Démarrées le 28 septembre 2018, à New York, en marge des travaux de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, les négociations en vue d’un nouvel Accord entre les 79 pays ACP (Afrique, Caraïbe et Pacifique) et les 27 de l’Union européenne (UE), viennent de connaître leur première session technique conjointe, le 18 octobre, à Bruxelles, entre les ambassadeurs ACP et les hauts fonctionnaires UE. On notait, aussi, la présence du Dr Patrick I. Gomes, secrétaire général du Groupe ACP, de Stefano Manservisi, directeur général pour la Coopération internationale et le développement, et de Helga Schmid, secrétaire général du Service européen pour l’action extérieure. Négociateur en chef pour le compte des ACP, le ministre togolais des Affaires étrangères de la Coopération et de l’Intégration africaine, le professeur, Robert Dussey, a prononcé une allocution pour situer, une fois de plus, les uns et les autres sur les attentes (fortes) des 79 et rassurer sur leur (réelle) volonté de travailler, main dans la main, à la conclusion d’un Accord, vraiment, gagnant gagnant, avec l’UE. A un moment où l’offensive des pays émergents apporte une autre offre en matière de développement et d’industrialisation chez les ACP, ce qui au passage crée, une inquiétude certaine auprès des partenaires européens, le professeur, Robert Dussey, au nom du Groupe ACP, a tenu à rassurer l’UE sur l’ancrage en profondeur de la coopération entre les deux parties.
Dans son adresse, il a tenu à rappeler certaines évidences. Par exemple, que « Le Groupe ACP œuvre à ce que l’objectif du nouvel accord (en négociation) soit la contribution à la réalisation du développement durable dans tous les pays ACP, à travers un partenariat économique et politique renforcé et approfondi, ainsi que, le positionnement du Groupe comme un acteur plus efficace sur la scène internationale ». A cet effet, a poursuivi le négociateur en chef des ACP, « Il conviendra de procéder à un alignement avec le programme de développement à l’horizon 2030 et les ODD, qui en constitueront le cadre général, en prenant dûment en considération les conférences et sommets des Nations-Unies, l’Accord de Paris sur les changements climatiques, la Déclaration des Nations-Unies sur le droit au développement, les programmes continentaux et régionaux, tels que l’Agenda 2063 de l’Union africaine, l’approfondissement et l’élargissement de l’intégration régionale dans les Caraïbes et le Pacifique ».
Il convient, par conséquent, d’affiner des approches dont la mise en œuvre sera d’une grande utilité après l’adoption de l’Accord en 2020. Il en est, par exemple, de l’investissement qui est un volet de la coopération qui fait l’objet d’un examen plus minutieux, d’un dialogue plus poussé et d’une mise en œuvre plus systématique. Mais, bien que l’UE reste un investisseur majeur dans les pays ACP, il est souhaitable que ses investissements soient acheminés vers les différents domaines compatibles avec des politiques commerciales prudentes. A ce sujet, le professeur Dussey pense que le partenariat ACP-UE doit faire que « L’investissement appuie les politiques commerciales et industrielles des pays ACP, et promeuve la diversification et les infrastructures commerciales » des pays concernés. Ainsi, il sera plus utile et dégagera une efficacité qui améliorera, non seulement, les agrégats de la comptabilité nationale dans chaque pays ACP, mais, agira, positivement, sur l’emploi des jeunes. D’une pierre, on ferait deux coups.
Le dialogue politique, parlons-en : le négociateur en chef souhaite que le futur accord soit « modernisé » : « Certains instruments utilisés par le passé doivent être repensés en vue de leur inclusion dans le nouvel accord. Le Groupe ACP s’emploiera à engager, selon les modalités mutuellement convenues, un dialogue politique fondé sur des valeurs partagées telles que le respect mutuel, l’égalité, la réciprocité, la complémentarité, la subsidiarité, la proportionnalité, la souveraineté et le respect des spécificités nationales et régionales ». Le négociateur en chef va plus en loin en engageant directement les deux parties au niveau des résultats à obtenir : « Ce dialogue doit aller au-delà de l’échange d’idées pour mener les parties à prendre des engagements sur des résultats spécifiques, assorti de mécanismes qui appuieront et feront progresser l’objectif commun de promotion du développement humain ».
Il en est de même dans le domaine du commerce où les négociations doivent viser à assurer aux pays ACP des termes de l’échange favorables. Tous les accords commerciaux existants entre les deux parties y compris les APE (Accords de partenariat économique), doivent être évalués en tenant compte d’évolutions régionales, telles que la ZLEC (Zone de libre échange continentale africaine), la promotion du commerce intra-ACP dans les Caraïbes et l’Accord commercial entre les pays insulaires du Pacifique (PICTA).
Dernier élément du discours du négociateur en chef des ACP : la coopération pour le financement du développement. Il s’agit, ici, du nerf de la guerre. La bataille sera rude au moment où l’opinion publique pousse, ouvertement et fortement, à la création d’une monnaie africaine. Déjà, au niveau des 14 pays africains de l’Ouest et du Centre qui utilisent le F CFA, la pression est forte pour l’abandon de cette monnaie et son changement par une monnaie authentiquement africaine. Qu’en sera-t-il pendant les débats entre les pays ACP-UE à l’heure des réseaux sociaux où les opinions sous prétexte qu’elles dérangent ne peuvent plus être occultées par les pouvoirs ?
De façon générale et dans un langage diplomatique, le financement indispensable UE à l’endroit des pays ACP doit être exempt de toute conditionnalité et apporter des avantages socioéconomiques aux pays ACP. Il doit, aussi, sortir des sentiers battus : « Nous espérons également un accroissement des investissements dans les domaines de la science et de la technologie, qui permettra d’instaurer une dynamique de croissance impulsée par le renforcement des capacités en matière de recherche et d’innovation », souhaite le négociateur en chef.
En conclusion, les négociations seront ardues, prévient le professeur, Robert Dussey. Car elles refléteront les (énormissimes) attentes des populations des pays ACP. Mais s’empresse-t-il d’ajouter : « L’entreprise-là en vaut la peine ».