Depuis quelques jours, l’Union européenne (UE) est vent debout pour dénoncer la dégradation du climat sécuritaire dans l’Est de la RD Congo, occasionnée par les avancées territoriales massives de l’armée rwandaise et de ses supplétifs du M23. Ces derniers auraient déjà pris le contrôle de la ville de Goma bien que le service de communication de la présidence rdcongolaise démente cette information en ajoutant même que l’armée est en train de repousser l’armée rwandaise et le M23 hors de certains quartiers de Goma. Dont acte ! Goma est la principale ville de la province du Nord-Kivu avec un million d’habitants avant le conflit. Les succès de l’armée rwandaise et du M23 ne se seraient pas produits sans un soutien financier massif de l’UE, spécialiste du double langage.
Pour comprendre les raisons de ce regain des violences, après qu’il ait été observé une longue période de relative accalmie, il faut remonter à l’été dernier, lorsque Paul Kagame se démenait pour percevoir la rallonge de 20 millions d’euros prévue dans le cadre de la mission de protection par les soldats rwandais des infrastructures appartenant à la société française, TotalEnergies, au Mozambique (sur notre photo, Paul Kagame à l’Elysée où il se comporte comme un habitué des lieux).
Bloquée pendant plusieurs mois par le veto des Pays-Bas, la Suède et l’Allemagne, qui craignaient que ces fonds ne soient utilisés à des fins militaires et expansionnistes en RD Congo, l’aide financière réclamée par le Rwanda a fini par être accordée en fin 2024, après que Paris et Lisbonne eurent pesé de tout leur poids, et que la Belgique s’était abstenue pour exprimer son désaccord. A l’époque, Afrique Education avait fustigé la dangerosité de cette décision.
Et il n’aura pas fallu longtemps pour que la suite des événements ne lui donne raison, les hostilités dans l’Est de la RDC ayant repris suite au décaissement des 20 millions d’euros, et plusieurs rapports faisant état de la forte progression des forces rwandaises en sol congolais étant publiés. Dans un tel contexte, voir l’UE lancer des appels au cessez-le-feu (aujourd’hui) ne relève-t-il pas d’une profonde hypocrisie à l’endroit des populations rdcongolaises ?
Sans ce soutien massif de l’UE, Kigali aurait été contrainte de déposer les armes et de s’asseoir à la table de négociations en vue d’un retrait de ses éléments armés hors du territoire rdcongolais. Elle a plutôt été réarmée, et continue d’entretenir l’idée selon laquelle si les pays occidentaux voulaient que ce conflit prenne fin, ils lui auraient coupé les vivres. En l’absence de mesures traduisant cette vérité, elle s’estime fondée de poursuivre l’invasion de son voisin.
Le fait que malgré qu’elle dispose de tous les moyens pour museler le Rwanda, mais se borne à de simples discours sans effet quelconque rend l’UE complice de tout ce qui se passe en RDC. Cette hypocrisie ne fera qu’accroître le ressentiment des Africains envers des nations européennes, comme la France, qui, une fois encore, acceptent de jouer le mauvais rôle sans se préoccuper des conséquences de demain. Afrique Education sera, en tout cas, là pour les lui rappeler.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)