Il y a moins de deux semaines, Jacob Zuma faisait la leçon aux députés de la majorité, après que ceux de l’opposition eurent quitté la salle, pour protester contre sa très mauvaise gouvernance : « Je voyage en Afrique, et l’on me pose des questions embarrassantes au sujet de notre Parlement. Certains dans la région déplorent la façon dont nous nous comportons dans l’hémicycle et l’image que cela donne d’une démocratie perçue comme exemplaire. Ils disent que nous avons une influence négative sur leur propre opposition. Je pense qu’il est grand temps de sérieusement rétablir l’ordre dans cette chambre, pour la dignité de ce pays ». C’est le 5 mai dernier que le président sud-africain s’indignait de cette manière. A voix haute. Douze jours, plus tard, c’est à une bagarre générale à laquelle il a eu droit, alors qu’il venait s’adresser au parlement.
En effet, les députés de la gauche radicale sud-africaine en sont venus aux mains, ce mardi, 17 mai, avec le service d’ordre du Parlement, pour la deuxième fois en deux semaines, illustrant la sérieuse détérioration du climat politique dans le pays où le président, à cause des multiples scandales de corruption, qui entachent sa gouvernance, refuse de démissionner.
Vêtus de leurs traditionnelles combinaisons rouges de mineurs (notre photo), les parlementaires des Combattants pour la liberté économique (EFF, opposition) ont été, violemment, chassés de l’Assemblée alors qu’ils perturbaient le début de séance en demandant le départ (du pouvoir) du chef de l’Etat, Jacob Zuma.
« Le président a brisé son serment, il a délibérément violé la Constitution. C’est Zuma qui devrait partir », ont-ils scandé avant de donner des coups de poing et de jeter des bouteilles d’eau aux forces de sécurité qui venaient les expulser.
L’incident, qui s’est déroulé sous les yeux impassibles du président, est intervenu quelques minutes avant une séance de questions-réponses entre les parlementaires et le chef de l’Etat.
Les députés EFF, emmenés par le leader populiste, Julius Malema, demandent la démission de Jacob Zuma, reconnu coupable d’avoir violé la Constitution et empêtré dans plusieurs scandales de corruption.
Fin mars, la Cour constitutionnelle, plus haute juridiction sud-africaine, avait estimé que le chef de l’Etat avait violé la Constitution pour n’avoir pas remboursé une partie des 20 millions d’euros (13 milliards de F CFA) d’argent public utilisés pour rénover sa résidence privée.
Dans les prochains jours, la justice doit, aussi, se prononcer sur le rétablissement ou non de près de 800 chefs d’accusation de corruption contre le président, dans une affaire de contrat d’armement.
A la sortie du Parlement, ce mardi, 17 mai, Julius Malema a assuré « ne pas être effrayé » par les services de sécurité. « S’ils sont violents, on répondra par la violence », a-t-il mis en garde.
Fin avril, le leader de l’EFF avait menacé de « faire partir ce gouvernement à la pointe du fusil ».
Ces dernières semaines, des vétérans du Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir, ont, également, demandé la démission du chef de l’Etat. Mais, pour l’heure, le parti fait (encore) front autour de Jacob Zuma : il a rejeté en bloc, début avril, une motion de l’opposition visant à le destituer.
Au-delà des affaires de corruption, le chef de l’Etat est, aussi, accusé par l’opposition de miner l’économie sud-africaine, récemment, rétrogradée à la troisième place, en Afrique, derrière l’Egypte, selon une étude du cabinet KPMG.
En ligne de mire des détracteurs de Jacob Zuma, l’imbroglio de décembre 2015 provoqué par la succession de trois ministres des Finances en moins d’une semaine. Cette cacophonie avait affolé les marchés et fait chuter la devise nationale, le rand.
L’actuel ministre des Finances, Pravin Gordhan, nommé sous la pression de l’ANC, a pour délicate mission de restaurer la confiance des investisseurs afin d’éviter une dégradation de la note de la dette de l’Afrique du Sud.
Après avoir retrouvé des couleurs ces dernières semaines, le rand a, de nouveau, chuté à la suite de rumeurs, ce week-end, dans la presse nationale selon lesquelles, Pravin Gordhan serait, prochainement, arrêté par les Faucons, unité de police spéciale soupçonnée d’être sous l’influence de Jacob Zuma.
L’information a depuis été démentie par la présidence, mais, l’avenir de Pravin Gordhan, suspecté par les Faucons d’activités illégales au sein du service des impôts, en 2007, reste incertain au sein du gouvernement.
Mardi soir, le ministre des Finances s’est dit « complètement innocent », accusant « des individus qui travaillent pour des agences du gouvernement » de « comploter pour l’intimider ».
« Pravin Gordhan a lancé une guerre contre le +capitalisme des copains+ qui a émergé en Afrique du Sud ces dernières années. Il est perçu comme une menace pour de nombreux intérêts » proches de Jacob Zuma, selon l’analyste politique, Daniel Silke.
A trois mois d’élections municipales à haut risque, le président apparaît, aujourd’hui, plus que jamais sous pression. Selon des analystes, une défaite dans une grande métropole pourrait pousser l’ANC à écourter le mandat de Jacob Zuma, qui s’achève en 2019.