CÔTE D’IVOIRE : La fin pour Alassane Ouattara ?

Date

Le président de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, se montre tout aussi secoué que son mentor du Burkina Faso, Blaise Compaoré, depuis la cascade des démissions du parti présidentiel burkinabè. Ouattara fait tout pour retarder la chute de Compaoré alors que la constitution lui interdit de se présenter en 2015. En Côte d’Ivoire, l’opposition s’organise, aussi, en cherchant à parler d’une même voix. Mamadou Koulibaly n’est plus seul à apporter la réplique aux « errements » économiques et politiques du système en place. Du côté d’Affi N’Ngessan, on s’organise aussi.

Les masques tombent. Quelques heures après la cascade des démissions, à Ouagadougou, des anciens dignitaires du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès), le 4 janvier 2014, Alassane Ouattara a tenu une réunion restreinte, au Palais, pour évaluer la situation qui allait en découler, et les répercussions que cette crise pouvait entraîner en Côte d’Ivoire. C’est de façon unanime que les participants à cette réunion ont décidé de ne pas rester les bras croisés car pour garder la Côte d’Ivoire en paix, il faut absolument éteindre les flammes qui pointent à l’horizon du Faso. C’est ainsi que le « filleul » de Blaise CompaoréGuillaume Soro, a été désigné par le président ivoirien pour conduire une délégation (intime) composée de Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, et du propre frère du président et ministre des Affaires présidentielles, Ibrahim Ouattara. Présent, lui aussi, à cette réunion restreinte, Amadou Gon Coulibaly devait rester sur place, à Abidjan, pour assurer la liaison entre les « missionnés » de Ouaga et le chef de l’Etat. En quittant Abidjan, Soro qui est aussi un très proche de Roch Marc Christian Kaboré, avait laissé entendre qu’il était optimiste sur leur mission. Mais arrivé sur place, ils ont pu constater par eux-mêmes que la situation était très compliquée pour Blaise Compaoré. Et que tout compte fait, il y avait de moins en moins de certitude que le président burkinabè allait se maintenir au pouvoir, après 2015.

C’est une très mauvaise nouvelle pour Alassane Ouattara qui, depuis ce 4 janvier, se démène pour essayer de sauver son mentor Blaise Compaoré. Sans prendre des gants, il dit à ses interlocuteurs occidentaux que sans Blaise Compaoré au pouvoir, la Côte d’Ivoire pourrait connaître à nouveau des troubles.

La gestion Ouattara n’est donc plus un long cours tranquille où il n’y a ni vagues ni secousses. Même les diplomates ne s’en cachent plus. Premier à parler, comme d’habitude, l’ambassadeur des Etats-Unis, vient de dire tout haut ce que ses collègues se disent tout bas entre eux diplomates occidentaux. Au cours d’une rencontre avec les étudiants de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, fin janvier dernier, Terence Mc Culley, n’a pas occulté ses inquiétudes : « Nous ne sommes qu’à 20 mois de l’élection présidentielle, (mais) on ne peut s’empêcher de nourrir quelques inquiétudes quant à l’avenir ».

Depuis la mise en liberté provisoire de certains cadres du Front populaire ivoirien (FPI), à l’instar de son président, Pascal Affi N’Guessan, les couteaux semblent ressortir des placards. Il y a d’abord eu cette déclaration de ce dernier sur l’impossibilité d’Alassane Ouattara (candidat déclaré à l’élection présidentielle d’octobre 2015) que la constitution actuelle ne lui permettait pas de se présenter. Et de préciser que s’il a fait acte de candidature en 2010, c’était grâce à la volonté (politique) du président de l’époque, Laurent Gbagbo.

Pascal Affi N’Guessan n’a rien inventé même s’il a remué le couteau dans la plaie. Pour preuve, dès le lendemain, le Rassemblement des républicains (RDR), le parti d’Alassane Ouattara, a répliqué que, justement, il était prévu, une modification de la constitution, qui porterait entre autres sur cet aspect de la question. Celle-ci se ferait-elle à l’Assemblée nationale ou par référendum ? Toujours est-il que Ouattara et ses amis sont gênés aux entournures, le président ne sachant pas, très bien, ce que feront finalement ses alliés du PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) qui souhaitent, malgré les réticences de son président, Henri Konan Bédié, présenter un candidat à cette présidentielle, dès le premier tour. Cette démarche affaiblirait à coup sûr le candidat Ouattara. Mais le PDCI peut-il se permettre de ne pas se vendre aux électeurs alors qu’il affiche des ambitions pour redevenir le plus grand parti politique du pays ? Voilà pourquoi le débat fait rage au sein de ce parti. Difficile de contenir les assauts des ténors comme Alphonse Djé Djé MadyKKB et autres Charles Konan Banny, toujours en embuscade, bien que « protégé » de Ouattara.

Pendant que Blaise Compaoré, allié stratégique de Ouattara quitte la scène politique et que Ouattara se montre incapable de mettre de l’ordre au sein du RHDP, l’opposition s’organise pour mieux affronter le pouvoir, ou mieux, bloquer le processus électoral qui serait truffé d’anomalies. La liste électorale n’est pas fiable ; la composition de la Commission nationale électorale indépendante est à revoir totalement ; l’insécurité règne dans certaines zones du pays où il est impossible de faire campagne si on n’est pas étiqueté RHDP. Bref, il y a encore du boulot et Sarkozy n’est plus au pouvoir en France pour accompagner son poulain Ouattara même si c’est au forceps. La donne est donc autre.

Les choses vont très vite. Dix partis politiques dont le Parti ivoirien des travailleurs (PIT) de Francis Wodié et Gisèle Ngnonsoa, le Rassemblement pour la paix, le progrès et le partage (RPP) de Laurent Dona Fologo, le Cap Unir pour la démocratie et le développement (CAP-UDD) de Gervais Coulibaly, l’Alternative citoyen du professeur Kabran Appia, l’Union républicaine pour la démocratie (URD) de Danièle Boni Claverie, l’Union démocratique citoyenne (UDCY) de Mel Théodore, le Renouveau pour la paix et la concorde (RPC-Paix) de Henriette Lagou, s’organisent pour constituer un cadre unique de discussion avec le pouvoir. Il faut faire bloc pour parler d’une même voix face aux amis d’Alassane Ouattara.

Il s’agit donc d’un bon renfort pour le parti Lider du professeur Mamadou Koulibaly qui, jusque là, était le seul à donner de la réplique au système OuattaraMamadou Koulibaly, ces deux dernières années, a montré qu’il était une véritable menace pour le pouvoir d’Alassane Ouattara dont il conteste l’efficacité intellectuelle des mesures économiques mises en œuvre, dans une clairvoyance à faire noircir les tenants du pouvoir d’Abidjan.

On n’imagine pas une sorte de coalition entre lui et son ancien camarade, Pascal Affi N’Guessan, pour parler d’une seule et même voix et porter haut le discours de l’opposition. Avec Blaise en perte de vitesse, à Ouagadougou, Alassane Ouattara ne tiendrait pas longtemps.

Envie d’accéder aux contenus réservés aux abonnés ?

More
articles

×
×

Panier