La fatwa que vient de publier le mollah, Hibatullah Akhundzada (notre photo), a de quoi surprendre. Sur deux pages, le chef suprême des talibans afghans rappelle que si le Coran autorise la polygamie, dans la limite de quatre épouses, il ne permet pas n’importe quoi, comme dépenser des sommes extravagantes dans les dots aux familles des épousées ou dans des cérémonies de mariage XXL.
Le mollah Hibatullah vise clairement les leaders du mouvement. « Si tous les dirigeants et commandants évitent la polygamie, ils n’auront pas besoin de s’impliquer dans des pratiques corrompues et illégales », indique la fatwa. D’autant plus étonnant (ou hypocrite) que la quasi-totalité d’entre eux ont déjà plusieurs épouses, selon une pratique très répandue dans l’ethnie pachtoune dont ils sont presque tous issus.
Très loin d’une évolution sur le statut des femmes, la fatwa est une réponse à la grogne qui monte dans les rangs du mouvement fondamentaliste en guerre contre le pouvoir à Kaboul et qui contrôle une bonne partie du pays. Après vingt ans de conflits, des combattants « de base », qui vivent de pas grand-chose, ont du mal à admettre le train de vie luxueux des chefs et de leurs pléthoriques familles.
Des commandants talibans auraient payé jusqu’à huit millions d’afghanis (85 000 €) pour une épouse, avec des fonds provenant de la corruption et du racket. Pour le mollah Hibatullah, il est temps de mettre le holà. Après tout, les talibans, qui négocient au Qatar avec le gouvernement de Kaboul, estiment leur retour au pouvoir inévitable avec le retrait annoncé des derniers soldats américains. Et s’ils se moquent de l’avis de l’Occident, ils doivent, comme n’importe quel mouvement politique, écouter leur population.