Le spectre des élections de 2018 plane-t-il de nouveau sur la RD Congo ? Les événements qui se produisent, actuellement, dans le deuxième plus vaste pays d’Afrique, indiquent que oui. En cause, le déroulement du scrutin général du 20 décembre 2023. Alors que l’on s’attendait à ce que les difficultés rencontrées pour leur organisation soient moindres compte tenu du budget colossal de 1.1 milliard de dollars alloué, ces élections générales ont exposé les défaillances de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). En effet, qu’il s’agisse de l’ouverture tardive des bureaux de vote, de la non-fonctionnalité du matériel de vote ou de l’absence de noms d’électeurs sur les listes bien qu’ils soient enregistrés, les autorités électorales auront complètement été dépassées par l’événement. Elles qui avaient pourtant refusé de céder aux multiples appels demandant le report de ce dernier, en dépit des signes avant-coureurs des problèmes auxquels elles risquaient de se confronter.
Résultat, la loi électorale a été violée à deux niveaux, d’abord, parce que la durée du vote dans certaines localités s’est étendue bien au-delà de la date fixée, ensuite, car le scrutin a eu lieu pendant des jours ouvrables. Ces deux faits, qui avaient, certainement, pour but de rattraper coûte que coûte le désordre de la CENI, rend, parfaitement, recevables les critiques de l’opposition sur la crédibilité de l’ensemble du processus électoral.
D’autant plus que le pouvoir de Kinshasa s’était, au préalable, arrangé à limiter le nombre d’observateurs internationaux, notamment, ceux de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et de l’Union européenne (UE), qui n’ont pu prendre part aux différentes étapes de son déroulement. Le cas de la CAE est, particulièrement, intriguant à cause du refus catégorique des autorités congolaises d’accréditer la délégation est-africaine, conformément au règlement en vigueur de l’organe régional. Du jamais vu en 24 années d’existence, et de quoi largement alimenter toutes sortes de spéculation, qui vont, déjà, bon train quant au jusqu’au boutisme du président sortant, Félix Tshisekedi.
Fortement contesté après sa victoire aux présidentielles de 2018, le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, est conscient que l’opposition actuelle est bien plus farouche que celle de l’époque. D’ailleurs, l’église catholique, qui tient le rôle d’observateur principal du fait qu’elle dispose du plus grand nombre d’observateurs sur place, a, déjà, commencé à annoncer la couleur en rejetant les résultats préliminaires, qui créditent Félix Tshisekedi d’une avance considérable sur ses adversaires. De quoi accroître la tension dans le camp des opposants.
Après le fiasco organisationnel de la CENI du 20 décembre, plusieurs de ces derniers, qui ont toujours en mémoire le scénario de 2018, exigeaient, déjà, la reprise de l’intégralité du scrutin. Les résultats définitifs étant prévus pour ce dimanche 31 décembre, il est quasiment certain qu’en cas de confirmation des statistiques préliminaires, des violences sanglantes éclatent en RD Congo. Si tel était le cas, Félix Tshisekedi aurait-il malgré tout le courage d’aller prêter serment ?
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)