Même s’il est devenu, par la force du destin, un homme politique, Boni Yayi est avant tout un intellectuel. Un économiste de formation titulaire d’un docteur en sciences économiques de la prestigieuse université Paris 9 Dauphine. Pendant 12 ans, il a présidé aux destinées de la BOAD (Banque ouest africaine de développement), avant de briguer, avec succès, la présidence de la République du Bénin, en 2006. Son deuxième mandat lui donne l’opportunité de présider, en cette année 2012, la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA) et ce, depuis les 29 et 30 janvier 2012, à Addis Abeba. Avec cette reconnaissance de ses pairs, on peut dire qu’il est, déjà, un chef d’Etat accompli.
La méthode de travail qu’il propose pendant son année de présidence de l’UA, n’est pas différente de celle d’un banquier qui doit sauver une entreprise en faillite. Sans perdre de temps (car « time is money »), il a, immédiatement, convoqué un Sommet informel de chefs d’Etat et de gouvernement, samedi 18 février, à Cotonou, dans le but de s’accorder sur des solutions en vue d’éviter la banqueroute du continent.
Un bref rappel tout de même : ce grand malade qu’est l’Afrique, c’est plus de 20% de la superficie mondiale des terres arables, soit plus de 30 millions de km². L’Afrique est un scandale géologique et minier avec d’importantes ressources pétrolières, minières et agricoles citées parmi les plus grandes réserves du monde. Sur le plan démographique, ce continent représentera, en 2050, 2 milliards d’âmes dont plus de 60% de jeunes de moins de 30 ans. L’Afrique est, donc, un continent de l’avenir. Un continent de l’espoir. Un continent de l’espérance. Mais le grand paradoxe, c’est qu’au lieu d’être le continent qui tire vers le haut la croissance mondiale, il est celui où on compte le plus de problèmes : pas de paix, pas de stabilité, pas de progrès. L’Afrique, c’est le continent du mal vivre. Le continent de la maladie. Le continent de la pauvreté. Le continent du sous-développement. Le continent des guerres. Et de plus en plus une valeur montante du terrorisme et de l’insécurité. Comment conjurer cette contradiction ? Voilà la question que Yayi Boni pose à ses homologues avant tout établissement de feuille de route. Le président du Bénin qui est un banquier sait que c’est une question à un milliard d’euros. Qui, pour l’heure, n’a pas de solution toute faite. Mais si tel est le cas, il faut, au moins, s’accorder sur la démarche qui permet d’aboutir à une action consensuelle et concertée. Il faut donc éviter, dorénavant, que chaque président aille dans la direction de son choix quand un problème se pose en Afrique. L’assassinat du colonel Kadhafi et la destruction de la Libye, restent en travers de la gorge de tous les chefs d’Etat africain. « Plus jamais ça », ont-ils juré à Cotonou. D’autre part, il a été adopté une feuille de route, en harmonie, avec les activités du président de la Commission de l’UA. Autrement dit, les deux têtes de l’exécutif continental, à savoir, le président de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, et le président de la Commission, se complètent sans se rivaliser. Voilà, en gros, ce qui a été décidé pour le moment. l faut se réjouir de l’approche prônée par le président Yayi Boni : une première dans l’histoire de l’organisation où quand un chef d’Etat accédait pour un an, à cette fonction prestigieuse, il faisait ce qu’il voulait, ce qu’il pouvait, ce qu’il entendait, parfois, sans un minimum de concertation. L’union faisant la force, désormais, on réfléchit ensemble, on avance ensemble, on parle d’une seule voix, on agit étant soudés. Inch’Allah !
« J’ai souhaité, en ma qualité de président en exercice de notre union, organiser cette rencontre informelle pour pouvoir bénéficier de vos riches expériences et de votre sagesse, étant donné que parmi vous, figurent des présidents de communautés économiques régionales, des doyens qui ont, avant moi, présidé brillamment notre organisation commune, à plusieurs reprises. Je souhaite que vous puissiez, à ce titre, m’édifier sur le chemin à emprunter durant mon mandat. Il faut, à tout prix, éviter que chacun aille dans la direction de son choix car, si c’était le cas, le bateau Afrique risque de perdre le gouvernail ».
La présidence de Yayi Boni démarre de la meilleure des manières. Sa force, c’est de savoir dégager la synthèse des positions divergentes. Il lui faut, maintenant, gérer le dossier de la désignation du président de la Commission, en juin, dans un climat apaisé. C’est un challenge à relever. Mais il en a la capacité.