Fraîchement investi président pour la deuxième fois de suite, après des élections dont l’issue était connue d’avance, Kaïs Saied est, maintenant, attendu sur le terrain économique de son pays. Très engagé dans la répression des migrants d’Afrique subsaharienne et de l’opposition, il aura réussi à détourner l’attention des Tunisiens, lors de son premier mandat.
Le rapprochement de ses équipes avec le FMI, en octobre 2023, avait suscité une lueur d’espoir sur un éventuel plan de relance car cela aurait pu aboutir à la remise sur le droit chemin de la Tunisie. Mais, le locataire du Palais de Carthage en décida autrement, par peur des conséquences de la contrepartie assortie au 1,9 milliard de dollars, qui lui aurait été accordé.
En claquant la porte au nez du FMI, Kaïs Saied pensait encore disposer de quelques options, notamment, en se tournant vers des bailleurs de fonds aux conditions moins contraignantes dont l’Arabie Saoudite, l’Algérie ou la Banque africaine d’import export. Cependant, la perception du risque qu’il dégageait causa aux uns d’exiger des garanties, et aux autres de marquer leur refus.
Se trouvant dos au mur, le dirigeant tunisien n’eut d’autre choix que de contracter un prêt auprès de la Banque centrale de Tunisie (BCT) pour combler le déficit budgétaire de son gouvernement. Alors que l’on pensait que cette mesure serait exceptionnelle, Kaïs Saied avait déjà planifié de placer la BCT sous son giron, et d’en faire le pourvoyeur de fonds de son administration.
Non seulement, un tel acte relève presque du suicide économique car le principe d’indépendance est l’essence même d’une banque centrale, ce qui lui permet de déployer une politique monétaire visant à garantir la stabilité du niveau des prix. Mais, en plus, il traduit le déni du président, Saied, par rapport aux réformes à mener pour rééquilibrer les comptes publics tunisiens.
A court de boucs émissaires, Kaïs Saied doit se préparer à une hausse de la fréquence des manifestations contre l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat, à l’instar de celle du 13 septembre. S’étant mis à l’assaut de la BCT, il ouvre la voie à une éventuelle dévaluation du dinar, la devise nationale, les spéculations sur sa parité par rapport au dollar n’étant plus entièrement contrôlables.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)