu. Parfois, on se demande si ce ne sont pas les réseaux sociaux qui mettent de l’huile sur le feu ?
Il faut apprendre à connaître le recteur de la GMP. Particulièrement protecteur de ses ouailles, il avait, en 2002, alors qu’il n’était que conseiller de la GMP, assigné devant le tribunal de grande instance de Paris l’écrivain, Michel Houellebecq, pour avoir insulté l’islam. En 2006, il poursuivit Charlie Hebdo pour des caricatures de Mahomet.
Avocat de métier, Chems-Eddine Hafiz (sur notre photo avec son prédécesseur Dalil Boubakeur) maîtrise sa parole et sait adapter son discours selon son auditoire. L’insaisissable Franco-Algérien évoque, sans retenue de langage, « la résistance » des Palestiniens et le « terrorisme meurtrier » d’Israël. Ce que les dirigeants de l’OCI et de la Ligue arabe ont parfois eu du mal à exprimer à Riyad, le 11 novembre 2023, lui, le dénonce dans la presse française avec grande facilité.
Les massacres du 7 octobre pendent à la gorge de tout un chacun et méritent d’être condamnés. Mais, posons-nous la question : si le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, n’avait pas torpillé, vingt ans durant, le processus de paix qui aboutissait à la création de deux Etats devant vivre côte à côte, parce que, lui, l’extrémiste de droite veut imposer un seul Etat, celui d’Israël, le Hamas aurait-il eu l’espace politique et militaire pour commettre les massacres du 7 octobre ? Le Hamas soutiendrait-il au point d’être écouté par certains, l’éradication d’Israël de la carte du Moyen-Orient ? On est, donc, ici, dans un processus de « œil pour œil, dent pour dent », « tu ne veux pas de moi, moi je ne veux pas de toi ». En fait, c’est Netanyahu qu’on devrait blâmer et non le recteur de la GMP.
On espère qu’on commence à comprendre parmi les principaux soutiens de l’Etat hébreu, à commencer, par les Américains que tant qu’il n’y aura pas deux Etats dans cette zone, qui vivront côte à côte, il n’y aura la paix pour personne. Ce n’est pas le recteur de la GMP qui dira le contraire.