La Somalie est sur le point de réussir son défi contre la dette extérieure. Passé de 64% en 2018 à 6% du PIB en 2023, le niveau de celle-ci ne représente plus un obstacle aux objectifs de développement de la nation. De quoi motiver les autres Etats africains également en difficulté avec leur surendettement. Même si pour y parvenir, l’Etat somalien a dû réorganiser ses institutions, après plus de trois décennies sans avoir accès aux financements internationaux.
Cette prouesse historique de la Somalie est le résultat de sa participation au programme ciblé du FMI et de la Banque Mondiale pour les pays pauvres très endettés (PPTE). Jugé contraignant, en raison de sa durée et des réformes douloureuses imposées par les deux institutions financières de Bretton Woods, il aura pourtant rendu le gouvernement de Mogadiscio éligible à un effacement de 4,5 milliards de dollars de sa dette, au départ fixé à 5,2 milliards (sur notre photo le président responsable de cette prouesse Hassan Cheikh Mohamoud).
C’est dans ce contexte que l’ambassadeur des Etats-Unis en Somalie, Richard Riley, et le ministre somalien des Finances, Bihi Egeh, ont signé, cette semaine, un accord annulant la créance américaine de 1,14 milliard de dollars, en guise d’illustration de ce à quoi donne droit cette éligibilité. En effet, elle rend possible la tenue de négociations bilatérales entre le pays endetté et chaque pays créancier, qui peuvent ensuite convenir des modalités d’effacement.
Le cas de la Somalie prouve que la volonté à elle seule suffit pour se défaire du poids de la dette extérieure. Aujourd’hui, plusieurs pays africains lourdement endettés, quoique à des seuils de inférieurs à celui de la Somalie, préfèrent la facilité, c’est à dire solliciter l’annulation de leur dette sans avoir à présenter à leurs bailleurs de fonds des gages de bonne gouvernance, censés garantir qu’ils ne retomberont plus dans les travers d’hier.
Il a fallu un peu moins d’une décennie à la Somalie pour sortir du piège de la dette. Cela n’a pas été simple, mais l’Etat y est parvenu et peut désormais rêver d’un avenir basé sur des initiatives de développement durable. Une quarantaine de pays africains sont actuellement inscrits au dispositif PPTE, et devraient se donner les moyens d’aller jusqu’à son terme, au lieu d’espérer un geste de la part des pays créditeurs, qui se montrent de plus en plus réticents à en faire.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University)