CONGO-BRAZZAVILLE : Le démon n’est pas le bienvenu en France où la diaspora l’attend de pied ferme

Date

Le président du Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso, est annoncé, à Paris, chez Emmanuel Macron, depuis le début du mois. La rencontre entre les deux hommes d’Etat est prévue pour cette fin du mois, sauf que, précaution bizarre, l’agenda de l’Elysée n’y fait nullement allusion. Les 27 et 28 février, le président français effectuera une visite au Portugal. Les Congolais qui veulent lui organiser un mauvais comité d’accueil sont à l’affût. Le 7 décembre 2024, il était au premier rang avec son épouse, Antoinette, lors de l’inauguration de l’église Notre Dame de Paris. Moins de trois mois, après, il est de retour. Pour quoi faire ? Les Congolais de la diaspora qui lui reprochent d’avoir capté toutes les ressources pétrolières du pays au profit de sa famille et de son clan, sont vent debout contre cette visite, d’autant plus que le pays est carrément en faillite, incapable de payer les salaires des fonctionnaires depuis plusieurs mois, sans parler des autres charges. Pour un pays de moins de 6 millions d’habitants qui annonce une production quotidienne de 500.000 barils très bientôt, le FMI et les Congolais ne comprennent pas comment il peut connaître de sérieux problèmes de trésorerie. Président du CDRC (Cercle des démocrates et républicains du Congo), parti politique d’opposition dont le président est en exil involontaire en France, Modeste Boukadia (c’est son nom) a adressé un courrier au président, Emmanuel Macron, pour s’indigner de cette coûteuse visite, qui est, aussi, condamnée par les Congolais du Congo-Brazzaville. Modeste Boukadia s’est adressé à Emmanuel Macron avec fermeté car trop c’est trop : « Monsieur le Président, il est temps de vous ressaisir. Le Congo-Brazzaville et l’Afrique ne peuvent plus être les otages d’arrangements opaques et de calculs de court terme. L’histoire jugera sévèrement ceux qui, par complaisance ou par intérêt, auront fermé les yeux sur les souffrances d’un peuple en détresse ». Et de poursuivre sur le même ton : « Recevoir Denis Sassou Nguesso aujourd’hui, sans exiger en retour des avancées réelles sur les droits humains et la gouvernance, serait une faute politique et morale. Nous vous appelons à ne pas être complice de cette tragédie » (fin de citation). D’aucuns affirment que Sassou-Nguesso serait en train de courir à Paris pour quémander une médiation entre Paul Kagamé et Félix Tshisekedi. Déjà médiateur dans le conflit inter-libyen depuis 2016, soit neuf ans, sans aucun résultat tangible, ce serait une faute politique de lui confier une autre médiation alors qu’on sait que ce conflit est déjà géré par les médiations du Kenyan, William Ruto, et de l’Angolais, Joao Lourenço. C’est largement suffisant.

Lettre ouverte à Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République française

Monsieur le Président,

L’annonce de la visite de Monsieur Denis Sassou Nguesso en France suscite une profonde indignation parmi les Congolais et tous ceux attachés aux valeurs de liberté, de démocratie et de respect des droits humains. Cette réception, une de plus, renforce la perception d’un soutien indéfectible de la France à un régime dont les pratiques répressives, prédatrices et claniques détruisent le Congo-Brazzaville et martyrisent son peuple.

Un pays en crise, un peuple abandonné

Le Congo-Brazzaville est aujourd’hui un Etat en faillite. Non pas par manque de ressources, mais en raison d’une gouvernance gangrenée par la corruption et la spoliation des biens publics. Pendant que Monsieur Sassou Nguesso et son clan accaparent les richesses du pays, les fonctionnaires accumulent des mois d’arriérés de salaires, les retraités ne perçoivent plus leurs pensions, et les jeunes sont privés d’infrastructures viables pour s’épanouir et bâtir l’avenir. Les écoles et les hôpitaux, piliers essentiels du développement, sont laissés à l’abandon dans un état de délabrement indigne d’un pays aussi riche en ressources naturelles.

Un copinage inacceptable aux yeux des Congolais alors que la gestion du démon a mis le pays en faillite.

Pire encore, la souveraineté du pays est bradée : les terres congolaises sont vendues à des intérêts étrangers, notamment, au Rwanda, au mépris des populations locales. Des entreprises stratégiques sont cédées à des acteurs sans expertise ni maîtrise des secteurs concernés, précipitant leur déclin et mettant en péril l’économie nationale.

Une dictature clanique au service d’intérêts privés

La gouvernance du Congo-Brazzaville repose sur une logique clanique qui fracture profondément le pays. Les décisions ne sont plus prises dans l’intérêt du peuple, mais dans celui d’un cercle restreint de privilégiés qui considèrent l’Etat comme leur propriété personnelle. La famille de Monsieur Sassou Nguesso, omniprésente dans la gestion du pouvoir, impose des choix qui menacent la stabilité et la sécurité nationale, alimentant frustrations et tensions.

Dans ce contexte, la répression politique et les menaces de mort contre les responsables syndicaux sont la seule réponse du régime aux aspirations légitimes du peuple congolais à la démocratie et à la justice. De nombreux opposants, tels que le général Jean-Marie Michel Mokoko et Monsieur André Okombi Salissa, croupissent en prison dans des conditions arbitraires. A chaque visite officielle de Denis Sassou Nguesso en France, l’espoir de leur libération est anéanti par l’absence de toute exigence démocratique de la part de votre gouvernement.

Une complicité assumée qui ternit l’image de la France

Les Congolais ne peuvent ignorer que ces réceptions répétées en France légitiment la dictature et prolongent leurs souffrances. Cette politique rappelle amèrement l’épisode de 2015, lorsque votre prédécesseur, François Hollande, offrit à Denis Sassou Nguesso l’espace politique nécessaire pour modifier la Constitution, ouvrant ainsi la voie à un bain de sang contre ceux qui s’opposaient à cette manœuvre antidémocratique.

Aujourd’hui encore, la France reste silencieuse face aux déclarations cyniques de Monsieur Sassou Nguesso, qui affirme : « La France ne peut pas me chasser car ce que je fais, c’est la France qui me le demande. » Tout aussi glaçantes sont les paroles d’un de ses collaborateurs français qui déclarait sur LCI en 2005 : « On pouvait s’en sortir avec au moins 2000 morts. » De tels propos, non démentis par vos services, laissent entendre une collusion inacceptable.

Pour un véritable changement de paradigme

Monsieur le Président, la politique africaine de la France est en échec. De l’Afrique de l’Ouest au Sahel, le rejet de la présence française s’intensifie. En persistant dans cette voie, en continuant à recevoir des dirigeants illégitimes et corrompus sans exiger de réformes concrètes, la France ne fait qu’accélérer son discrédit en Afrique.

Le temps est venu pour la France d’opérer une rupture stratégique et de bâtir une relation nouvelle, fondée sur le respect mutuel et des ambitions communes. Nous appelons à une politique diplomatique et économique audacieuse, fondée sur un partenariat transparent et équitable. Cette refonte passe par un soutien aux aspirations démocratiques des peuples africains et par une coopération axée sur le développement et la stabilité, plutôt que sur le maintien d’élites prédatrices.

Dans cette dynamique, il est essentiel d’encourager une désimmigration : un retour des Africains de la diaspora vers leurs pays d’origine, afin qu’ils participent activement à la construction du continent. L’Afrique a besoin de ses talents pour bâtir son avenir.

Pendant ce temps, le démon maintient en prison à Brazzaville depuis une dizaine d’années le général Mokoko et l’ancien ministre Okombi Salissa qui l’avaient devancé aux élections de 2016 et l’ont annoncé alors que Sassou était déclaré vainqueur au premier tour avec 60% des voix. Un score imaginaire qu’il ne peut jamais avoir au Congo à cause de son impopularité.

Monsieur le Président, il est temps de vous ressaisir. Le Congo-Brazzaville et l’Afrique ne peuvent plus être les otages d’arrangements opaques et de calculs de court terme. L’histoire jugera sévèrement ceux qui, par complaisance ou par intérêt, auront fermé les yeux sur les souffrances d’un peuple en détresse.

Recevoir Denis Sassou Nguesso aujourd’hui, sans exiger en retour des avancées réelles sur les droits humains et la gouvernance, serait une faute politique et morale. Nous vous appelons à ne pas être complice de cette tragédie.

Le Congo-Brazzaville a besoin d’un changement. La France a besoin d’une nouvelle vision pour l’Afrique. Il est temps d’agir.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre plus haute considération.

Modeste Boukadia
Paris, le 24 février 2025

Président du C.D.R.C.
13 bis, avenue d’Aligre
F – 28 000 Chartres – France
Courriel : modeste.boukadia@cdrc-cg.com

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