La coopération russo-africaine est sur le point de franchir un nouveau cap avec l’annonce faite par Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, de la mise en place prochaine d’un système de règlement des transactions commerciales entre l’Afrique et la Russie en devises africaines et en rouble.
Cette déclaration confirme la détermination du Kremlin de réduire l’usage du dollar américain (dé-dollarisation) et celui de l’euro (dé-euroisation) comme moyens de paiement dans ses échanges bilatéraux.
Etant parvenue à convaincre ses principaux partenaires, l’Inde et la Chine, d’adopter cette mesure depuis quelques années, la Russie espère bien se faire entendre par tout le continent africain, dont elle s’est considérablement rapprochée au cours des derniers mois, en partie en raison du contexte géopolitique mondial tendu.
Actuellement, seuls le rand sud-africain et le pound égyptien sont convertibles en rouble, ce qui signifie que les opérations bilatérales en matière de commerce extérieur de la Russie et l’Afrique du Sud peuvent se régler en rand ou en rouble, tout comme celles entre Moscou et Le Caire sont payables en pound égyptien ou en rouble (sur notre photo, on voit une entente parfaite entre Poutine et Sissi sur fond de ventes d’armes).
Bien que la quasi-totalité des autres devises du continent africain soient rattachées au dollar américain ou à l’euro, Moscou voudrait que le rouble soit, également, convertible au même titre que ces dernières.
Partant donc du fait que les monnaies des pays de la Zone Cemac, ainsi que, celles de la Zone Uemoa sont, chacune, arrimées à l’euro, du fait de leur alignement initial au Franc français de l’époque, et qu’elles sont garanties par le Trésor français, la Russie estime disposer d’une marge de manœuvre suffisante pour établir une parité avec sa propre monnaie. Le même procédé s’appliquerait, aussi, aux devises du Nigéria, de l’Algérie, du Maroc, et de l’Ethiopie. L’Algérie a demandé son adhésion aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Si cette demande d’adhésion était acceptée comme cela va sans doute être le cas, la convertibilité de la monnaie algérienne avec le rouble deviendrait automatique. Sans autre forme de procès.
Cela dit, mettre en place un tel mécanisme de règlement ne fera pas du jour au lendemain, compte tenu des exigences en matière de stabilité de taux de change pour le bon fonctionnement du commerce international. Nul doute, cependant, que le Kremlin saura faire preuve de patience, lui qui cherche par tous les moyens à atténuer l’impact des sanctions de l’Occident sur son économie.
Paul Patrick Tédga
Msc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC).