SOMMET DE PARIS SUR LA RELANCE DES ECONOMIES AFRICAINES : LA MONTAGNE A ACCOUCHÉ D’UNE SOURIS (COMME C’ÉTAIT PRÉVISIBLE)

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A quoi a réellement servi la tenue du Sommet de Paris (dit) de la relance des économies africaines post-covid ? A trouver des financements pour éviter le décrochage des pays africains ? A assurer un leadership à la France au moment où le monde libre enregistre l’arrivée d’un nouveau chef à la Maison Blanche ? A permettre à Emmanuel Macron à faire de la communication dans la perspective de l’élection présidentielle de 2022 ? Bref, beaucoup de questions posées sur l’intérêt de ce sommet resteront sans réponse et l’échec de celui-ci (ou son demi-succès) interroge sur les moyens mis en œuvre pour qu’il donne satisfaction.

Car tous les ingrédients de l’échec du sommet étaient (presque) réunis : début mai, à peine quelques initiés étaient au courant qu’un grand Sommet sur le financement des économies africaines post-covid, allait se tenir le 18 mai à Paris. Et même quand on avait cette information, on ignorait tout du format du Sommet et de ses réelles attentes. D’autre part, ce Sommet sur l’Afrique se confondait avec le Sommet France-Afrique prévu à Montpellier en juillet et qui a été, finalement, reporté pendant l’automne. Bref, la confusion a régné sur la communication de cet événement, une situation incompréhensible quand on sait que le point fort d’Emmanuel Macron, c’est justement la communication.

D’autre part, les grands Etats bailleurs de fonds, ont, tous, sans exception, boudé cette réunion. Malgré les appels du pied d’Emmanuel Macron, l’Américain, Joe Biden, et le Chinois, Xi Jinping, ont fait la sourde oreille, en refusant même de participer à la visioconférence. Il en est de même du Royaume-Uni. L’amie de toujours, la chancelière, Angela Merkel, a, elle aussi, montré un désintérêt total pour ce sommet. Pour éviter les qu’en dira-t-on, elle a eu une brève participation par visioconférence, question de sauver les apparences.

La France avait misé sur la présence physique des responsables du Portugal, de l’Italie et de l’Espagne. Une présence presqu’au rabais car l’Italie à cause d’une dette de 160% de son PIB ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour aider l’Afrique tandis que le président du Conseil espagnol, au lieu de venir à Paris, comme il l’avait annoncé, a préféré se rendre à Ceuta pour régler le problème des immigrés que son pays renvoie de force au Maroc.

La France, elle-même, qui a organisé cette réunion est un pays presqu’en faillite, avec un endettement de 117% de son PIB, ce qui réduit, fortement, l’aide qu’elle aurait souhaité allouer aux Etats africains. Dès lors, les résultats attendus ne pouvaient pas être au rendez-vous. Loin de là.

Le Fonds monétaire international (FMI) estime que jusqu’à 285 milliards de dollars (233,3 milliards d’euros) de financements supplémentaires sur la période 2021-2025, seront nécessaires aux pays africains, pour renforcer la réponse apportée à la pandémie. Le FMI l’a indiqué dans un communiqué publié à l’issue du sommet qui réunissait des chefs d’Etat africains et européens, ainsi que les dirigeants d’institutions financières internationales comme le FMI.

A propos même de l’invitation des dirigeants africains à ce Sommet, la France n’a pas joué la transparence, au point qu’on ne savait pas sur quels critères tel ou tel chef d’Etat était invité et pas un autre. En Afrique centrale, par exemple, Emmanuel Macron a ignoré l’existence des chefs d’Etat qui avaient leur place à ce Sommet (sans dire pourquoi) : le Camerounais, Paul Biya, l’Equato-Guinéen, Teodoro Obiang Nguéma Mbasogo, le Gabonais, Ali Bongo Ondimba, le Centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, n’ont jamais eu leur carton d’invitation. Seul le Congolais, Denis Sassou-Nguesso y a participé. Mais, pour y être, il a dû se rendre, à Kinshasa,l’avant-veille du Sommet rencontrer son homologue rdcongolais, Félix Tshisekedi, actuel président en exercice de l’Union africaine, afin qu’il plaide sa cause auprès d’Emmanuel Macron. Au final, le président congolais a été invité grâce à son étiquette de président en exercice de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale).

« Nous sommes réunis ici pour inverser ce qui s’est développé, un décalage très risqué entre les économies avancées et les pays en développement, en particulier (en) Afrique », a insisté Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI (sur notre photo avec Emmanuel Macron et Félix Tshisekedi). Selon elle, le produit intérieur brut en Afrique va croître de seulement 3,2 % cette année contre 6 % dans le reste du monde.

A défaut de nouveaux et réels financements venant des Etats, les participants au sommet ont discuté d’une réaffectation des réserves du FMI (DTS ou droits de tirage spéciaux) des pays riches vers les économies en développement. Une acrobatie trouvée in extremis pour éviter de consacrer l’échec total du sommet.

En avril, les ministres des Finances et gouverneurs de banques centrales du G20 avaient soutenu un renforcement à hauteur de 650 milliards de dollars de ces réserves et la prolongation d’un moratoire sur le remboursement de la dette des pays les plus pauvres face à la crise du coronavirus.

Mais alors que seulement 33 milliards de dollars de ces réserves seront allouées à l’Afrique, Emmanuel Macron a formulé le vœu que ce montant passe à 100 milliards de dollars, en annonçant que la France et le Portugal avaient déjà décidé de réallouer leurs DTS. Il faudrait que les négociations aient lieu à ce niveau afin que les autres grands détenteurs de DTS, à savoir, les Etats-Unis, la Chine, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon, etc. puissent apporter leur concours. Ce n’est pas gagné.

« Nous sommes prêts à réallouer les DTS (afin de) constituer un tour de table qui s’élève à au moins 100 milliards pour l’Afrique », a, néanmoins, souligné Emmanuel Macron, dans un effet d’annonce qui lui est familier. De la communication pure et simple dans la mesure où on en est très (très) loin.

Les chefs d’Etat sélectionnés par Emmanuel Macron pour venir à Paris, vont, donc, rentrer bredouilles, dans leurs pays respectifs, comme ils sont venus, sans savoir, combien ils recevront de fonds afin de relancer leur économie et lutter contre les effets covid. C’est pourquoi certains observateurs disaient, hier, sans formule diplomatique, que la montagne, à Paris, a accouché d’une souris.

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