Le procureur général de Conakry, Alphonse Charles Wright, a annoncé, mercredi, 4 mai, des poursuites contre l’ex-président, Alpha Condé, et une trentaine d’anciens hauts responsables sous sa présidence, notamment, pour assassinats, actes de torture et enlèvements. Alpha Condé a-t-il tué ou couvert des assassinats ? On le saura après cette enquête qui ne fait que commencer d’autant que pendant sa présidence, l’ancien président qui se disait « professeur » des universités (en France) était tellement auréolé de son manteau d’ancien opposant (de bord de Seine) aux différents régimes guinéens dictatoriaux successifs qu’il était intouchable sur des questions ayant trait à la démocratie et aux droits de l’homme. Et pourtant !
Parmi les personnalités visées par les poursuites figurent un ancien président de la Cour constitutionnelle, d’anciens présidents de l’assemblée nationale, un ancien premier ministre et une foule d’anciens ministres, députés et responsables des services de sécurité. Il s’agit d’une liste non exhaustive qui semble être élastique.
Le magistrat a donné « instructions aux fins de poursuite judiciaire par voie de dénonciation » contre l’ex-président, Alpha Condé, renversé par les militaires en septembre 2021, pour cause de 3e mandat non constitutionnel, et 26 autres personnalités pour « meurtre, assassinat et complicité », disparitions forcées, détentions, enlèvements, acte de torture, coups et blessures volontaires, viols et agressions sexuelles ou encore actes de pillage (sur notre photo Alpha Condé le 22 mars 2019 à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia pour recevoir le titre de docteur honoris causa).
Au vu des réquisitions du procureur général, les investigations paraissent viser essentiellement les deux dernières années de la présidence Condé dont son coup d’état constitutionnel : en tant que président de la République, Alpha Condé avait foncièrement violé la constitution dont il était le garant, en se présentant à un troisième mandat dont il n’avait pas droit.
En effet, le magistrat a précisé que les poursuites étaient lancées à la suite d’une plainte du Front national de défense de la constitution (FNDC), un collectif qui a mené pendant des mois à partir d’octobre 2019 la contestation contre un troisième mandat d’Alpha Condé.
La répression de ces protestations a fait des dizaines de morts, quasiment, tous civils. Cette mobilisation n’avait pas empêché Alpha Condé, devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des décennies de régimes autoritaires ou dictatoriaux, d’être réélu en octobre 2020 après avoir fait modifier la constitution en début d’année, à ses propres fins.
Le FNDC n’a cessé depuis de réclamer justice. La plainte déposée en janvier en son nom par un cabinet français d’avocats désignait le président comme principal responsable des violences.
Alpha Condé, 84 ans aujourd’hui, a été renversé le 5 septembre lors d’un putsch conduit par le colonel, Mamady Doumbouya, à la tête de ses forces spéciales. Gardé prisonnier par les militaires après le putsch, il avait été autorisé en janvier à se rendre mi-janvier aux Emirats arabes unis pour être soigné parce que pendant ses dix ans passés au pouvoir, il n’avait pas construit une infrastructure hospitalière digne de ce nom capable de le soigner en Guinée. Il est rentré en Guinée depuis. Le nouveau pouvoir assure qu’il est libre de ses mouvements.
Depuis le coup d’état de septembre 2021, le colonel s’est fait introniser président. Il s’est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus après avoir nettoyé les écuries d’Augias, et a assuré en prenant le pouvoir qu’il n’y aurait pas de « chasse aux sorcières », mais que la justice serait la « boussole » du pays. Il suit, jusqu’à ce jour, rigoureusement, son plan de route.