Chef historique du Front islamique du Salut (FIS), parti islamiste algérien qu’il avait cofondé avec l’objectif d’instaurer le premier Etat islamique du Maghreb, Abassi Madani est décédé, mercredi, 24 avril, à 88 ans, au Qatar, où il vivait, en exil, depuis 2003.
« Il est mort dans un hôpital de Doha après une longue maladie », a déclaré son ancien bras droit, Ali Belhadj, avec qui Abassi Madani avait, notamment, cofondé le FIS en 1989. « On savait qu’il était malade mais c’est un choc », a poursuivi M. Belhadj indiquant avoir été informé par la famille de M. Madani.
M. Madani avait appelé à la lutte armée après l’interruption, en 1992, par l’armée, du processus électoral, face à la victoire annoncée du FIS aux premières législatives multipartites du pays, qui allaient plonger l’Algérie dans une décennie de guerre civile, dont le bilan officiel est de 200.000 morts.
Ancien chef de l’Armée islamique du Salut (AIS), bras armé du FIS, Madani Mezrag a confirmé le décès de Madani, indiquant avoir lui aussi été informé par la famille du défunt.
Selon l’agence de presse officielle, Algérie Presse Service (APS), qui annonce, également, son décès, Madani souffrait d’un ulcère à l’estomac et d’hypertension artérielle, ce qui lui avait valu d’être hospitalisé, depuis plusieurs jours, au Qatar.
Madani « voulait être enterré en Algérie. Mais j’ignore si cela va être possible », a précisé, de son côté, M. Belhadj, indiquant que cela dépendrait des autorités algériennes. « Il laisse un grand vide. Il était comme un père. Il a été un compagnon de lutte », a-t-il commenté.
Mais, pour de nombreux Algériens, les noms d’Abassi Madani et du FIS resteront, tragiquement, associés à la « décennie noire » de terribles violences dans laquelle l’Algérie a plongé après l’interruption du processus électoral et la dissolution de ce parti.
Ce conflit opposant les forces algériennes de sécurité à des groupes islamistes armés fera de très nombreuses victimes civiles, dans des attentats ou des massacres à grande échelle imputés aux maquis islamistes.
Emprisonné en juin 1991, Madani avait, pour la première fois, appelé à la fin des violences en Algérie, en juin 1999, alors que l’AIS annonçait déposer les armes. De sa prison, il a, longtemps, été soupçonné de diriger, en sous-main, les opérations de l’AIS.
Libéré en juillet 2003, après avoir purgé – entre prisons et résidences surveillées – une peine de 12 ans d’emprisonnement pour « atteinte à la sûreté de l’Etat », il était, depuis, interdit de toute activité politique.
Après avoir, à nouveau, appelé à l’arrêt de la lutte armée, Madani avait, ensuite, quitté le pays pour raisons médicales, s’exilant, successivement, en Malaisie, en Arabie saoudite, et au Qatar. D’où il se fera plutôt discret, prenant néanmoins, plusieurs fois, position à partir de 2004 contre « l’occupation américaine en Irak ».
En 2012, il avait appelé, depuis le Qatar, les Algériens à boycotter les législatives dans son pays, organisées selon lui par « un régime illégitime ».
L’année d’avant, alors que les Printemps arabes mettaient des partis islamistes sur le devant de la scène, les députés algériens avaient voté une loi pour faire barrage à un retour du FIS : elle interdit, notamment, à toute personne « responsable de l’exploitation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale (la guerre civile) de fonder un parti politique ou de participer à sa création ».
Originaire de la région de Biskra, dans l’Est algérien, Abassi Madani a connu tôt les prisons. D’abord, les geôles du pouvoir colonial français : arrêté peu après avoir participé au déclenchement de la guerre d’indépendance le 1er novembre 1954, il ne sera libéré qu’en 1962, année de l’indépendance du pays.
Enseignant à l’Université d’Alger, il a milité, rapidement, pour un islam politique dans un pays alors sous le règne du parti unique ce qui lui vaudra une nouvelle incarcération au début des années 1980.
Il transforme alors les mosquées en tribunes politiques. Avec plusieurs dirigeants islamistes, il créé le FIS à la faveur des réformes, notamment, l’instauration du multipartisme, engagées après les émeutes d’octobre 1988 en Algérie.
Un an après sa création, le FIS devient le premier parti du pays lors des élections locales de 1990, raflant deux-tiers des communes et deux-tiers des régions. Son raz-de-marée annoncé à l’issue du premier tour des législatives entraîne l’arrêt du scrutin et la dissolution du FIS.
Madani a, longtemps, cherché à cultiver une image de modéré, une façade selon ses détracteurs qui l’accusaient d’entretenir l’ambiguïté et d’être en réalité un intégriste.
Avec AFP.