SORTIR LE CONGO DE L’IMPASSE: « LA RECONSTRUCTION DU CONGO DOIT CONCERNER TOUT LE MONDE »

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Par Modeste Boukadia

Nutritionniste diplômé de l’Université Paul Sabatier de Toulouse en France, Modeste Boukadia estime que son pays allant mal, il est de son devoir de faire des propositions qiu puissent lui permettre de sortir de l' »impasse » actuelle. Ancien membre du FEDERCO (Front de défense de la démocratie en République congolaise) et plus tard, du MPC (Mouvement patriotique congolais), il avait pris part à la Conférnece nationale souveraine de février à juin 1991 en tant que membre de la Commission politique. Il n’est donc pas un nouveau venu en politique. Son parti, le CDRC (Cercle des démocrates et républicains du Congo) est reconnu comme tel depuis 1998.

Le Congo est une « Belle Dame » qui n’a pas eu d’amant amoureux pour l’apprécier à sa juste valeur. Et pourtant, le pays regorge de ressources humaines et d’immenses richesses naturelles qui auraient permis son décollage économique, social et culturel.

Comment le gouvernement congolais est-il arrivé à l’impasse alors qu’il avait les moyens d’engager les réformes nécessaires pour conduire le Congo vers un Etat de droit et de bonne gouvernance dans la mesure où Paris a été, jusque-là, bienveillant envers le régime de Brazzaville ?

Le Président Sassou N’Guesso a, simplement, oublié que la Conférence Nationale Souveraine qu’il avait accepté constituait un point de départ pour un changement. Le gouvernement de Brazzaville a échoué à cause de l’arrogance des personnalités et des entités constituant la coalition présidentielle ou majorité présidentielle, d’une part.

D’autre part, le PCT post-conférence nationale et ses alliés n’ont pas tiré les leçons de la mauvaise gestion antérieure. Après la Conférence Nationale Souveraine, le pays attendait du président Lissouba, qui venait d’être élu, la mise en chantier de la démocratie et du développement économique et social au Congo. Notamment, la création d’emplois pour les jeunes diplômés condamnés au chômage. Malheureusement et de manière maladroite, l’Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale (UPADS) et ses alliés se sont laissés abuser par les pièges tendus par le PCT pré-conférence nationale souveraine.

Enfin, une des autres causes majeure de l’échec, du régime actuel de Brazzaville, est d’avoir, volontairement ou inconsciemment, ignoré l’existence persistante des partis politiques à gros ventre régional (voire ethnique) et à petite tête nationale. Cette situation même qui avait engendré la bipolarisation, de la classe politique traditionnelle, créée par « la rupture de l’alliance de gouvernement » conclu entre l’UPADS, l’AND (Alliance Nationale pour la Démocratie) et le PCT (Parti Congolais du Travail) à l’issue du premier tour de la présidentielle de 1992.

Cette bipolarisation s’était accrue avec l’alliance entre le PCT et l’URD (Union pour la République et le Développement) qui, devenant groupe majoritaire de l’Assemblée nationale, avait renversé le premier gouvernement du Premier ministre Bongho-Nouarra qui, à peine nommé par le président Lissouba en Septembre 1992, n’a pas eu le temps de se mettre au travail. Cette instabilité s’était renforcée avec la dissolution de l’Assemblée nationale, le 17 novembre 1992, ce qui a conduit, le 6 décembre, de la même année, à la formation d’un gouvernement bancale composé à 60% par l’URD-PCT et 40% UPADS-AND. La suite est suffisamment connue pour qu’on y revienne.

C’est cette institution de la bipolarisation conflictuelle de la vie politique, que le régime de Brazzaville n’a pas réussi à résorber, qui est en grande partie responsable de l’échec du gouvernement congolais malgré les efforts déployés, ici et là, par le PCT pour récupérer, à la sauvette, quelques responsables politiques issus des alliances UPADS-AND ou URD-PCT ou encore de l’ERDDUN (Espace Républicain pour la Défense de la Démocratie et l’Unité Nationale). Après cette rétrospective, la question qui se pose est celle de savoir comment s’y prendre pour que le Congo renoue, à nouveau, avec la communauté internationale (France, USA, Union Européenne, FMI, Banque mondiale, Club de Paris, Club de Londres, Organisations internationales de Défense des droits de l’Homme, etc.) ? Autrement dit, quelles sont les voies et moyens qu’il faut déployer pour que le Congo bénéficie, de nouveau, de l’aide et du concours de la solidarité internationale dans sa politique de reconstruction nationale ? La reconstruction du Congo doit concerner tout le monde. C’est d’abord au chef de l’Etat que revient l’initiative d’une véritable ouverture politique envers des personnalités nouvelles pour permettre aux protagonistes politiques de transcender leurs réticences et leurs rancœurs et d’avoir pour unique préoccupation l’avenir du Congo dont les populations doivent retrouver une vie normale. C’est la condition essentielle pour favoriser le rétablissement des liens avec la communauté internationale.

En son temps, nous avions donné notre opinion sur la légitimité du nouveau pouvoir congolais, ainsi que sur la légalité de ses conditions d’installation. Aujourd’hui, il est important de dépasser certaines de nos réserves de l’époque. Il est fondamental de ne pas remettre en cause la fonction présidentielle. Car, l’attente des populations se situe ailleurs. Plongées dans le dénuement le plus total, elles espèrent, avant tout, voir satisfaits leurs besoins les plus élémentaires.

L’unique préoccupation du moment des hommes politiques doit être de sortir le Congo de l’impasse dans laquelle il s’enfonce de plus en plus chaque jour. Est-il nécessaire de souligner que tous les secteurs de l’économie et de la vie sociale sont au bord du gouffre ?

L’histoire nous enseigne que les divergences peuvent se résorber, par la bonne volonté des hommes, quand leur pays est en danger d’implosion.

Le président sud-africain Frederick de Klerc et le grand Homme Nelson Mandela ne se sont-ils pas retrouvés pour que l’Afrique du Sud reste unie et s’engage vers la modernité en tournant le dos à l’apartheid ? C’est aussi cela être un homme politique, voire un leader politique.

Aussi devient-il urgent que le Président Sassou N’Guesso, pour sortir le Congo des ornières, se mette au-dessus des intérêts partisans, en prenant un décret ou une ordonnance qui statue sur la modification de la Constitution en créant le poste de Premier ministre, chef de gouvernement. Dans cette perspective, le Président de la République est et reste le seul et unique garant de la concorde nationale, de l’unité du pays et de tous les Congolais. Quant au Premier ministre, il serait chargé de conduire la politique du gouvernement.

En agissant ainsi, non seulement le régime de Brazzaville s’affranchirait de toutes tractations, sans finalité aucune, avec le CNR-FADR (Conseil Nationale de la Résistance – Forces d’AutoDéfense de la Résistance) et de certaines relations nébuleuses avec les soi-disant « opposants » qui fustigent le régime en plein jour mais qui se laissent coopter la nuit tombée pour participer au partage des revenus pétroliers, sur lesquels la société civile et le FMI demandent une gestion transparente.

Tel est le challenge pour le Président de la République. C’est un pari à prendre quoi qu’il en coûte au Président car les avantages sont des plus nombreux. Tout serait remis à plat, y compris les alliances politiques croisées qui n’ont plus aucun intérêt pour le pays mais qui continuent d’entretenir le trouble dans les consciences des Congolais. Le concours de la communauté internationale sera plus effectif, car plus actif pour obliger les signataires à honorer, cette fois-ci, leurs engagements et leurs signatures. Aussi, le choix du futur Premier ministre sera le point le plus déterminant pour la réussite de ce projet car il permettra un changement de politique en douceur et sera, en même temps, un test pour savoir si oui le Président de la République veut une véritable ouverture politique pour aller de l’avant et imprimer ainsi un cachet particulier salvateur à son mandat ou au contraire être de plus en plus l’otage du PCT et de ses alliés avec le risque d’entraîner le Congo dans le chaos.

Avec la modification de la Constitution, le Président de la République ouvrirait le champ politique à d’autres forces politiques nouvelles, ce qui aurait pour effet immédiat la suppression de la bipolarisation de la vie politique. Cette suppression de la bipolarisation permettrait au Président de la République et au futur Premier ministre d’ouvrir une période transitoire. Période pendant laquelle le futur Premier ministre, en accord avec le Président de la République, engagerait, entre autres, des pourparlers pour préparer une « Table ronde » qui définirait les priorités économiques, relancer les investissements multiformes en vue de créer des emplois. La Table ronde aurait aussi à examiner les modalités et la nature des indemnisations des victimes de toutes les guerres civiles, l’insertion et la réinsertion sociale de tous les miliciens, la prise en charge médicale des femmes victimes de viols et de violence pendant les guerre, les conditions de création de partis politiques nationaux, la refondation et la réorganisation des Forces Armées Congolaises, la Charte de la Concorde nationale, etc.

Tels sont les objectifs que le Congo et les hommes politiques doivent atteindre s’ils veulent éviter le désastre imminent qui guette le pays. Mais, c’est toujours au Président Sassou N’Guesso que revient le mot de la fin. Soit, il prend résolument les mesures pour créer les conditions d’une sortie de crise ; soit, il tergiverse et, alors advienne que pourra; Dans cette dernière éventualité, il ne pourra pas être dit que des propositions n’auront pas été formulées à temps, pour permettre au Congo de prendre sa légitime place dans le concert des Nations. Mais, c’est le courage politique qui aura fait défaut. Espérons que nous n’en arriverons pas là.

Modeste BOUKADIA
Président du C.D.R.C.
Paris, le 25 novembre 2003
C.D.R.C. (Cercle des Démocrates et Républicains du Congo-Brazzaville). Parti
politique enregistré au Ministère congolais de l’Intérieur sous le
N°002/MISAT/CAB/DGAT/SAAB du 10 Mars 1998.

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