Les événements commencent à se bousculer dans le couple Ethiopie/Erythrée. La semaine dernière, c’est le premier ministre éthiopien, Abih Ahmed, qui s’invitait chez son frère ennemi, Issaias Afworki. Depuis ce samedi, 14 juillet, c’est le président érythréen, Issaias Afworki, qui effectue une visite historique en Ethiopie pour cimenter la normalisation entre les deux voisins de la Corne de l’Afrique qui ont mis fin à vingt ans d’état de guerre il y a quelques jours à peine.
Le chef de l’Etat érythréen a été accueilli avec les honneurs, garde militaire, danses traditionnelles et tapis rouge, par le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, à son arrivée à Addis Abeba pour une visite officielle de trois jours (notre photo). Pas moins !
« Bienvenue à la maison, président Issaias !! », a écrit le chef de cabinet de M. Abiy, Fitsum Arega, sur Twitter, à l’adresse du dirigeant d’un pays qui forma, jadis, une même nation avec l’Ethiopie.
Des Ethiopiens étaient massés le long de la route menant à l’aéroport, vêtus de châles blancs et agitant des palmes, tandis que les rues étaient ornées de drapeaux des deux pays, de bannières et photos des deux dirigeants.
Ce déplacement inédit survient cinq jours, seulement, après que M. Abiy eut, lui-même, quitté l’Erythrée au terme d’une visite à Asmara venue concrétiser une initiative de paix lancée par le nouveau chef du gouvernement réformateur d’Addis Abeba, arrivé au pouvoir en avril dernier.
De 1998 à 2000, l’Ethiopie et l’Erythrée se sont livré une guerre conventionnelle, avec chars d’assaut et tranchées, qui a fait quelque 80.000 morts, notamment, en raison d’un désaccord sur leur frontière commune.
Le refus éthiopien d’appliquer une décision en 2002 d’une commission soutenue par l’ONU sur le tracé de la frontière a, ensuite, entretenu une longue animosité entre les deux pays.
Mais, le mois dernier, M. Abiy a annoncé la volonté de l’Ethiopie d’appliquer un accord de paix signé, en 2000, à Alger, avec l’Erythrée et les conclusions, deux ans plus tard, de la commission internationale indépendante sur la démarcation de la frontière.
Annonçant vendredi la visite du président Issaias à Addis Abeba, le ministre érythréen de l’Information, Yemane Gebremeskel, avait déclaré qu’elle « visait à cimenter/renforcer la démarche de paix et de coopération entreprise par les deux leaders ».
Lundi, à l’occasion de la première rencontre en 20 ans des dirigeants des frères ennemis de la Corne de l’Afrique, ils avaient mis fin à deux décennies d’état de guerre en signant une « déclaration conjointe de paix et de coopération ».
Les communications par téléphone avaient été rétablies, dès dimanche, et les liaisons aériennes doivent reprendre mercredi.
Selon la radio-télévision proche du pouvoir éthiopien Fana, M. Issaias doit assister, lors de sa visite, à la réouverture de l’ambassade d’Erythrée à Addis Abeba et visitera un parc industriel.
Autrefois façade maritime de l’Ethiopie avec les ports de Massawa et d’Assab, l’Erythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991 au terme de trois décennies de guerre.
L’indépendance de l’Erythrée a privé l’Ethiopie de tout accès à la mer et l’a forcée à s’appuyer presque, exclusivement, sur Djibouti pour son commerce maritime.
L’accès de l’Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique (après le Nigeria), aux ports érythréens devrait stimuler l’économie des deux Etats, tout en menaçant l’hégémonie de Djibouti.
La liberté de mouvement de part et d’autre de la frontière doit permettre la réunion de deux peuples, liés par une histoire, une langue et une ethnicité communes, et de familles séparées depuis plus de 20 ans.