Les dirigeants de l’Union africaine (UA) se retrouvent, dimanche, 1er juillet et lundi, 2 juillet, à Nouakchott, pour un Sommet centré sur la corruption qui fait des ravages en Afrique : 50 milliards de dollars de pertes sèches, chaque année, selon Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’UA. Président en exercice de cette organisation, Paul Kagame a convié son homologue français, Emmanuel Macron, à ce Sommet (notre photo des deux présidents le 23 mai dernier à l’Elysée). Ce dernier (ancien banquier d’affaire) y sera pour « démarcher » les chefs d’Etat africains, avant de terminer son séjour en Afrique par le Nigeria où il rencontrera, le président, Muhammadu Buhari. D’une pierre, les présidents Kagame et Macron vont faire deux coups : grâce au (discret) soutien du président français dont on connaît l’efficacité de la politique en Afrique (terre d’influence traditionnelle de la France), Paul Kagame essaiera de vendre la candidature au secrétariat général de l’OIF (Organisation internationale de la francophonie), de sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo. Kagame a besoin de Macron car sa francophonie est (toute) récente, voire, douteuse. Non seulement, il a du mal à aligner deux phrases en français, mais, il prendrait en otage l’OIF s’il y plaçait sa compatriote. Convaincre les présidents africains de cette « incursion » rwandaise en francophonie, demande un appui (politique et diplomatique) que lui donnera Macron, à Nouakchott. On peut alors dire que Paul Kagame va utiliser le Sommet de l’UA, à Nouakchott, à des fins de politique intérieure. Appréciera qui pourra ou voudra dans le gotha des chefs d’Etat francophones d’Afrique.
Dans la capitale mauritanienne, dotée d’un nouveau centre de conférences et de nouvelles routes, les hôtels affichent complet pour ce 31e Sommet ordinaire de l’UA, qui doit réunir une quarantaine de chefs d’Etats africains et le président français Emmanuel Macron.
Comme à chaque Sommet, les dirigeants africains se pencheront sur les crises qui secouent le continent, notamment, la guerre civile au Soudan du Sud ou le Sahara occidental, dont le drapeau flotte pour la première fois sur Nouakchott à l’occasion de ce Sommet, avec celui des autres membres de l’UA.
L’exode de centaines de milliers d’Africains, essentiellement, vers l’Europe, réunie en Sommet, jeudi, 28 juin, à Bruxelles, sur cette question, ne figure pas au programme officiel. Pourquoi ? Parce que c’est une spécialité africaine : la fuite en avant, le refus de prendre ses responsabilités, surtout, quand on sait que c’est à cause de l’échec dans le développement du pays que les jeunes s’embarquent dans l’aventure européenne via la Méditerranée.
En fin de Sommet, Emmanuel Macron, figure d’attraction de ce Sommet, discutera avec ses homologues du G5 Sahel (Mauritanie, Burkina Faso, Mali, Niger, et Tchad), surtout, du flop que cette force est en train de connaître après avoir suscité beaucoup d’espoir. Pour saluer ce Mini-Sommet de la Force G5 Sahel, à Nouakchott, les djihadistes ont attaqué sa base, dans le Nord du Mali, faisait entre trois et six soldats tués (les chiffres divergent). Il s’agit d’une provocation pure et simple des djihadistes, qui narguent, totalement, le président français et ses cinq homologues africains, de leur incapacité à pouvoir les bouter hors du Sahel. Cette Force G5 Sahel manque cruellement de financement. Emmanuel Macron avait misé sur les méthodes de banquier d’affaire (qu’il était dans le civil) pour susciter l’intérêt des bailleurs et partenaires devant la financer. Il a eu tout faux. Même s’il s’agit du terrorisme (qui par définition touche tout le monde), les pays riches ont gardé leur chéquier dans leur tiroir. La France n’étant plus la France (financièrement parlant avec ses 97,8% d’endettement par rapport à son PIB), elle doit, en tant que marraine de cette initiative, contourner les obstacles, ce qui s’avère difficile. D’où du surplace.
Toujours pendant ce Sommet, Paul Kagame doit présenter un nouveau rapport sur une réforme institutionnelle de l’UA visant, notamment, à garantir l’autonomie financière de l’organisation pour lui donner les moyens de sa souveraineté politique.
Le budget de l’UA provient à plus de 50% des bailleurs étrangers et ses programmes sont financés à 97% par les donateurs. Une honte terrible pour un continent qui clame son indépendance à chaque occasion. Pour réduire cette dépendance, la réforme prévoit le prélèvement, dans chaque pays, d’une taxe de 0,2% sur des importations.
La création d’une zone de libre-échange (ZLEC), lancée le 21 mars, à Kigali, et qui pourrait représenter un marché de plus de 1,2 milliard de personnes en Afrique et la corruption, qui, selon l’ONU, fait perdre au continent 25% de ses richesses annuelles, seront, également, au coeur des discussions.
L’ambassadrice rwandaise auprès de l’UA, Hope Tumukunde, qui présidait les travaux préparatoires à la réunion des ministres, jeudi et vendredi, a salué la décision de faire de cette réunion le « rendez-vous africain pour vaincre la corruption », appelant à la « mise en place d’une feuille de route pour éradiquer le phénomène en Afrique ». Félicitations à Hope mais on émet des doutes que ça soit autre chose que de simples incantations.
Les dirigeants africains examineront le dossier de la ZLEC, projet phare de l’agenda 2063 de l’UA visant à créer un grand marché commun, approuvé par 44 pays sur 55, mais pas par deux poids lourds du continent, l’Afrique du Sud et le Nigeria, dont le président Muhammadu Buhari pourrait (le conditionnel est de rigueur) assister au Sommet. Car Emmanuel Macron devrait effectuer une visite officielle au Nigeria dès mardi, visite que doit (en principe) préparer Buhari.
Le projet, qui prévoit la levée progressive des droits de douane sur 90% des produits entre pays africains doit entrer en vigueur en 2019, avec un délai de dix ans pour généraliser les mesures du traité de Kigali, alors que le commerce intra-africain ne représente que 16% des échanges des pays concernés, selon des statistiques officielles.
Autre volet de cet agenda 2063, le projet de marché unique et libéralisé pour le transport aérien, incluant 23 pays, sera défendu, de son côté, par le président togolais, Faure Gnassingbé, dont le pays abrite la plus grande compagnie aérienne africaine privée : Asky Airlines.