Le général, Awad Ibn Ouf, nouvel homme fort du Soudan, a eu la lourde responsabilité d’annoncer la chute du régime du général, Omar el-Béchir, jeudi, 11 avril, à la télévision d’Etat. Tonnerre de protestations de la rue quand il a déclaré une transition de deux ans dirigée par un collège de militaires supervisé par sa modeste personne. Face à cette hostilité inattendue des manifestants, le lieutenant-général va tenter d’apaiser la contestation qui secoue le pays depuis près de quatre mois, et qui n’est pas prête de cesser malgré l’appel au calme venu des pays voisins et de l’Union africaine qui va réunir incessamment son Conseil de paix et de sécurité. Alliés occidentaux inattendus, seuls les Etats-Unis n’ont pas (explicitement) condamné ce putsch (car c’en est un) laissant la possibilité à la nouvelle équipe de manoeuvrer sans trop de pression. Mais qui cet inconnu qui prend la direction du très compliqué Soudan ?
Né en 1950, ce militaire de carrière a occupé plusieurs postes dans les hauts rangs de l’armée et du ministère des Affaires étrangères. Il a, notamment, dirigé la section artillerie, avant de prendre les rênes des renseignements généraux de l’armée.
En 2010, il prend sa retraite et devient conseiller à l’ambassade du Soudan au Caire (Egypte), puis, à Mascate (Oman).
En 2015, il revient en politique en tant que ministre de la Défense. En février dernier, Omar el-Béchir le nomme premier vice-président.
« Awad Ibn Ouf n’est pas seulement un haut-gradé de la vieille garde de Béchir, il est aussi l’un des rares dans l’armée à pouvoir maintenir la cohésion entre les différentes branches rivales de l’appareil sécuritaire du régime », explique Jérôme Tubiana, un « soudanologue » français.
C’est même pour cela qu’il a été nommé ministre de la Défense en 2015, semble-t-il car à l’époque, il était considéré comme plus proche du service de renseignement que de l’armée.
Le général serait à la fois proche des puissants services de renseignements (NISS) et des milices arabes janjawid qui ont mené la répression au Darfour.
En 2003, un groupe rebelle issu d’une minorité ethnique de la région du Darfour avait pris les armes contre Khartoum, accusant le gouvernement de marginaliser économiquement et politiquement leur communauté.
Dans les années 2000, (Awad Ibn Ouf) dirigeait le service de Renseignement militaire et à ce titre, il a joué un rôle clé dans la répression au Darfour. Avec Salah Gosh (à la tête du NISS), il a, notamment, fondé la Garde-Frontière, le premier corps paramilitaire dans lequel les Janjawid ont été intégrés.
Awad Ibn Ouf est sous le coup de sanctions américaines en raison de « son rôle, en tant que chef des renseignements militaires, dans l’organisation d’attaques contre les civils au Darfour », souligne, de son côté, l’ONG de défense des droits humains Human Rights Watch.
M. Ibn Ouf a été « lié à des violences, atrocités et abus des droits humains » au Darfour, a déclaré en mai 2007 Washington, qui a gelé ses biens et avoirs sur le sol américain.
Omar el-Béchir, lui-même, est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes de guerre » et « contre l’humanité » et « génocide » au Darfour, où un conflit a fait plus de 300.000 morts depuis 2003 selon l’ONU.
Des centaines de milliers de personnes continuent d’y vivre dans des camps de réfugiés.
Une question actuellement sans réponse certaine : Ibn Ouf restera-t-il à la tête du Conseil militaire pendant les deux années de transition ?
Le général a, en effet, pris de nombreuses décisions concernant les forces armée par le passé, mais, « la tâche (politique) qui s’annonce ne sera pas facile » à accomplir pour quelqu’un qu’on dit « faible » à moins de surprendre.
Cela dit, la colère des manifestants va être un défi continu.