AFRIQUE CENTRALE : Les portes d’entrée du djihadisme qatari

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Comme en Afrique du Nord, hier, le Qatar est à la manœuvre, cette fois, en Afrique centrale. Après avoir pris, position, dans cette partie du continent, en finançant les Frères musulmans en Egypte, en Tunisie, et les extrémistes d’Al-Qaïda et d’Aqmi en Libye, le Qatar a poursuivi sa croisade fondamentaliste, en Afrique de l’Ouest. Sans rencontrer de résistance, ses protégés du Mujao, du MNLA, d’Ansar Dine et d’Aqmi, ont réussi, en un temps trois mouvements, à envahir tout le Nord du Mali, en 2012, et à exercer leur contrôle sur une partie du Nord du Niger et sur le Nord du Nigeria à travers le Mouvement Boko Haram, qui a fait allégeance à Aqmi, depuis l’année dernière. L’Afrique centrale n’est pas épargnée par ces conquérants d’un genre nouveau. Au contraire, des contacts avancés ont, déjà, été noués avec certains dirigeants de la sous-région. Le président du Gabon, Ali Bongo Ondimba, entre autres, est celui par qui cette pénétration devrait être facilitée. Il est prêt à aider la sous-région à s’islamiser. Lui-même a, déjà, changé de look. A le voir, on dirait un Qatari à la peau noire. Est-il (seulement) conscient du risque qu’il fait courir à toute une sous-région, déjà, ébranlée par le phénomène séléka et anti-balaka, en Centrafrique, sans même parler de Boko Haram qui fait la pluie et le beau temps, au Nord-Nigeria, grâce aux pétrodollars de l’Arabie Saoudite, grand rival du Qatar dans le financement des mouvements djihadistes internationaux ? Il est temps qu’on dise, stop, au président gabonais ou à tout autre qui s’aventurerait dans cette voie, au risque de conduire, toute la sous-région de l’Afrique centrale, dans la catastrophe.

La progression des mouvements djihadistes est fulgurante, en Afrique. Elle est même inquiétante. L’armée nigériane, qui dit mener une guerre sans merci, à Boko Haram, depuis mai 2013, rencontre de graves difficultés, pour y venir à bout. D’où le Sommet de Paris convoqué, samedi 17 mai, par le Français, François Hollande, pour permettre au Nigérian, Goodluck Jonathan, au Camerounais, Paul Biya, au Nigérien, Mahamadou Issoufou, et au Béninois, Boni Yayi, de mettre en œuvre, une stratégie devant mettre hors d’état de nuire, ce mouvement terroriste. Comme si le Nord du Nigeria ne lui était pas acquis, Boko Haram recrute, déjà, à la frontière camerounaise, avec pour objectif, de s’implanter, durablement, dans le Nord du Cameroun où ses multiples prises d’otages dont la libération, généralement, négociée à coup de milliards de F CFA, par les autorités de Yaoundé, lui permet, en partie, de se ravitailler en armes. En partie, seulement, parce que Boko Haram serait, lourdement, financé par l’Arabie Saoudite (Lire « Nigeria : page 18), et ses démembrements.

L’armée camerounaise venait de démanteler un circuit de trafic d’armes, qui prenait sa source dans les entrepôts militaires de N’Djamena, avec pour destination finale, le Nord-Nigeria. Parfois, le mouvement djihadiste les cachait au Cameroun, même, où il bénéficie, aussi, de plusieurs complicités. Mais venu sur le tard, dans le financement du fondamentalisme religieux contester la suprématie de l’Arabie Saoudite, le Qatar affiche de grosses ambitions.

Petit émirat de 11.437 km² (dont 160 kilomètres de longueur), le Qatar, peuplé de quelques 200.000 habitants, a les moyens de ses ambitions. Troisième producteur de gaz naturel après l’Iran et la Russie, il est le premier producteur mondial de gaz naturel liquéfié. Ses ventes d’hydrocarbures lui rapportent plus de 100 milliards de dollars, chaque année, ce qui lui permet de financer des rébellions et des mouvements fondamentalistes de par le monde, défiant, au passage, l’Arabie Saoudite dont c’est le domaine de prédilection.

Pour étendre ses tentacules en Afrique centrale, après l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, le Qatar dispose de plusieurs car tes en main. Il peut passer par le Tchad : Doha, personne ne l’oublie, donne le gîte et le couvert à certains opposants au pouvoir d’Idriss Déby. C’est, notamment, le cas de Timan Erdimi, qui avait failli le faire tomber, avec le général Mahamat Nourri, un proche d’Hissène Habré, le 3 février 2008, s’il n’y avait pas eu l’intervention de l’armée française, au dernier moment, pour sauver son régime.

Le Centrafrique constitue, aussi, une importante porte d’entrée, pour le djihadisme. Le Qatar avait été, l’année dernière, à deux doigts de s’installer, en Centrafrique. Le président de transition, de l’époque, Michel Djotodia, avait, simplement, choisi de ne pas heurter la susceptibilité de ses partenaires français, alors que la coalition séléka, en grande majorité musulmane, n’avait pas bonne presse. Michel Djotodia s’était mis sous la protection du président tchadien, Idriss Déby Itno, qui, au final, n’a pas eu le courage de le soutenir jusqu’au bout.

Cela dit, on n’en parle pas assez : le Qatar vient d’acquérir 15% du capital de Total Congo. Le président, Denis Sassou Nguesso, qui a supervisé, en personne, cette transaction, à Doha, en septembre 2013, lui a déroulé le tapis rouge, à Brazzaville, une ville, majoritairement, peuplée de chrétiens et d’animistes. L’émirat du Golfe persique va y construire la plus grande mosquée de l’Afrique centrale, à Bakongo. De quoi rendre jaloux les millions de musulmans de Yaoundé, de Douala, de Garoua ou de N’Djamena. A côté de ce joyau dont les annexes seront des « écoles coraniques », un « dispensaire musulman », un « centre social musulman » pour accorder des aides aux jeunes Congolais désœuvrés et détenteurs de projets, et une antenne du « Croissant vert », la Mosquée Hassan II de Libreville, la plus grande de l’Afrique centrale, pour le moment, passera pour une vulgaire bâtisse d’un autre temps. Coût de la réalisation des Qatari : plusieurs dizaines de milliards de F CFA. Conclusion : sous nos yeux, et sans forcer le trait, le salafisme arrive à grands pas, à Brazzaville. Par le canal de la diplomatie classique. Sans tirer un coup de feu. Sassou Nguesso, lors de cette visite officielle, à Doha, en septembre 2013, avait même souhaité l’installation de la chaîne de télévision qatari, Al-Jazeera, au Congo. En attendant le feu vert de l’émir, une chaîne de télévision musulmane va bientôt s’implanter, à Pointe-Noire. Avec le soutien des Qatari.

Al-Jazeera avait fait de la désinformation, en Afrique du Nord, en 2011, pour appuyer le « Printemps arabe » qui était, financièrement et médiatiquement, appuyé par Doha et, politiquement, soutenu par Washington. Les proches de Kadhafi en savent quelque chose. Hosni Moubarak, aussi, ce qui a poussé Abdel Fattah al-Sissi, après la destitution, pour haute trahison, du président, Mohamed Morsi, proche des Frères musulmans financés par le Qatar, à la mettre sous haute surveillance. Sans oublier, également, Ben Ali. Seul le Syrien, Bachar al Assad, a su résister, avec l’aide, entre autres, de sa propre chaîne publique de télévision, ainsi que, de la chaîne privée, Al-Raï, qui diffusait les messages de Kadhafi au moment où il croulait sous les bombes de l’OTAN. Le frère guide avait, alors, regretté pourquoi, malgré ses milliards de dollars, il avait traîné les pieds pour créer, sa propre chaîne internationale de télévision, qui aurait pu l’aider.

Cela dit, le Gabon est le pays par lequel le Qatar semble avoir jeté son dévolu. C’est en septembre 2011 qu’une délégation de haut niveau de ce pays s’était rendue à Libreville. Objectif : promouvoir le partenariat et ouvrir la voie de l’émergence gabonaise à ce pays. Pas grand-chose n’a été publiquement conclu, à ce jour, mais que de voyages d’Ali Bongo Ondimba au Qatar !

Après le séjour de cette délégation qatari, le président du Gabon s’était rendu, notamment, en décembre 2012, au Qatar. Un séjour qui avait duré une bonne quinzaine de jours, pendant lesquels, il avait pu rencontrer, plusieurs fois, l’émir. Un séjour de travail, anormalement, long pour un chef d’Etat…

Il avait pu, ainsi, participer au Forum international sur le sport, à Doha, organisé par ASPIRE (Académie royale des sports du Qatar). C’est, toujours, pendant ce long séjour qatari qu’il a pris part à la 18e session de la Conférence des parties à la convention-cadre des Nations- Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Au Gabon où on s’était demandé à combien cette villégiature a coûté au contribuable, on attend, encore, les retombées.

Au terme de ses deux semaines de présence, à Doha, le président gabonais s’était rendu, directement, à Malabo, pour assister, le 13 décembre 2012, au 7e Sommet des chefs d’Etat ACP. Par la suite, il demandera, en tant que président en exercice de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), la création d’un Comité inter-Etats pour réfléchir aux moyens d’attirer des capitaux, vers cette zone de développement. En réalité, l’idée d’attirer les capitaux étrangers dans la sous-région de l’Afrique centrale, est, sans conteste, celle de l’émir de Doha, qui marque, ainsi, au grand jour, son intérêt, pour le Golfe de Guinée, bourré d’hydrocarbures (pétrole et gaz) comme il en raffole. Comme il a tenté de le faire, dans le Sahel, avant d’échouer (pour le moment), l’émir voudrait lancer une OPA (Offre publique d’achat) en Afrique centrale où, malheureusement, pour lui, les musulmans, ne sont que très minoritaires.

L’islamisation des masses, croit-on savoir, viendra dans un second temps, après qu’il aura, déjà, commencé à inonder, la zone, de ses gazodollars, à travers, des structures comme le Qatar Holding et le Fonds d’investissement qatari, entre autres. Le Gabon, dans cette offensive qatari qui s’annonce, entend être la porte d’entrée de l’émirat. Chef de la petite communauté islamique du Gabon, Ali Bongo Ondimba a promis, à l’émir, que le moment venu, il pourrait compter, sur lui, pour susciter l’engouement des jeunes pour la religion de Mahomet.

Complètement emballé par cette relation, le président gabonais a même, du jour au lendemain, changé ses tenues vestimentaires.

Pendant les Sommets de la sous-région, il n’hésite plus à troquer son traditionnel costume cravate contre un kéfi et une djellaba (pas marocaine) mais qatari. Ainsi, de la tête aux pieds chaussés de babouches made in Doha, il s’habille, maintenant, au propre comme au figuré, en qatari, sans se soucier des qu’en dira-t-on. On dirait un Qatari d’adoption.

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