Le ministre sud-africain de la Culture, Nathi Mthetwa, a annoncé, mercredi, 24 février, le changement de nom de la ville de Port Elizabeth qui devient Gqeberha, un nom xhosa, la langue du peuple du même nom. Les autorités veulent, ainsi, prendre leurs distances avec l’héritage colonial. Plusieurs pays ont effacé des noms coloniaux accolés à leurs villes. Au Zimbabwe, par exemple, Salisbury (nom de l’ancien premier ministre britannique) a changé de nom pour devenir Harare grâce à la volonté anti-coloniale du défunt Camarade Bob. Dans l’ex-Zaire, Mobutu Sese Seko qui n’était pas encore maréchal avait remplacé Léopoldville par Kinshasa. Au Tchad, Fort-Lamy s’appelle désormais N’Djamena. Un peu plus au Sud, Kousséri a remplacé Fort-Foureau dans l’extrême-nord du Cameroun. Toujours au Cameroun, la cité balnéaire et capitale du Sud-Ouest, Limbe, s’appelait autrefois Victoria, en souvenir aux « bienfaits » coloniaux de Sa Majesté la reine d’Angleterre. Beaucoup d’autres exemples de noms de villes décolonisées existent en Afrique tout comme on compte, encore, des pays, totalement, hermétiquement, fermés à ce changement. Quelques exemples qui sautent à l’esprit : Libreville et Franceville au Gabon attendent de porter les noms, authentiquement, gabonais, ce qui ne serait que très bienvenu pour la capitale qui abrite le CICIBA (Centre international des civilisations bantou). Il y a, aussi et surtout, Brazzaville où un haut lieu de la culture, l’un des plus importants en Afrique centrale, porte, fatalement, le nom de l’un des colonisateurs les plus barbares et sanguinaire de l’histoire africaine : Savorgnan de Brazza. Tôt ou tard, il faudra vite, très vite, effacer cette humiliation en trouvant un nom digne de l’histoire du Congo-Brazzaville à ce mémorial.
Bienvenue à Gqeberha : si ce nom peut vous sembler imprononçable, rassurez-vous, il l’est aussi pour de nombreux Sud-Africains. Après deux ans d’âpres négociations, le ministre de la Culture, Nathi Mthethwa, a officialisé, mercredi 24 février, le changement de nom de Port Elizabeth, ainsi que, de l’aéroport et d’une dizaine d’autres villes du pays.
« Ce changement de nom fait partie d’un programme gouvernemental destiné à transformer des éléments visibles de notre héritage culturel. Les noms de lieux doivent refléter l’identité et l’héritage du peuple sud-africain », a expliqué Nathi Mthethwa.
La ville de 300 000 habitants porte, désormais, un nom xhosa, l’une des onze langues officielles de l’Afrique du Sud, parlée par huit millions d’habitants. Parmi les personnalités célèbres d’origine xhosa, on peut citer Nelson Mandela, l’archevêque, Desmond Tutu, ou encore la chanteuse, Miriam Makeba.
« Ce pays a besoin de construire une histoire qui cesse de glorifier un passé d’oppression. Il faut changer autant de noms que possible pour que la majorité noire se sente enfin incluse », se réjouit une habitante de la désormais Gqeberha.
Depuis la fin de l’apartheid et l’élection de Nelson Mandela, en 1994, de nombreuses provinces, rues et villes ont été renommées avec pour objectif de placer les communautés noires au cœur de l’histoire du pays.
Le changement de nom de Port Elizabeth s’inscrit dans ce processus de décolonisation des mémoires et de l’espace public. Fondée en 1820 pendant la colonisation britannique, la ville avait été baptisée en hommage à la défunte épouse du gouverneur de l’époque, Rufane Donkin, qui s’appelait Elizabeth.
Quant à l’aéroport de la ville, son nom a été changé pour devenir le « Chief Dawis Stuurman international Airport », du nom d’un activiste du XIXe siècle qui a combattu les administrations néerlandaise et britannique.
Le gouvernement a assuré que d’autres villes majeures pourraient bientôt suivre cet exemple comme Cape Town, Durban, Brandfort ou encore East London.
Ci-dessous, le mémorial Savorgnan de Brazza en plein coeur de Brazzaville : le Congo vénère un colon, un véritable scandale.
Jusqu’à présent, ces changements de nom concernaient des métropoles urbaines. C’est ainsi que Pretoria, la capitale, tout en conservant son nom d’origine, appartient depuis une dizaine d’années à la métropole de Tshwane.
En 2017, un débat avait également agité l’opinion publique pour en finir avec l’appellation « Afrique du Sud », héritée des colons anglais. Selon Nathi Mthethwa, également, ministre de la Culture à l’époque, le pays aurait dû changer de nom après son indépendance en 1961, comme l’ont fait de nombreux pays africains. Plus récemment, en 2018, pour les 50 ans de son indépendance, le Swaziland a été rebaptisé Eswatini, son nom de l’époque précoloniale.