La Cour de cassation française s’est penchée, mardi, 21 mai, sur le recours de François Compaoré contre son extradition vers le Burkina Faso où la justice le réclame. Frère de l’ex-président déchu, Blaise Compaoré, il est mis en cause, notamment, dans l’enquête sur l’assassinat, en 1998, du journaliste Norbert Zongo. La disparition de ce dernier avait provoqué un véritable malaise dans le pays où ce genre d’assassinat, généralement, attribué au régime, n’était, jamais, élucidé. Il était mis dans la rubrique « Pertes et Profits ». Très mal en point, Roch Marc Christian Kaboré qui a succédé à Blaise Compaoré et qui compte se représenter, en 2020, alors que son bilan à la tête du pays, n’est pas très élogieux, se doit de tout faire pour calmer certains mécontentements. Les choses vues sous cet angle, l’extradition de ce sbire de l’ancien régime auprès de la justice burkinabé, ne serait pas une très mauvaise affaire pour Roch car le procès qui s’engagerait avant l’élection présidentielle, ne pourrait lui faire que du bien.
La Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire, doit se prononcer le 4 juin prochain, sur le pourvoi à l’appui duquel la défense de François Compaoré a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les textes régissant l’extradition.
Le 5 décembre, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris avait autorisé son extradition vers Ouagadougou, où le dossier Zongo, classé en 2003 après un « non-lieu » en faveur du seul inculpé, a été rouvert à la faveur de la chute de l’ex-président déchu, Blaise Compaoré, fin octobre 2014, chassé par la rue après 27 ans de pouvoir, sans partage (sur notre photo Blaise Compaoré salue son petit-frère et non moins conseiller économique François Compaoré). Le Burkina Faso était une petite autocratie qui ne disait pas son nom, mais fière de ses relations (mafieuses) privilégiées avec certains dirigeants politiques français.
Alors qu’il enquêtait à l’époque sur la mort de David Ouédraogo – chauffeur de François Compaoré -, le journaliste, burkinabè Norbert Zongo, 49 ans, et trois personnes qui l’accompagnaient, avaient été retrouvés morts calcinés dans leur véhicule, en décembre 1998, dans le Sud du Burkina Faso. Un meurtre qui puait l’odeur de Blaise Compaoré !
Agé de 64 ans, François Compaoré avait été arrêté à l’aéroport de Roissy, en octobre 2017, en exécution d’un mandat d’arrêt émis par les autorités de Ouagadougou.
A ce jour, il n’est pas inculpé dans son pays, à la différence de trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré.
Devant la Cour de cassation, l’avocat de François Compaoré, Me François-Henri Briard, a souligné le caractère « très sensible » du dossier.
Celui-ci concerne un « pays politiquement instable », « dans lequel la justice est délabrée » et où l’on « pratiquait encore la condamnation à mort l’année dernière », a-t-il fait valoir.
Un dossier sensible, aussi, du fait du nom du requérant, dont le frère s’est réfugié en Côte d’Ivoire. Une fuite que les Burkinabé considèrent comme une véritable lâcheté, surtout, quand on s’appelle Blaise Compaoré.
Une « voie facile de vengeance » est de diriger « des poursuites vers le frère », se défend (comme il peut) Me Briard.
Or, pour s’assurer du respect des règles du procès équitable – indispensable pour autoriser une extradition – la Chambre de l’instruction ne s’est appuyée que sur des éléments fournis par les autorités burkinabè, a observé l’avocat en mettant en cause leur impartialité.
C’est « un homme mort s’il rentre au Burkina Faso », jure son avocat avec beaucoup d’exagération. Comme si le Burkina Faso sortait du Moyen-Age et comme si Roch Marc Christian avait des pulsions de tueur de Blaise Compaoré.
Pour tempérer les excès de langage de Me Briard, l’avocate générale a, pour sa part, expliqué, simplement, que le ministère de la Justice burkinabè avait « pris l’engagement que M. Compaoré bénéficierait de conditions d’incarcération très améliorées », dans l’hypothèse d’une condamnation dans son pays.
Pour être effective, une extradition doit, aussi, être autorisée par un décret du gouvernement français. Mais, un tel décret relevant du domaine politique, on voit mal comment le pouvoir d’Emmanuel Macron, après sa leçon de chose dans un amphithéâtre plein à craquer de l’Université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, en 2017, refuserait de le signer, allant, du coup, contre la volonté de tout un pays qui demande des comptes à leurs anciens dirigeants.