ALLEMAGNE : Une double crise sur fond de soutien à l’Ukraine

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La première économie de l’Union européenne traverse une double crise. Après avoir été en récession en 2023, l’Allemagne va connaître une seconde année de sous-performance économique. Celle-ci a fait éclater la coalition au pouvoir, formée des Sociaux Démocrates (SPD), des Libéraux (FDP), et des Verts, à cause du soutien apporté à l’Ukraine. Cette crise politique et économique ne pouvait tomber plus mal pour l’UE, au moment où leur candidate aux présidentielles américaines, Kamala Harris, a été sèchement battue par  Donald Trump.

Même si elle refuse de regarder la réalité en face, Berlin sait que tous ses maux s’articulent autour de la question de la guerre en Ukraine. En effet, son industrie, plus que celle de n’importe quelle autre capitale de l’UE, est moins productive depuis 2022 car elle n’a plus accès au pétrole russe bon marché. En outre, l’imposition de sanctions à la Russie a fait plonger ses exportations vers Moscou de 27,35 milliards de dollars en 2021 à 15,5 milliards en 2022, puis, à 9,9 milliards en 2023. Une tendance à la baisse qui devrait se poursuivre si le conflit perdure.

Mais, les relations commerciales ne se sont pas dégradées qu’avec Moscou, puisque Pékin, une autre de ses principales partenaires économiques, est aujourd’hui devenue l’une de ses plus sérieuses rivales dans le domaine de l’industrie automobile. Autrefois, importatrice de berlines allemandes, la Chine s’est muée en leader mondial de production de véhicules électriques, qu’elle voudrait pouvoir écouler en Europe. Si, en 2021, les exportations de voitures allemandes vers la Chine étaient de plus de 30 milliards d’euros, elles ont chuté de moitié en 2023.  

Les difficultés économiques de Berlin ne s’étant pas révélées du jour au lendemain, la mouvance au pouvoir parvenait à rester groupée jusqu’à l’annonce par le géant de l’automobile, Volkswagen, de mesures visant à préserver le futur de la société, parmi lesquelles des fermetures d’usines, une première en 87 ans d’existence, couplées à des suppressions de dizaines de milliers d’emplois, et des baisses salariales de l’ordre de 10%. Cette nouvelle de l’emblématique fabriquant automobile allemand a cristallisé l’état réel de l’économie nationale dans les esprits. 

Alors, lorsque le chancelier, Olaf Scholz, intime à son ministre libéral, Christian Lindner, d’ignorer ce que prévoit la Constitution en matière d’endettement et de lui trouver 3 milliards d’euros pour honorer un engagement pris auprès de Bruxelles pour le compte de Volodymyr Zelensky, les éclats de voix surgissent. Parmi les raisons évoquées de sa décision de limoger Lindner, Scholz a parlé de trahison et de manque de confiance. Des propos crus qui laissent imaginer la virulence des échanges à huis clos entre les deux hommes, qui a mis fin à la coalition.

Christian Lindne, le ministre des Finances limogé.

La crise politique allemande n’est que la résultante directe d’une situation économique en constante dégradation depuis ces dernières années. Tant qu’elle ne s’améliorera pas, les gouvernements pourront se succéder sans que rien ne change. Pour Olaf Scholz par contre, les jours sont comptés car l’opposition allemande ne devrait lui faire aucun cadeau. L’UE perdra-t-elle l’un de ses plus grands soutiens au profit d’un nouveau chancelier non aligné ? 

Paul-Patrick Tédga

MSc in Finance (Johns Hopkins University)

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