La Russie et la Chine vont être, de plus en plus, des partenaires et non des concurrents en Afrique, où ils ont tous à gagner. Les domaines couverts par l’une, sur le continent, ne le sont pas, forcément, par l’autre. Exemple : la Chine assure les financements aux Etats africains sans rechigner et construit des infrastructures, partout, où on le lui demande. Mais, encore faudrait-il que les pays bénéficiaires vivent en paix et en sécurité, à long terme. La Russie dont le point fort se concentre dans les questions militaires et de sécurité, pourrait donner aux pays africains, cette chose qui leur fait défaut, parfois. Les choses vues sous cet angle, il est sûr que le développement des pays africains serait mieux assuré.
Lors du 3e Sommet Afrique-Chine tenu les 3 et 4 septembre, à Beijing, en présence de 53 délégations africaines dont une quarantaine de chefs d’Etat, la Chine a mis 60 milliards de dollars américains de financements pour les trois prochaines années, sur la table. Qui dit mieux dans le monde ? Personne ! Pourtant, cette somme est la même que ce que la Chine avait déjà mis, pour les trois précédentes années.
Cette insolente santé financière ne fait pas plaisir aux pays occidentaux dont l’un plus ambitieux, la Grande Bretagne, après la tournée de son premier ministre, Theresa May, en Afrique, fin août, a annoncé 4 milliards de livres, d’investissements en Afrique, pendant la même période. La différence est donc telle que les mises en garde venant des capitales occidentales par rapport à l’endettement incontrôlé vis à vis de la Chine, ne sont écoutées par aucun Etat. Qui plus est, la Chine n’est pas seule à jeter son dévolu sur l’Afrique : l’Inde, certes, moins dotée financièrement, investit de plus en plus en Afrique, plus seulement, dans la zone de l’Océan indien, mais aussi, en Afrique de l’Ouest où la Côte d’Ivoire et le Nigeria, sont en pole position.
La Turquie, aussi, n’est pas en reste. Premier geste de cet intérêt, la desserte par la compagnie, Turkish Airlines, de tous les pays africains, le dernier en date étant les Comores, depuis juin. Recep Tayyip Erdogan, qui ne peut rivaliser avec Xi Jinping, utilise un atout non négligeable : la religion musulmane et la proximité culturelle que n’ont pas toujours les Chinois en Afrique.
Reste la Russie, cette ancienne alliée de l’Afrique du temps de l’ex-Union soviétique, pendant la fameuse guerre froide au sein de laquelle l’Afrique n’était qu’un instrument de cette compétition entre les deux superpuissances de l’époque. Après le démantèlement de cette entité communiste, la Russie, aujourd’hui, profite de la « pauvreté » financière occidentale pour reconquérir des parts de marché en Afrique d’où elle fut chassée après la défaite du communisme. Comme avec l’ex-Union soviétique, la Russie n’a pas d’argent à proposer aux pays africains car elle n’en a pas beaucoup. Elle ne sait pas non plus apprendre à cultiver les tomates ni les pommes de terre pour nourrir la population. Mais, elle sait s’occuper de la sécurité pour préserver la paix et la tranquillité des Etats concernés, car elle est dotée d’instruments au top pour faire face à toute déstabilisation venant des partenaires de l’Afrique qui s’affichent comme ses amis le jour et deviennent ses déstabilisateurs une fois la nuit tombée. L’Afrique salue donc avec intérêt, la coopération qui s’établit entre la Chine et la Russie pour son développement. C’est d’autant plus intéressant que cette coopération s’inscrit, aussi, dans le cadre des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). La Russie (militaire) est, déjà, présente en Egypte, en Guinée équatoriale, en Centrafrique et au Burkina Faso. En attendant son arrivée dans d’autres pays car la sécurité est un problème général sur l’ensemble du continent.
L’Afrique souhaite, donc, la bienvenue au président russe, Vladimir Poutine, ce dirigeant visionnaire au regard froid comme savent l’être les anciens colonels du KGB. Et qui forge respect partout en Occident et d’abord à Washington (sur notre photo Poutine, Jinping à Pretoria chez Ramaphosa en juillet 2018). Bienvenue à l’association Chine/Russie pour une Afrique émergente.
Principales priorités : la sécurité des frontières de l’Afrique pour assurer une paix intérieure dans chaque pays, et création d’une monnaie d’échange pour commercer (sans contrôle) avec les clients de l’Afrique. Voilà la feuille de route de cette coopération avec ces deux membres du conseil de sécurité, sachant qu’il existe aussi beaucoup d’autres choses à faire, mais qui sont moins prioritaires que la sécurité et la monnaie.