Quand on a accepté de diriger un parti politique, qu’on ait été élu ou nommé, c’est pour conquérir et exercer le pouvoir d’Etat en vue d’améliorer les conditions de vie du peuple. Or, en Afrique comme ailleurs, le pouvoir n’a pas que des avantages que sont les honneurs, le tapis rouge, les lambris et l’argent de la République, etc. Il comporte aussi des contraintes et des désagréments en ce sens que vous pouvez être gazé et arrêté au cours d’une manifestation de protestation contre la politique du parti au pouvoir, être emprisonné, voire, éliminé.
Dans le documentaire, “Laurent Gbagbo, un homme, une vision” de Hanny Tchelley, l’ancien président raconte que des personnes servant dans l’armée et la gendarmerie ivoiriennes, l’avaient averti que la marche du 18 février 1992 pouvait mal se passer pour lui, c’est-à-dire, qu’il courait le risque d’être blessé ou tué mais, qu’il maintint cette marche car, si on fait de la politique pour le peuple et non pour ses petits intérêts, si on est un leader, on doit être en mesure de prendre des coups, de se sacrifier pour son peuple. Il disait, aussi, avoir bravé les mêmes risques pour déposer les statuts et règlement intérieur du FPI au ministère de l”Intérieur en 1990.
Je rappelle ces deux faits parce que certains Ivoiriens, après que les dirigeants du FPI et du PDCI ont été traités d’opposants “sans couille” et ambigus suite au report sine die du meeting de Port-Bouët pour des raisons peu convaincantes, ont posé la question suivante : pourquoi ne prenez- vous pas le devant des choses ? C’est une mauvaise question car un militant, un sympathisant ou un simple citoyen n’a pas choisi d’être devant. Il a plutôt choisi de suivre ceux qui se sont mis ou qu’on a placés devant. C’est donc à ceux qui ont choisi librement de jouer les premiers rôles qu’il incombe de se comporter en vrais leaders au sens où Laurent Gbagbo entend ce terme. S’ils sont incapables d’exercer ce leadership qui ne va pas sans la croix, s’ils ont peur de risquer leur vie pour le peuple, alors qu’ils dégagent, se taisent à jamais et laissent Dramane Ouattara continuer à martyriser les Ivoiriens car la reculade du 21 décembre 2019 est une honte pour l’opposition et une trahison pour le peuple ivoirien.
Un leader obéit au peuple qui souffre et pleure, pas au tyran qui piétine ce peuple, le spolie, l’opprime et le nargue quotidiennement.
Qui peut sérieusement penser que Dramane Ouattara qui tient à avoir une bonne image à l’extérieur aurait fait tirer sur les manifestants réunis à la place Seyni Fofana le jour où Macron était en visite en Côte d’Ivoire ? A un moment, il faut reconnaître humblement qu’on n’est pas à la hauteur de la tâche et laisser la place à ceux qui peuvent mieux faire le job au lieu de chercher à justifier l’injustifiable avec des arguments aussi spécieux que ridicules du genre “c’est un repli tactique” ou bien “on a évité un gros piège”.
Le FPI et le PDCI avaient, ce 21 décembre, une occasion en or pour mettre le régime Ouattara en difficulté (notre photo d’illustration). Dommage qu’ils aient raté cette occasion car “la grâce passe et ne repasse pas”.
Aujourd’hui, tout porte à croire que tous, leaders et populations, ont fait le choix de l’inertie puisqu’ils attendent que Laurent Gbagbo ou Dieu fasse leur palabre. Or, selon Machiavel, “la meilleure forteresse des tyrans, c’est l’inertie des peuples”.
Jean-Claude DJEREKE
est professeur de littérature à l’Université de Temple (Etats-Unis)