L’année 2025 commence dans l’incertitude générale, surtout, sur le plan économique et financier, en Afrique centrale. En 2024, les pays de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) ont frôlé la dévaluation du F CFA-BEAC (Banque des Etats de l’Afrique centrale). Celle-ci a été évitée de justesse grâce à l’entregent du président camerounais, Paul Biya, qui, après plusieurs échanges et concertations avec ses homologues de la CEMAC, les partenaires bilatéraux et multilatéraux, notamment, le FMI, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, et la France, a convoqué un Sommet extraordinaire de la CEMAC, à Yaoundé, le 16 décembre, pour prendre les mesures adéquates, qui ont permis de repousser la solution de la dépréciation monétaire. Celle-ci aurait pu être fatale pour les six pays sans exception. 2025 sera, donc, une année très difficile à traverser car des efforts supplémentaires seront, sans cesse, demandés aux populations de la CEMAC.
Cela dit, il y a aussi des raisons de satisfaction. Après avoir, longtemps, résisté, la France a compris que les bases militaires qu’elle maintient en Afrique et dont les Africains ne veulent plus, doivent, tout simplement, être fermées. Elles sont en train de baisser pavillon une après l’autre, dans la bonne entente et sans énervement apparent de part et d’autre.
Reste maintenant l’épineux problème du F CFA. Monnaie française gérée par le trésor français et mise à la disposition des pays africains membres de la BEAC et de la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), elle reste le point de crispation dont le démantèlement permettra d’asseoir la souveraineté totale des Etats africains sur leurs économies (du moins j’ai la faiblesse et la naïveté de le penser) car celles-ci ne seraient plus, autoritairement, sous-couvert de l’économie française, elle-même, en très piteux état, actuellement.
Au moins, deux solutions peuvent être envisagées, toujours, dans la même entente que les deux parties viennent de faire preuve avec la suppression des bases militaires françaises.
Première solution : les pays membres de la BEAC et de la BCEAO quittent, totalement, la zone franc et créent leur propre monnaie commune.
Deuxième solution : les pays membres de la BEAC et de la BCEAO gardent le F CFA mais gèrent tout seuls, la « nouvelle » monnaie débarrassée de l’encombrante tutelle de la France. Cela veut dire qu’il n’y aurait plus aucun représentant français dans les conseils d’administration de la BEAC et de la BCEAO comme c’est le cas actuellement. D’autre part, l’impression de la monnaie F CFA ne se ferait plus à Chamalières, en France, mais, serait rapatriée à Yaoundé et à Dakar, qui abritent, les sièges de la BEAC et de la BCEAO. Autrement dit, les 14 pays nationaliseraient, complètement, le processus de décision et de fabrication de cette monnaie qui serait, désormais, non plus, liée à la seule monnaie euro, mais à un panier de monnaies (euro, dollar, yen, yuan, rouble, etc.). La politique monétaire, qui en découlerait, serait l’oeuvre en toute indépendance de la BEAC et de la BCEAO et non plus concertée comme actuellement avec Bercy.
Les 14 pays africains membres devraient, rapidement, se pencher sur cette question en leur rappelant que dans le domaine de la monnaie, ils devront avancer ensemble et de façon concertée pour un meilleur succès d’une telle opération.
Le cours des événements politiques échappe, désormais, au maître des horloges (Emmanuel Macron). Il ne maîtrise plus son propre destin et ignore de quoi demain sera fait. Il n’est pas exclu qu’il quitte le pouvoir (comme le souhaitent 2/3 des Français) bien avant terme. Peut-être même en 2025. Ma recommandation est donc qu’il donne un dernier coup de pied à la fourmilière (comme il le fait actuellement pour les bases militaires) en annonçant le retrait (sans condition) de la France de la gestion du F CFA et en recommandant aux 14 pays africains de prendre leurs responsabilités sur le plan de la monnaie, tout en restant à leur disposition, uniquement, comme conseil. Il améliorerait son image en Afrique où il est vomi plus que Nicolas Sarkozy ne l’était, pendant son mandat de cinq ans.
Voilà mes vœux pour 2025 en Afrique francophone. Que cette nouvelle année soit d’une créativité sans limite pour cette partie du continent, et que la lumière et l’amour en nous brillent de toutes flammes.
Professeur Paul TEDGA
est docteur de l’Université de Paris 9 Dauphine (1988)
Auteur de sept ouvrages
Fondateur en France de la revue Afrique Education (1993).