Afrique Education l’avait dit et redit avant la tenue de ce Sommet extraordinaire que la dévaluation du F CFA n’était pas à l’ordre du jour comme le 23 décembre 2016, quand le ministre français des Finances, Michel Sapin, et la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, avaient effectué le déplacement de Yaoundé. La dévaluation était réellement dans l’air. Les chefs d’Etat l’avait recalé au profit des réformes qui ont commencé à être mises en œuvre avant la sortie de piste de plusieurs pays provoquant le Sommet extraordinaire du 16 décembre 2024.
Cette fois-ci, la France a été représentée par son ambassadeur au Cameroun, preuve qu’elle-même, n’est pas en mesure d’indiquer une voie contraire à celle des six chefs d’Etat. De son côté, la patronne du FMI, Kristalina Georgieva, a envoyé son directeur Afrique, Abebe Aemro Sélassié, pour lire les recommandations de son organisation. Autrement dit, les six pays savent ce qu’il y a lieu de faire pour éviter, comme l’a indiqué le président, Paul Biya, dans son discours de clôture, une situation qui conduirait la zone vers des lendemains incertains. Autrement dit, la dévaluation.
Président de la CEMAC, l’Equato-Guinéen, Baltasar Engonga Edjo, a énoncé les corrections à apporter, rapidement, par les Etats afin que la stabilité macro-économique revienne. Il a ainsi indiqué de stopper la tendance baissière en 2024 des réserves de change. Celles-ci oscillent entre trois et quatre mois au mieux des cas alors qu’elles doivent se situer entre cinq et six mois voire plus.
Le Sommet a, aussi, recommandé la diversification des économies. En dehors du Cameroun dont la politique de diversification est notable, les cinq autres pays doivent sortir de la dépendance monoproductrice. Le pétrole et le gaz devraient venir en soutien au développement de l’agriculture et de l’élevage tout comme les ressources minières et forestières doivent cesser d’être exportées à l’état brut. Elles doivent subir une transformation qui permette aux pays concernés d’accroître leur valeur ajoutée. Ici, les pays doivent faire preuve de volonté politique en abandonnant la facilité qui consiste à négocier au plus bas l’exploitation de leurs matières premières à l’état de nature contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Ils doivent pour cela développer leurs capacités énergétiques afin de permettre aux investisseurs de transformer les ressources naturelles locales sans goulots d’étranglement.
Ils sont, également, appelés à développer les moyens de transport afin de faciliter l’écoulement des produits transformés vers des ports d’évacuation à l’exportation.
Pour obtenir un meilleur résultat, il faut une solidarité sous-régionale à toute épreuve. Celle-ci devrait se manifester par la complémentarité car aucun des six pays ne peut, réellement, s’en sortir tout seul, alors que le marché sous-régional des 55 millions d’habitants connaît une variation au niveau du pouvoir d’achat dans les six pays. Autant celui-ci est très élevé au Gabon, autant il est très bas en Centrafrique qui est considéré, avec les guerres qu’il continue de subir, l’un des cinq pays les plus pauvres du monde.
Le Sommet n’a pas manqué de demander aux opérateurs économiques de rapatrier les devises qu’ils ont stockés à l’extérieur. Si c’était dans un but spéculatif précédent une éventuelle dévaluation, celle-ci n’étant plus à l’ordre du jour, il faudrait que les devises en question soient relogées dans les systèmes bancaires de la CEMAC.
A ceux qui ne l’ont pas encore fait, le Sommet recommande la signature des programmes avec le FMI. C’est, par exemple, le cas du Congo-Brazzaville qui s’affiche comme le plus mauvais élève de la CEMAC avec un taux d’endettement de près de 100% du PIB alors que la norme au niveau sous-régional est de 70% (et encore). Le Congo-Brazzaville totalise aussi plus de 7 mois d’arriérés de salaires au niveau de la fonction publique et beaucoup plus chez les retraités, les boursiers et autres. Responsable des réformes de la CEMAC, le président, Denis Sassou-Nguesso, s’est fait représenter par son premier ministre, Anatole Collinet Makosso. Une première qui montre la difficulté du chef de l’Etat congolais à rencontrer ses homologues de la sous-région en vue d’une réflexion partagée.
La situation est donc gravissime mais les chefs d’Etat se donnent les moyens pour trouver des solutions endogènes et non imposées de l’extérieur. C’est une attitude responsable que les bailleurs de fonds présents (le directeur Afrique du FMI, le vice-président Afrique de la Banque mondiale, le président de la Banque africaine de développement, etc.) ont tous salué et validé. Il reste maintenant à faire le plus difficile, à savoir, passer aux actes.
Envoyé spécial à Yaoundé
Professeur Paul TEDGA
Docteur de l’Université de Paris 9 Dauphine (1988)
Auteur de sept ouvrages
Fondateur en France de la revue Afrique Education
Ci-après, le communiqué lu par le président de la CEMAC.