Très attendu, ce document doit résumer l’enquête menée par la médiatrice de la République, Thuli Madonsela, sur la famille Gupta, une puissante fratrie d’hommes d’affaires d’origine indienne soupçonnée d’influencer les décisions du chef de l’Etat.
Il devait être publié, ce vendredi, 14 octobre, au dernier jour du mandat de sept ans de Mme Madonsela, dont la détermination à lutter contre la corruption au sommet de l’Etat en a fait la bête noire de M. Zuma.
Le porte-parole de la présidence, Bongani Ngqulunga, a indiqué qu’un recours avait été déposé devant la justice pour en interdire la publication.
Selon le porte-parole de la médiatrice, cette requête devrait être examiné, mardi, par un tribunal. « Nous n’avons pas décidé de la façon de la traiter », a affirmé Oupa Segwale, entretenant le doute sur la publication ou pas du rapport vendredi.
Les allégations sur le rôle des Gupta empoisonnent le chef de l’Etat depuis des mois.
La sulfureuse famille, dont l’empire s’étend du secteur minier aux médias en passant par l’immobilier et l’ingénierie, est accusée d’avoir imposé au président la nomination de ministres ou de dirigeants d’entreprises publiques.
Jacob Zuma a reconnu être proche d’eux, mais, a assuré avoir été le seul à décider de l’attribution des portefeuilles ministériels.
Sa décision de tout faire pour retarder la publication de l’enquête de la médiatrice traduit son inquiétude, ont relevé les analystes.
« On peut penser que le président Zuma a conclu que ce rapport ne lui serait pas très favorable et qu’il contiendrait des éléments explosifs (…) contre lui. Il veut gagner du temps », estime Richard Calland, professeur à l’université du Cap (Sud).
« Cela suggère qu’il doit être au courant de la présence de preuves accablantes contre lui », a insisté Ralph Mathegka, analyste indépendant. « Il veut essayer d’enterrer le rapport avant même qu’il voit le jour ».
Cette semaine, la famille Gupta et le président ont été interrogés par Mme Madonsela.
« Tout rapport publié ne peut être de bonne foi et n’est qu’une tentative de publicité pour l’opinion de Mme Madonsela », a fait savoir, la famille, dans un communiqué.
De son côté, le président, qui avait refusé d’évoquer le fond de l’affaire lors de son interrogatoire, par la médiatrice, la semaine dernière, a demandé à être confronté aux autres témoins de l’affaire avant de lui répondre.
Le chef de l’Etat garde un cuisant souvenir de ses rapports.
En 2014, elle l’avait accusé d’avoir « indûment bénéficié » de l’argent public pour financer des travaux de rénovation de sa résidence privée, dont le total s’élevait à 216 millions de rands (environ 20 millions d’euros de l’époque).
Après une longue bataille juridique, le chef de l’Etat a fini par rembourser en septembre 7,8 millions de rands (480.000 euros).
Sept ans après son arrivée au pouvoir, Jacob Zuma traverse une passe difficile, marquée par plusieurs scandales de corruption, qui suscitent des critiques au sein même de son Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis la fin de l’apartheid en 1994.
Ses fidèles partisans s’y opposent, ouvertement, à une aile « réformiste », incarnée par le ministre des Finances, Pravin Gordhan.
Ce dernier, nommé, en décembre 2015, a fait de la bonne gestion de l’argent du contribuable et, particulièrement, des entreprises publiques une de ses priorités.
Hasard du calendrier ou conséquence de ces tensions, M. Gordhan a été convoqué par la justice, le 2 novembre, pour des accusations de fraude, que le ministre a qualifié de « harcèlement » politique.
Les tensions autour du rapport de Thuli Madonsela interviennent alors qu’elle doit être remplacée à son poste, ce samedi, 15 octobre, par Busisiwe Mkhwebane, une avocate en poste au ministère de la sécurité de l’Etat.
Elle a laissé entendre que la corruption à la tête de l’Etat ne serait pas sa priorité, suscitant l’inquiétude de l’opposition.
Le deuxième et ultime mandat de Jacob Zuma expire en 2019.
Avec AFP