L’Alliance des Etats du Sahel (AES) a vocation à s’élargir. Créée à la mi-septembre 2023, elle ne manque pas de candidats à l’adhésion. C’est le cas, notamment, du Tchad, dont les rapprochements observés avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger, montrent que le dépôt d’une demande officielle tchadienne n’est plus qu’une question de temps. N’Djamena ayant particulièrement multiplié les contacts avec Ouagadougou et Bamako depuis le début de 2025.
L’AES et le Tchad partagent plusieurs défis en commun, dont celui de la sécurité territoriale. Remettant en doute l’efficacité de la Force multinationale mixte (FMM) mise en place depuis une décennie, le Niger et le Tchad ont, récemment, annoncé s’en retirer. Leur décision résulte, d’une part, des lourdes pertes subies face aux djihadistes du Lac Tchad, et, d’autre part, du sentiment d’insuffisance d’efforts militaires de la part du Nigéria, aussi membre de la FMM.
Le Nigéria est un fief pour Boko Haram et d’autres groupes terroristes de la sous-région, qui font la loi face à Abuja depuis la présidence de Bola Tinubu. En plus de sa faible gouvernance, le président nigérian est jugé trop proche d’Emmanuel Macron, qui ne rêve que d’assister au malheur des nations africaines, qui lui ont tourné le dos. Cette proximité rend impossible toute coopération militaire avec d’autres dirigeants souverainistes du continent africain.
C’est ce qu’a insinué à Antalya (Turquie) le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakary Yaou Sangaré, en abordant les conditions d’adhésion à l’AES. Admettant la crainte de celle-ci face aux régimes africains, il faisait indirectement référence aux dirigeants nigérian, béninois et ivoirien. Si vouloir regagner son intégrité territoriale face au terrorisme est une chose, arborer l’image d’un vassal néocolonialiste est un signe majeur de danger à venir pour l’AES.

Après avoir intégré le nationalisme dans sa vision, le Tchad, qui a effectivement posé des actes concrets allant dans ce sens, en dénonçant les accords de défense signés avec la France, bénéficie d’une crédibilité suffisante (et certaine) auprès des membres fondateurs de l’AES, lesquels ne devraient avoir aucune objection à ce qu’il les rejoigne au sein du Bloc.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)