« Je vais annoncer une bonne nouvelle à notre nation islamique qui va embêter les croisés (Occidentaux, ndlr). C’est que le mouvement shebab, en Somalie, a rejoint Al-Qaïda ». Le successeur d’Oussama Ben Laden, Ayman Al Zawahiri, vient ainsi, d’annoncer, avec fierté et beaucoup d’assurance, ce jeudi 9 février, le ralliement des Shebab somaliens à son réseau terroriste.
Ce ralliement officiel survient au moment où l’armée malienne est en train de perdre le contrôle de certaines de ses positions dans le Nord du pays à cause de ses défaites répétitives face aux Touaregs. Les combats qui en découlent provoquent un exode massif de personnes dont la plupart se réfugient dans des campements de fortune installés au Mali, quand ce n’est pas dans les pays voisins : plus de 10.000 Maliens viennent de traverser la frontière du Niger, plus de 9.000 celle de la Mauritanie et plus de 3.000 celle du Burkina Faso, selon des chiffres du Haut commissariat des nations-unies pour les réfugiés. C’est une situation à prendre très au sérieux que personne n’avait prévue, et qui risque de se dégrader.
Les rebelles touaregs qui malmènent, actuellement, les soldats maliens sont de retour de Libye, suite à la chute du régime de leur mentor, Mu’ammar al Kadhafi. Ils ont regagné leur pays, en grand nombre, surarmés et, surtout, aguerris aux techniques modernes de combat, décidés, cette fois, à créer leur propre Etat dans la partie nord du pays. A moins de trois mois de l’élection présidentielle à laquelle l’actuel président, Amadou Toumani Touré (ATT), n’est pas candidat, on voit mal comment les combats pourraient cesser, les rebelles ayant le vent en poupe, seront sans doute tentés de garder leur supériorité militaire sur le terrain pour mieux amorcer le cycle de négociations avec le prochain président de la République. L’instabilité qui s’installe peu à peu dans cette partie du territoire malien, va, donc, durer un certain temps.
Il y a à craindre que l’action du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad), appuyée par d’autres Touaregs, ne se limite pas au seul Mali. Les autorités nigériennes retiennent leur souffle même si, jusque-là, les Touaregs du Niger ne se signalent pas encore, par la violence, comme ceux du Mali. Cela dit, l’inquiétude à Niamey n’est pas différente de celle affichée à Bamako.
Voilà donc une zone sahélienne à nouveau déstabilisée, qui risque de remettre les pendules du développement des pays concernés à zéro. ATT qui pensait quitter le pouvoir par la grande porte, va devoir présenter un bilan mitigé, obligé qu’il sera de laisser une guerre en forme d’héritage à son successeur.
Au Niger, les dirigeants consacrent l’essentiel de leur énergie à la façon de contenir cette crise, alors que le programme sur lequel Mahamadou Issoufou s’est fait largement élire ne tient compte ni de la déstabilisation de la Libye ni de la résurgence du conflit touareg.
Washington, Paris et l’OTAN, qui ont, dans une grande part, assuré les bombardements en Libye jusqu’à la chute du régime et l’assassinat de son leader, le colonel Mu’ammar al Kadhafi, devraient répondre à l’appel, en faisant une sorte de service après vente. Après avoir détruit les infrastructures socio-économiques de la Libye, ce qui a entraîné le pillage des arsenaux militaires qui sont aujourd’hui disséminés dans toute la zone sahélo-sahélienne, ils n’ont pas le droit de laisser les pays voisins de la Libye, notamment, le Mali et le Niger, se débrouiller tout seuls.
La Libye, aussi, est abandonnée à elle-même : entre la Libye d’aujourd’hui (où on dit avoir installé la démocratie) et la Libye de Kadhafi, c’est bien le jour et la nuit. A Tripoli, il y en a qui évoquent déjà le bon vieux temps. « La torture et le meurtre des détenus, sont malheureusement une activité qui se poursuit », dit Human Rights Watch dans un rapport récent sur ce pays. De leur côté, Amnesty International et Médecins sans frontières dénoncent une pratique généralisée de la torture, parfois à mort, sur des détenus partisans présumés de l’ancien régime. Les « brigades révolutionnaires » accusées de détenir des milliers de personnes dans des prisons secrètes, font la pluie et le beau temps. Avant comme aujourd’hui, il n’existe pas de justice. Tout se fait à la tête du client. Où est alors le changement ?
Les pays de la zone sahélo-sahélienne n’avaient pas besoin de la déstabilisation de la Libye. Le fait qu’à celle-ci et ses conséquences visibles, s’ajoute l’action croisée d’AQMI, de Boko Haram, et bientôt, des Shebab, qui vont sans doute, grâce aux moyens d’Al-Qaïda exporter leur « savoir faire » terroriste dans cette région, n’est pas de nature à envisager l’avenir avec optimisme : aucun développement n’est possible dans un contexte de guerre. Le fait d’élire des chefs d’Etat de façon tout à fait démocratique (cas du Niger et du Mali) risque de ne pas suffire car, en amont, on aura œuvré, pour les empêcher de correctement travailler.