Ce scandale est un véritable boulet que Jacob Zuma traîne depuis décembre 2007. Alors qu’il était chef du Congrès national africain (ANC), le parti au pouvoir, il avait été inculpé de 783 charges de corruption, fraude fiscale et racket pour la signature d’un contrat d’armement de 4,8 milliards de dollars conclu en 1999.
Mais, en 2009, quelques semaines, seulement, avant l’élection de M. Zuma à la présidence de l’Afrique du Sud, le parquet avait décidé de retirer ces poursuites, pour vice de forme.
Fin avril dernier, après une longue bataille judiciaire menée par l’opposition, la justice sud-africaine avait déclaré « irrationnel » l’abandon de ces charges, rouvrant la porte à leur rétablissement.
Le parquet et le président avaient décidé de faire appel mais ils ont, finalement, été déboutés, vendredi, 24 juin. Résultat, Zuma doit, donc, comparaître pour répondre de ses actes de corruption.
« La demande d’appel est rejetée. Nous avons réétudié notre jugement et nous avons conclu que l’appel n’avait pas de chance raisonnable d’aboutir », a indiqué, vendredi, le juge, Aubrey Ledwaba, de la Haute Cour de Pretoria.
L’Alliance démocratique (DA), principal parti d’opposition, n’a pas tardé à réagir à ce nouveau rebondissement. « Les poursuites contre le président Zuma doivent reprendre et il doit comparaître devant un tribunal », a, immédiatement, demandé le parti dans un communiqué.
Ni la présidence ni le parquet n’ont dans l’immédiat réagi. C’est l’embarras total et au sein de l’ANC, on serait, déjà, en train de concocter un Plan B sans Zuma car il risque de ne pas terminer, en 2019, son mandat à la tête de l’Afrique du Sud.
Les 783 chefs d’inculpation de corruption sont liés à une énorme commande d’armement public de 4,8 milliards de dollars (4,3 milliards d’euros) conclue à la fin des années 90 par le gouvernement sud-africain avec plusieurs entreprises, dont le Français, Thomson-CSF (devenu Thales), le Suédois, Saab, et le Britannique, BAE Systems.
Jacob Zuma était accusé d’avoir accepté des pots-de-vin de la part de fabricants d’armes internationaux, avant que les charges ne soient abandonnées in extremis.
Cette menace de poursuites intervient au moment où le président Zuma est, déjà, embourbé dans plusieurs scandales et à quelques semaines, seulement, d’élections municipales, qui s’annoncent serrées dans plusieurs grandes villes.
Selon de récents sondages menés par Ipsos South Africa, l’ANC pourrait perdre, le 3 août, la capitale, Pretoria, ainsi que, les villes de Johannesburg et Port Elizabeth (Sud-Est), au profit de la DA. Ce serait un coup de tonnerre qui sonnerait le glas du désormais chancelant pouvoir de Zuma.
« C’est évidemment un coup dur pour Jacob Zuma en vue des municipales, car cela va donner de nouvelles cartouches à l’opposition qui entrevoyait déjà une percée », estime l’analyste politique indépendant, Daniel Silke.
Ces derniers mois, l’opposition, mais aussi, quelques vétérans au sein de l’ANC avaient demandé la démission de Jacob Zuma, reconnu coupable, en mars, d’avoir violé la Constitution en utilisant 20 millions d’euros d’argent public pour rénover sa résidence privée.
La pression devrait, donc, s’accentuer sur le président sud-africain qui, pour l’heure, fait front et bénéficie, officiellement, toujours, du soutien de son parti.
Mais, selon des analystes, cela pourrait changer si Jacob Zuma, dont le second mandat expire en 2019, était, effectivement, poursuivi par la justice.
« L’image du président a récemment été ternie et cette décision ne peut pas arriver à un pire moment pour lui. Le parti ne pourra pas garder un président poursuivi pour corruption », confirme Mcebisi Ndletyana, professeur de sciences politiques à l’Université de Johannesburg.
Pour Daniel Silke, la décision de vendredi confirme « l’indépendance » du système judiciaire sud-africain. « Mais la question maintenant concerne le rôle du parquet. Va t-il protéger ou non Jacob Zuma? », s’interroge-t-il.
« Toute tentative de contester (cette décision de justice) serait un gâchis spectaculaire d’argent public », prévient la DA.
La saga judiciaire pourrait, néanmoins, continuer si le parquet ou le président décide de saisir la plus haute juridiction du pays, la Cour Constitutionnelle, pour contester le jugement de la Haute cour de Pretoria.
Mais, nul doute que ce serait une fâcheuse manœuvre qui ternirait encore plus l’image de Jacob Zuma dont la saleté est inversement proportionnelle à l’image qu’on se faisait de ce successeur, à la tête de l’Etat, de Nelson Mandela, l’Homme Juste !