Le journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, a été tué par « strangulation » et son corps « démembré » au consulat de son pays à Istanbul d’une manière préméditée. Voilà ce que révèle, le parquet turc, ce mercredi, 31 octobre, mettant en exécution les menaces du président, Recep Tayyip Erdogan, qui avait juré de tout mettre en public si le pouvoir saoudien, commanditaire de l’assassinat, ne se mettait pas à table. Cela dit, Ankara regrette, toujours, un manque de coopération de Riyad dans cette enquête. Mais, déjà, le secret est éventré : on sait, par exemple, que notre confrère saoudien a subi de pires atrocités de la part des barbares envoyés par Riyad et qu’une fois assassiné dans ces pires conditions, il aurait été, tout simplement, décapité. On soupçonne même que certaines parties de son corps se seraient retrouvées hors de Turquie, les commanditaires ayant du mal à montrer le lieu où ses restes ont été ensevelis. Sa famille n’est pas prête à faire le deuil dans ces conditions.
Le parquet d’Istanbul a révélé ces détails sur le meurtre, perpétré le 2 octobre, dans un communiqué publié quelques heures après le départ du procureur saoudien, Saoud ben Abdallah Al-Muajab, à l’issue d’une visite entamée, dimanche, 28 octobre, en Turquie, et qui n’a permis aucune avancée sur deux points clés de l’enquête : identifier les commanditaires du meurtre et ce qu’il est advenu du corps.
En annonçant que Khashoggi a été tué par strangulation et son corps démembré, le procureur d’Istanbul a confirmé, pour la première fois, des informations publiées, depuis plusieurs semaines, dans la presse turque sur les détails macabres du meurtre.
« Conformément à un plan prémédité, la victime Jamal Khashoggi a été étranglée à mort dès son entrée au consulat », a affirmé le procureur.
« Le corps de la victime a été démembré et on s’en est débarrassé suite à sa mort par strangulation, là encore conformément à un plan préparé d’avance », a-t-il ajouté.
En insistant sur le caractère prémédité du meurtre et de la façon dont les tueurs se sont débarrassés du corps, le procureur démonte la version initiale des autorités saoudiennes selon laquelle Khashoggi a été tué lors d’un interrogatoire qui a mal tourné. Riyad a fini par admettre, du bout des lèvres, que le meurtre était prémédité, mais seulement, en se basant sur les éléments d’enquête fournis par les Turcs.
Avant la publication du communiqué du procureur, un haut responsable turc parlant sous couvert d’anonymat avait affirmé que les responsables saoudiens ne coopéraient pas « sincèrement » dans l’enquête.
Jamal Khashoggi, un éditorialiste saoudien collaborant, notamment, avec le Washington Post, a été tué par un commando saoudien dans le consulat de son pays, à Istanbul, après s’y être rendu pour des démarches administratives.
Son corps n’a pas été retrouvé, des sources saoudiennes se bornant à affirmer qu’il avait été confié après le meurtre à un « collaborateur local ». Selon le communiqué turc de mercredi, le procureur saoudien a affirmé à ses interlocuteurs turcs que Riyad n’a jamais fait de déclaration officielle sur l’existence d’un tel « collaborateur local ».
Le parquet s’est dit dans son communiqué « obligé » de révéler des éléments de l’enquête après avoir fait le constat que la visite à Istanbul du procureur général saoudien « n’a pas donné de résultat concret ».
Sous la pression internationale, Riyad avait reconnu, après plusieurs jours de dénégations, le meurtre du journaliste dans son consulat lors d’une opération « non autorisée », mais, a avancé plusieurs versions contradictoires qui ont suscité le scepticisme.
Plusieurs responsables et médias turcs ont, directement, incriminé le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, dit MBS, dans ce meurtre alors que Riyad s’efforce de le dédouaner en insistant sur le caractère « non autorisé » de l’opération.
Des observateurs ont jugé les explications saoudiennes peu crédibles, notamment, en raison de la présence au sein du commando saoudien envoyé à Istanbul, de plusieurs membres de services de sécurité, directement, rattachés au prince ben Salmane.
L’éditorialiste turc proche du pouvoir, Abdülkadir Selvi, a accusé, mercredi, dans le quotidien Hürriyet, le procureur saoudien de travailler « pour sauver le prince héritier (saoudien) en manipulant cette enquête au lieu de faire la lumière sur ce meurtre ».
Commentant le déroulement de l’enquête, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a estimé mercredi que « le compte n’y est pas ».
« Aujourd’hui, même si les autorités saoudiennes ont reconnu qu’il y avait un meurtre, le compte n’y est pas. La vérité n’est pas au rendez-vous », a-t-il déclaré sur la radio RTL.
Sans établir de lien direct avec le meurtre de Khashoggi, Washington a mis la pression sur Riyad dans un autre dossier : celui de la guerre au Yémen.
Les Etats-Unis ont, ainsi, appelé, mardi, 30 octobre, à la fin de cette guerre, orchestrée par « MBS » (encore lui), demandant, notamment, que cessent les frappes aériennes de la coalition menée par l’Arabie saoudite.
Washington, qui réclame l’ouverture de négociations de paix d’ici 30 jours, estime, toutefois, que le premier pas doit être fait par les rebelles Houthis soutenus par l’Iran chiite, bête noire commune des Américains et de leurs alliés sunnites saoudiens.