Du jamais vu sous les tropiques : pour la première fois, l’instance continentale n’est pas d’accord avec la proclamation des résultats des élections faite par la CENI en République démocratique du Congo (RDC). Président en exercice de cette organisation, le président du Rwanda, Paul Kagame, a demandé, jeudi, 17 janvier, soir, la « suspension » de la proclamation des résultats électoraux définitifs, ainsi que, l’envoi d’une délégation de « haut niveau » à Kinshasa. Cette délégation composée, essentiellement, de chefs d’Etat sera conduite par lui-même, avec à ses côtés, le président de la Commission, le Tchadien, Moussa Faki Mahamat (notre photo).
Réunis sur le dossier congolais, jeudi, à Addis Abeba, plusieurs chefs d’Etats et de gouvernements africains ont conclu « qu’il y avait des doutes sérieux sur la conformité des résultats provisoires, tels qu’ils ont été proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ».
Selon ces résultats proclamés le 10 janvier, l’opposant, Félix Tshisekedi, a remporté l’élection présidentielle, tandis que le chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila, garderait une confortable majorité à l’Assemblée nationale (au moins 350 députés sur 500). Cela voudrait dire que le premier ministre sortirait des rangs du parti de Joseph Kabila, qui continuerait, ainsi, à diriger le pays, tout en ayant quitté la présidence de la République. Le problème est que ces résultats sont loin de refléter la réalité. Car dans le contexte actuel où le candidat à la présidentielle présenté par le pouvoir n’est sorti que troisième, loin derrière, Martin Fayuli et Félix Tshisekedi, il est mathématiquement impossible que le même pouvoir dispose des 2/3 des députés de l’Assemblée nationale selon le,décompte de la CENI inféodée au pouvoir, décompte qui est très différent de celui de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) qui avait déployé plus de 40.000 observateurs électoraux sur l’ensemble du territoire.
Face aux multiples protestations, l’Union africaine, pour la première fois de son existence, se mêle, directement, du décompte d’une élection dans un pays membre, en demandant la « suspension » de la proclamation des résultats : « Les chefs d’Etat et de gouvernement ont convenu d’envoyer en urgence en RDC une délégation de haut-niveau comprenant le président de l’Union africaine (ndr: actuellement le président, Paul Kagame, ainsi que d’autres chefs d’Etat et de gouvernement, et le président de la Commission de l’Union africaine ».
Cette délégation devra entrer en contact « avec toutes les parties prenantes congolaises, dans le but de trouver un consensus sur une issue à la crise post-électorale dans le pays ».
Les pays africains réunis jeudi au siège de l’UA « demandent à tous les acteurs concernés en RDC d’interagir positivement avec la délégation africaine de haut-niveau, dans l’intérêt de leur pays et de leur peuple ».
La réunion a rassemblé, jeudi, Paul Kagame, président en exercice de l’UA, le président de la Commission, Moussa Faki Mahamat, ainsi que, plusieurs chefs d’Etat (Afrique du Sud, Zambie, Namibie, Ouganda, Rwanda, Congo, Guinée, Ethiopie et Tchad).
« Pour parler franchement, de sérieux doutes sur la conformité des résultats proclamés persistent », avait déclaré le président de la Commission de l’UA dans un discours préliminaire.
Ce dernier communiqué de l’UA montre un changement de ton par rapport à une précédente prise de position de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
Cet ensemble sous-régional s’était contentée d’appeler les acteurs politiques congolais « à obtenir des réponses à leurs doléances électorales dans le respect de la Constitution (congolaise) et des lois électorales concernées », sans parler d’un ré-comptage des voix un temps envisagé.
Heureusement que Tonton Paul Kagame n’avait pas encore dit son dernier mot.