L’opposition congolaise se plaint, depuis plusieurs années, que les Nations-Unies préfèrent envoyer, comme leur représentant en Afrique centrale, des anciens ministres (au chômage) originaires de l’Afrique de l’Ouest assez perméables à la corruption. Des exemples ne manquent pas : l’ancien ministre sénégalais, Abdoulaye Bathily, était à l’oeuvre en Afrique centrale quand le président du Congo, Denis Sassou-Nguesso, a modifié sa constitution, en octobre 2015, pour s’octroyer une présidence à vie, au lieu de prendre sa retraite politique. Sans qu’il ne tire la sonnette d’alarme, Abdoulaye Bathily est, fortement, accusé par l’opposition d’avoir facilité la démarche de Sassou et ignoré sa désapprobation. L’opposition congolaise avait, fortement, dénoncé cette attitude, ce qui a d’ailleurs fait monter la suspicion quand son mandat terminé, Abdoulaye Bathily a été remplacé par un autre ressortissant de l’Afrique de l’Ouest, à savoir, l’ancien ministre des Affaires étrangères de Guinée, François Lonsény Fall. Inutile de dire que l’opposition congolaise qu’il rencontre dans le cadre du futur dialogue politique que compte organiser Denis Sassou-Nguesso, ne lui fait absolument pas confiance. Mais, comme s’il suivait un agenda caché, le représentant des Nations-Unies n’en a cure. A le voir agir dans le cadre de sa mission à Brazzaville, c’est comme si l’opposition n’existait pas.
Claudine Munari qui préside la Fédération de l’opposition congolaise, un conglomérat de partis politiques d’opposition, a émis un gros bémol sur la façon dont les préparatifs du dialogue sont en train de se dérouler. Après l’avoir, poliment, écoutée, François Lonsény Fall n’a, nullement, tenu compte de ses griefs. En effet, l’opposante dit savoir ce que veut l’opposition et refuse les injonctions de l’envoyé spécial d’Antonio Guterres. Elle refuse, notamment, de participer à un dialogue avec deux anciens candidats à l’élection présidentielle en prison (Okombi Salissa et Mokoko), juste parce qu’ils ont dénoncé la fraude, qui a permis à Sassou-Nguesso de gagner l’élection présidentielle de mars 2016. D’autre part, il faut que l’ordre du jour dudit dialogue soit établi de commun accord, ainsi que, les objectifs attendus.
Dernier venu dans la sphère politique congolaise dans la mesure où il avait passé près d’une vingtaine d’années en exil (au Bénin, au Togo, en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Mali et en Angleterre), la grande partie du temps en compagnie de Bernard Kolelas, l’upéciste, Paulin Makaya (alias « Monsieur Propre » comme il se fait appeler pour indiquer qu’il n’a jamais puisé de façon indue dans les caisses publiques), jure à qui veut l’entendre qu’aller à un dialogue plus ou moins supervisé par François Lonsény Fall, n’est qu’un piège à cons pour l’opposition. Le tir de barrage groupé est, donc, solide. Sassou est, par conséquent, invité à changer de fusil d’épaule. Mais, il est attendu au tournant.
Un homme intelligent peut tomber dans un piège une fois mais jamais deux fois. Et Bienvenu Mabilemono de renchérir : « En 2010, Denis Sassou Nguesso avait obtenu le fameux statut de PPTE en promettant de respecter ses engagements pris face au FMI. Le monde entier connaît la suite, il n’a respecté aucun engagement ».
En juillet dernier, il est revenu à la charge et a obtenu un autre prêt, après deux années de difficile négociation, toujours en jurant la main sur le cœur de respecter ses engagements. Le FMI vient de constater à ses torts, une fois encore, qu’aucun engagement n’a été respecté.
Voilà pourquoi Bienvenu Mabilemono pose la question suivante à l’opposition : « Si Denis Sassou-Nguesso ne respecte pas ses engagements vis-à-vis du FMI, croyez-vous que c’est face à une opposition qui ne lui pose aucune difficulté majeure qu’il le fera » ?
Et de conclure en toute responsabilité : « Tant qu’il n’y aura pas de situation de blocage du pays, tant qu’il n’y aura pas une véritable pression sur lui, et tant que ce fameux dialogue sera piloté par Mberi Martin dont chacun sait qu’il est totalement dépendant de Denis Sassou-Nguesso et n’a aucune personnalité face à lui, il faut être d’une naïveté inqualifiable pour accepter d’y participer. Donc, à vous tous qui écoutez les conneries de François Lonsény Fall, ce corrompu plus plus, qui prétend parler au nom des Nations-Unies et vous demande d’aller au dialogue sans poser de préalables, j’insiste pour dire que lorsqu’il aura déjà obtenu ce qu’il veut, Denis Sassou-Nguesso se montre toujours intraitable et ne respecte aucun engagement ».
Sassou, en l’occurrence, ambitionne de se représenter à l’élection présidentielle de mars 2021, une équation, pour le moins, très très difficile à résoudre, sans le moindre consensus national préalable. C’est la raison pour laquelle le dictateur est en train de mettre tout son poids sur la balance (où il entraîne le représentant des Nations-Unies de son côté) pour s’octroyer cinq années supplémentaires en 2021, avec le moins de contestation possible (sur notre photo, François Lonsény Fall reçu par Denis Sassou-Nguesso).