Depuis le refroidissement des relations entre le Tchad et l’Allemagne en avril dernier, l’Union européenne (UE) a suspendu son aide militaire vers la nation sahélienne. En effet, l’Allemagne étant l’une des principales bailleurs de fonds du Bloc européen, il était inconcevable qu’elle ne soit soutenue par les autres membres, même en cas de tort avéré, comme dans l’épisode de la bourde monumentale de Gordon Kricke, l’ancien ambassadeur d’Allemagne au Tchad.
Après une sortie médiatique qui avait fortement contrarié les autorités de N’Djamena, Gordon Kricke avait été sommé de quitter le pays pour avoir tenu des propos relevant de l’ingérence étrangère. Une décision logique du président de la transition au Tchad, Mahamat Idriss Déby, lequel ne pouvait fermer les yeux sur un tel écart de conduite, et qui avait conduit le chancelier allemand, Olaf Scholz, à appliquer le principe de réciprocité, afin de sauver la face.
Cette situation entraîna le blocage d’un financement de 10 millions d’euros devant être envoyé par Bruxelles dans le cadre de sa coopération militaire avec N’Djamena. La capitale belge demandant à la capitale tchadienne de régler son différend avec l’allemande. Il aura fallu attendre l’intervention en deux temps du Tchad dans le dossier du Niger pour regagner du crédit aux yeux de l’UE.
On se souvient, tout d’abord, qu’à l’annonce du putsch de Niamey, le jeune général-président avait su convaincre son nouvel homologue du Niger, le général, Abdourahamane Tiani, de le laisser rencontrer l’ancien président déchu, Mohamed Bazoum, pour rassurer les amis occidentaux de ce dernier sur sa bonne santé. Puis, il y a eu le retrait des troupes françaises du Niger et leur accueil au Tchad, malgré la forte montée du sentiment antifrançais dans la région.
En plus de celui des déplacés soudanais, tous ces dossiers ont été abordés lors de la visite du dirigeant tchadien à Paris en octobre dernier, en particulier, les besoins financiers substantiels en découlant. Emmanuel Macron, se sentant redevable à double titre à l’égard du dirigeant tchadien, a dû promettre de l’aider à en obtenir par le canal de l’UE. On voit d’ailleurs mal comment le chancelier allemand pourrait refuser de clôturer définitivement le dossier de la brouille diplomatique avec le Tchad si la demande provient du président français.
Berlin et N’Djamena avaient amorcé un semblant de retour vers la normalisation de leurs rapports. La nation européenne ayant dû remplacer Gordon Kricke par Günter Overfeld, et la nation africaine optant pour le maintien de Mariam Ali Moussa au même poste. Malgré cela, des blocages subsistaient au sein de l’institution européenne, qui n’avait toujours pas levé la suspension de sa coopération militaire avec le Tchad. Le passage de Mahamat Idriss Déby dans la capitale parisienne a permis de régler définitivement cette problématique.
On notera, également, l’initiative de Budapest qui emboîte le pas à Bruxelles sur le plan des accords sécuritaires avec N’Djamena, en annonçant l’envoi de 200 soldats en mars 2024. Préoccupé par la régulation des flux migratoires, Viktor Orban prouve, une fois encore, qu’il a avant tout à cœur de servir les intérêts de son pays.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)