Ala 66e session de l’Assemblée Générale des nations-unies à laquelle il a pris par t, pour la première fois en tant que président de la République du Niger, Mahamadou Issoufou a profité de cette auguste tribune pour évoquer les risques de déstabilisation de toute la région sahélosaharienne que va provoquer la dissémination d’armes de toutes sortes venues de Libye. « Des armes (venues de Libye) sont disséminées dans toute la zone sahélo-saharienne, avec le risque d’échouer entre des mains terroristes. Notre pays doit être soutenu par la communauté internationale au double plan sécuritaire et économique », a-t-il déclaré. « Le terrorisme, a-t-il tenu à ajouter, s’en prend aux valeurs qui constituent l’essence même de la Charte des nations-unies : respect des droits humains, primauté du droit, règles de la guerre qui protègent les civils, tolérance entre les peuples et les nations, règlement pacifique des con flits ».
Le Niger fait face à cette menace à ses frontières nord avec l’Algérie, ouest avec le Mali et sud avec le Nigeria. Le plus grave, c’est qu’au terrorisme, viennent s’ajouter les menaces telles que les organisations criminelles trafiquant des armes, des drogues, et des êtres humains, et qui, aujourd’hui, sont amplifiées par la crise libyenne. « Des dépôts d’armes ont été pillés en Libye, soutient le président du Niger. Tenant compte du caractère régional des menaces, le Niger est déterminé à mutualiser ses efforts avec ceux des autres pays, notamment, de la sous-région, afin de faire face à la situation ». Le président du Niger craint une déstabilisation de toute la sous région et souhaite une sortie rapide de la crise, le Niger devant faire face au rapatriement de plus de 210.000 migrants. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les institutions démocratiques que les pays concernés s’efforcent de mettre en place sont encore fragiles. D’autre part, la pauvreté qui y règne constitue un terreau fertile sur lequel le terrorisme peut prospérer.
Mahamadou Issoufou a largement raison d’attirer l’attention de la communauté internationale captée par la seule chute du colonel Kadhafi et de son régime, oubliant les grosses conséquences qui vont en découler tôt ou tard, dans la sous-région. Comment les dirigeants du Niger, du Mali, de la Mauritanie et de l’Algérie vont-ils procéder pour sécuriser efficacement les 8 millions de km2 (à risque) qu’ils par tagent et qui sont en train de se transformer en un paradis pour les trafiquants d’armes et de drogue, pour les recruteurs des jeunes en vue de les enrôler dans des organisations extrémistes et autres réseaux de djihadistes ? Preuve que cette région est devenue une véritable poudrière, le 12 juin dernier, l’armée nigérienne a intercepté une cargaison de 500 kilogrammes de simplex qui est un explosif très puissant. Des armes de gros calibres circulent en grand nombre. Des réseaux de combattants libyens, euxmêmes, ont détourné de nombreuses colonnes de voitures tout terrain pour les mettre en circulation dans cette région. AQMI que redoute (avec raison) Mahamadou Issoufou a réussi à étendre ses tentacules au Nigeria où il travaille main dans la main avec les groupes terroristes « Boco Haram » qui y sèment la terreur et la désolation. Il faut le dire et le redire : cette zone qui, déjà, connaissait les problèmes d’insécurité grandissante, n’avait pas besoin de la déstabilisation de la Libye. Désormais, la crise libyenne a amplifié les menaces qui tournaient autour de groupes terroristes mafieux. Les capacités d’AQMI s’en sont trouvées renforcées par la circulation d’armes dans la région et les connexions avec d’autres groupes mafieux. Les répercussions de cette crise sur la région sont d’ailleurs déjà palpables, certes à travers l’arrivée des armes en nombre important, mais surtout de véhicules tout terrain de type 4×4, et du retour d’individus armés impliqués dans la crise libyenne. La présence de ces personnes peut engendrer des problèmes d’ordre sécuritaire d’une grande gravité.
L’OTAN (Organisation du traité Atlantique Nord) ne doit pas limiter son action aux frappes sur le territoire libyen. Elle doit aussi s’occuper des conséquences que ses frappes occasionnent avec le retour massif des exilés et la prolifération des armes sur la bande sahélo-saharienne. Elle doit participer à la résolution de ce problème qu’elle a aidé à amplifier. C’est le cas de dire que la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis, doivent aider à remettre de l’ordre, dans cette partie du monde qu’ils ont activement contribué à déstabiliser. Dans leur volonté aveugle de chasser Kadhafi du pouvoir, ils ont oublié qu’ils provoquaient d’énormes dégâts dans toute la sous-région. Des dégâts collatéraux non quantifiables mais extrêmement préjudiciables au bon fonctionnement des pays concernés. Comme quoi, quand deux éléphants luttent, c’est l’herbe qu’ils piétinent qui subit les conséquences. Ce serait injuste que la France, la Grande Bretagne, les Etats-Unis, et l’OTAN, s’en tirent à si bon compte (après avoir installé un gouvernement à Tripoli). Ils s’organisent, actuellement, pour se repartir le colossal marché de la reconstruction des infrastructures qu’ils ont sciemment détruites, et à tirer les ressources pétrolières et gazières, sans aucun contrôle digne de ce nom, le nouveau gouvernement étant leur propre émanation. Dans ces conditions, à quoi peut servir le cri de détresse de Mahamadou Issoufou ?