CATHERINE SAMBA-PANZA : « Priorité au désarmement et à la pacification du pays »

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Contrairement à certaines rumeurs, la présidente de la transition, Catherine Samba-Panza ne dort pas sur ses lauriers. Malgré les secousses intenses qui jalonnent son parcours, elle tient bien le gouvernail, et compte arriver à bon port, en organisant les élections, en juin-juillet 2015. En effet, le Groupe international de contact sur le Centrafrique (GIC), qui est composé de l’Union africaine (UA), de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), du médiateur (le président du Congo-Brazzaville), et comme pays observateur, de la France, a rallongé, le 11 novembre, la transition de six mois, jusqu’en août 2014. L’objectif, c’est de mettre le train « Centrafrique » sur les rails, et de laisser le futur chef de l’Etat, démocratiquement, élu, à l’issue d’un scrutin dont nul doute qu’il sera, âprement, disputé, allumer le moteur et démarrer la locomotive. CSP (comme l’appellent affectueusement les Banguissois) aura, alors, accompli son devoir, en digne fille du fondateur de la République centrafricaine, Barthélémy Boganda.

Depuis la prise de fonction du gouvernement du premier ministre, Mahamat Kamoun, le pays change. Au regard du travail abattu, chaque jour, par la présidente et le gouvernement, il y a, fortement, lieu d’être optimiste. Grâce au précieux concours des Centrafricains et de la communauté internationale, déjà, à pied d’oeuvre, dans le pays, ce pari sera gagné. Dans cet entretien, la présidente, Catherine Samba-Panza, montre le chemin à suivre pour gagner la bataille de la transition.

AfriquEducation : Comment vous sentez-vous après la période de turbulence pendant laquelle toute l’attention était focalisée sur le don angolais, et où la marche de la transition se trouvait bloquée ?

Catherine Samba-Panza : Je me sens soulagée d’avoir pu, avec les forces vives de la Nation et la population de Bangui, tenir le cap pendant les 10 jours de blocage de la ville de Bangui, début octobre. Dans beaucoup de quartiers, les populations se sont levées, pour obtenir la levée des barricades, au prix de sacrifices personnels et familiaux, pour dire non à la manipulation, non, aux calculs politiciens, et non, aux cycles, sans fin, de violences.

D’aucuns ont parlé de tentative de déstabilisation, qui aurait dû conduire au changement de la présidente, du premier ministre, et du gouvernement. Est-ce vrai ?

C’est, en effet, vrai, puisque des déclarations allant dans ce sens, ont été, clairement, exprimées par des responsables de certains groupes armés. Cela est d’autant plus regrettable qu’après le Forum inter-centrafricain de Brazzaville, j’étais revenue, à Bangui, le lendemain, ravie d’avoir permis, au pays, de franchir une étape décisive : la signature d’un Accord de cessation des hostilités, qui devrait permettre, à la République centrafricaine, de tourner une page sombre de son histoire, et d’envisager le processus de désarmement, de dialogue politique et de réconciliation nationale, en prélude, aux élections. Force est de constater que la politique, au sens le plus détestable, s’en est mêlée, aussitôt, entraînant, à nouveau, des tueries et des violences regrettables.

Votre politique de la maman qui tend la main à ses enfants antibalaka et ex-séléka, a-t-elle produit les résultats escomptés ?

La main tendue, dans le contexte de mon élection, par le Conseil national de transition (CNT), le 20 janvier 2014, m’a paru naturelle et importante. Il était question de rassembler, très vite, les Centrafricains, et faire taire les armes, pour pacifier et reconstruire le pays.

A l’épreuve du terrain, je me suis rendue compte que le système des rebellions, était ancré, dans le pays, et que de milliers de jeunes croient, aujourd’hui, qu’être rebelles, est un métier qui doit leur rapporter de l’argent, pour leur permettre de vivre. Cette posture est, activement, encouragée, depuis un certain temps, par des politiciens qui financent ces actions destructrices pour ces jeunes et pour le pays.

Même si nous avons des difficultés à ramener les uns et les autres, à la raison, je pense que la politique de la main tendue, sans passer sur l’impunité, reste, encore, aujourd’hui, l’une des voies efficaces, pour rassembler les Centrafricains, et pour arrêter le bain de sang, en cours.

Les élections doivent se tenir, en juin-juillet 2015. C’est le délai limite. Pensez-vous que le pays sera prêt pour aller aux élections à cette date ?

Je ne souhaite, plus, me prononcer, sur cette épineuse question des élections, pour éviter, à nouveau, de déclencher des malentendus préjudiciables au pays, alors même que je me suis engagée à ne pas y participer. L’Autorité nationale des élections (ANE) a établi un chronogramme qui prend, en compte, toutes les contraintes au premier rang desquelles la sécurité, mais aussi, la reconstitution des fichiers détruits de l’état civil et des listes électorales, l’enrôlement des électeurs, la remise, en état, des mairies qui doivent organiser le vote. Je lance un appel, à tous les amis de la République centrafricaine, à nous aider à réussir les prochaines élections, mais aussi, à veiller à ce qu’elles ne soient pas contestées pour éviter, au pays, de replonger, dans un péril plus grave encore.

Aux Nations-Unies, en septembre dernier, vous aviez, justement, soulevé le problème des Forces armées centrafricaines (FACA). Sans l’appui des FACA aux troupes internationales, le pays ne peut être, efficacement, sécurisé. Quelles sont vos démarches visant à aboutir à la levée de l’embargo qui frappe les FACA, afin de les rendre opérationnelles avant les élections ?

Un pays sans force de défense et de sécurité active, est un pays amputé d’un de ses pouvoirs régaliens. Les Centrafricains savent ce que leur coûte, au quotidien, l’absence d’une armée active sur l’ensemble du territoire.

J’ai soulevé ce problème, dès mon arrivée, à la tête de la transition. J’ai fait tous les plaidoyers, dans ce sens, y compris devant l’Assemblée Générale des Nations-Unies. J’espère une levée partielle rapide de l’embargo et une programmation concertée avec la communauté internationale du rythme de l’implication des FACA, dans la sécurisation du pays, et, particulièrement, lors des activités pré-électorales et électorales. Le temps presse, nous devons accorder au peuple centrafricain, un droit minimum à la sécurité, en prenant toutes les précautions compte tenu du passé récent du pays. Les Nations-Unies, l’Europe et la France, qui nous soutiennent, ont toute l’expertise, dans ce domaine, dans les stratégies de sécurisation du pays. A ce jour, les 8.000 hommes recensés, sont inactifs ; cela ne va pas sans conséquence, de les laisser, dans cette situation de frustration. Notre objectif est de reconstituer, sur une base plus professionnelle, plus performantes, et plus équilibrée, cette armée et la faire participer au développement de notre pays. C’est un long processus qui a, déjà, commencé, même si les moyens font défaut.

On parle de quelques tensions, entre vous, et vos pairs de la sous- région. Confirmez-vous ?

Je n’ai aucune raison d’entretenir des mauvaises relations avec mes pairs de la sous-région, compte tenu de la situation grave de mon pays, qui a, aussi, un impact sur le voisinage, en termes, d’accueil de réfugiés, de contribution non négligeable, à la sortie de crise au développement de cette zone, qui recèle d’importantes richesses.

La République centrafricaine n’a pas manqué de bénéficier de l’élan de solidarité et du soutien des pays frères de la sous-région. Il nous faut savoir être reconnaissant à ces pays dont des braves fils venus à notre secours, ont perdu la vie, dans le cadre de cette mission d’assistance.

Quelle appréciation faites-vous de l’arrivée des Casques bleus en Centrafrique ? Y a-t-il une évolution dans le domaine de la sécurité ?

Nos attentes sont grandes, particulièrement, dans le secteur clé de la sécurité, qui est le besoin n°1 de la République centrafricaine. Nous avons tout à fait conscience de la difficulté de la tâche au regard des derniers soubresauts du mois d’octobre. Cela nous a permis, encore, de mesurer la profondeur de la crise et la hauteur de la tâche. C’est pourquoi nous ne pouvons pas reporter plus, longtemps, encore, la question du désarmement réel des groupes armés et de la pacification du territoire national.

Nous devons reconstruire, très rapidement, un Etat et une société organisée dotée d’une armée, en mesure de protéger ses frontières et sa population. Les résolutions des Nations-Unies sur la République centrafricaine, ont instauré une mission multidimensionnelle dans le pays. A cet égard, le bilan ne peut être fait, en moins de trois mois, même si nous comprenons l’impatience des populations meurtries.

Vos relations s’améliorent-elles, comme l’a recommandé le médiateur, avec le Conseil national de transition ?

Indépendamment de ce qui se dit, ça et là, nos relations suivent leur cours normal, dans l’intérêt supérieur de notre pays. Je reste, dans mon rôle de chef de l’Etat de la transition, pour garantir une transition consensuelle, inclusive et apaisée, conformément, à la Charte constitutionnelle de transition, jusqu’à la tenue des élections, pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel.

La communauté internationale vous presse d’aller aux élections et de mettre, fin, à la transition. Vous donne-t-elle les moyens suffisants pour respecter le calendrier établi ?

Les délais prescrits, pour la tenue des élections et la fin de la transition, sont, clairement, définis, dans la Charte constitutionnelle, et nous devons les respecter. Quant à la question des moyens, il faut savoir que l’Union africaine, l’Union européenne, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) ou la France, ont annoncé leur contribution à l’organisation des élections de 2015. Nous attendons les décaissements effectifs de ces annonces. A ma demande, le gouvernement a décaissé une enveloppe d’1 milliard de F CFA (1,5 millions d’euros) au profit de l’ANE.

C’est un vrai sujet de préoccupation pour tout pays se trouvant, dans une crise, aussi, profonde.

Quelle conclusion ?

Ce qui se passe, en Centrafrique, doit interpeller toutes les consciences sans exception. Laisser ce pays poursuivre sur la voie de l’insécurité, c’est accepter sa dislocation programmée et l’occupation durable de son territoire, par des réseaux fondamentalistes ou criminels dont le monde risque d’avoir du mal à se défaire.

Je veux, très fortement, pour mes compatriotes, et pour l’avenir de notre jeunesse, une République centrafricaine pacifiée, sécurisée, prospère, laïque, démocratique, et ouverte sur le monde.

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