Afrique Education : Quand on suit votre raisonnement, vous semblez affirmer que Sassou Nguesso, c’est le pouvoir à vie, un chef d’Etat qui donne l’impression de chercher à mourir au pouvoir. Son cheminement politique et les actions qu’il pose, vont-ils dans ce sens ?
Alphonse Souchlaty Poaty : Denis Sassou-Nguesso, le président indéboulonnable change les constitutions et les républiques sans subir lui – même quelque changement que ce soit, comme s’il était une statue de bronze.
Ce portait peu flatteur de l’homme du 5 Février 1979 ainsi qu’il se fait appeler depuis le jour de son énième coup d’Etat, le 5 Février 1979, je le fais au gré de ses 32 ans d’accaparement du pouvoir. Cet homme avide de pouvoir a procédé à plusieurs reprises à des changements de constitutions pour se maintenir au pouvoir sous prétexte de répondre à l’appel du peuple souverain.
Quel est ce peuple qui ne peut pas faire respecter ses propres lois à un mandataire révocable dont la première obligation consiste précisément à prêter serment de respecter la Constitution de son pays ?
Plusieurs fois de suite, il s’est engagé à respecter la loi suprême, et plusieurs fois, il l’a violée, sans le moindre remords. Il en est ainsi des autres dispositions légales, concernant, par exemple, l’obligation de déclaration de son patrimoine, l’incompatibilité de son statut avec la présidence de son parti politique (le Parti congolais du travail), le respect des règles de bonne gestion des Finances publiques, le caractère sacré et inaliénable des biens publics, des ressources minières et pétrolières, bref, la bonne gouvernance économique, financière et sociale de l’Etat.
Afrique Education : « 32 ans d’accaparement du pouvoir », dites-vous. Mais Sassou et le PCT disent qu’il est au pouvoir par la volonté du peuple.
Alphonse Souchlaty Poaty : Aucune élection ne s’est faite dans la transparence et la régularité, car ce sont ses hommes qui en contrôlent le processus, de la confection de la liste électorale aux urnes et à la publication des résultats. On en a vu l’exemple, récemment, avec le référendum constitutionnel du 25 Octobre 2015, boudé à 95% par le même peuple qui, soi-disant, lui aurait demandé le changement de constitution. Et ce Référendum aurait été approuvé à …92,96%.
De même, il a platement perdu la présidentielle du 20 mars 2016 (8% selon le décompte de la Commission technique de l’Opposition) mais, la Commission nationale électorale indépendante aux ordres, l’a proclamé élu, dès le premier tour, par plus de 60% des suffrages, dans le scepticisme général de la Communauté internationale et des observateurs indépendants. Peu lui importe.
Afrique Education : Ca, c’est le Sassou Nguesso, tricheur, et mauvais joueur, en plein jour, peut-on dire. Qu’en est-il de Sassou Nguesso de la nuit, le sorcier ? Plus précisément, que savez-vous des kakas qu’il ferait boire aux Congolais depuis des années ?
Alphonse Souchlaty Poaty : Sassou Nguesso s’illustre, en effet, par un comportement de gangster politique, malséant pour un président de la République. Dans le même contexte, il excelle dans des pratiques magico-fétichistes jusqu’à faire absorber avec l’eau publique du robinet ses excréments et ses urines par les Congolais dans le cadre d’un rite dit d’influence exécuté par un marabout nigérien, Tandja Bachir, 18 ans durant.
Mais ce dernier a fini par se dévoiler lui-même à la suite d’un contentieux avec son client.
Sassou a, du reste, de tout temps, pratiqué le même rite d’une autre manière, dans le cadre d’un fétiche familial légué par son père adoptif, Julien Nguesso, et détenu par son beau-neveu, Jean Dominique Okemba dit JDO, fils adoptif de son demi-frère aîné, Valentin Ambendé Nguesso, et chef des renseignements (Conseil national de sécurité).
Il croit, avec ces pratiques misérables et nauséabondes, que tout le Congo serait à genoux devant lui. Erreur grave car ça peut marcher un temps mais plus le rituel dure, plus, il perd de son acuité, et c’est ce qui lui arrive, présentement, le peuple congolais l’ayant vomi, sans doute, en même temps que les renvois de ses déchets corporels. Mais, ce qui dure, c’est l’empoisonnement des consommateurs d’eau potable, y compris, donc, les étrangers en séjour au Congo qui souffrent de maux de toutes sortes d’origine digestive dus à l’eau sale de la SNDE.
Sûr de ce genre de sorcelleries, Sassou-Nguesso assassine, empoisonne et emprisonne ses compatriotes soumis au silence en même temps qu’il écume le Trésor public transformé en moulin à foufou à son profit et à celui de ses enfants et amis.
Afrique Education : Ce sont des accusations d’une extrême gravité pour un pays qui entre dans une « Nouvelle République ».
Alphonse Souchlaty Poaty : Sassou a perdu le sens de l’Etat et des responsabilités qu’imposent ses fonctions. Et nul n’ose lui en faire le reproche à quelque niveau que ce soit de crainte de subir des représailles mortelles ou de perdre son poste.
Alors l’impunité et l’irresponsabilité sont devenues les règles à tous les niveaux de bas en haut de l’échelle sociale dans le pays. En vain, dans ces conditions, parle-t-on de Nouvelle République, censée changer les choses.
Peine perdue, Sassou ne se maintient pas au pouvoir pour changer quoi que ce soit, au contraire, il veut que les choses restent en l’état pour satisfaire sa soif effrénée de puissance et les appétits de toute la faune des prédateurs de son régime.
Après sa prestation de serment à respecter la constitution, tout le monde l’attend sur la formation du nouveau gouvernement et notamment sur la nomination du premier ministre, chef du gouvernement responsable devant le parlement. On l’attend, aussi et surtout, sur la latitude laissée au chef du gouvernement dans le choix des ministres et à ceux-ci dans la conduite de leurs départements respectifs.
Afrique Education : Les rumeurs courent sur son intention d’initier son fils Christel Denis Sassou Nguesso de plus en plus dans la gestion des affaires de l’Etat. Qu’en est-il ?
Alphonse Souchlaty Poaty : A tous ceux qui se demandent quand partira-t-il, ma réponse est que Sassou restera au pouvoir aussi longtemps que son fils Christel ne sera pas à même de prendre et d’assurer la succession dans une optique quasi-monarchique, sauf circonstances exceptionnelles bien entendu.
Le régime de Sassou brille par l’incompétence et les antivaleurs. Avec la manne pétrolière, une bonne gouvernance aurait dû faire, au moins, trois fois plus que les quelques opérations aléatoires et de pure propagande qu’on montre inlassablement dans les médias publics auxquels l’opposition n’a pas accès, on l’a vu même pendant les campagnes électorales.
En tout cas, personne ne serait resté sur le bord du chemin comme l’est la grande majorité des Congolais qui vit avec moins d’un dollar par jour dans un pays sans système de santé, sans écoles, sans offres de travail, sans système de production, sans urbanisation, sans assurance sociale, etc.
Etant donné la corruption endémique qui sévit dans le pays, l’argent du pétrole a plutôt servi à faire face aux commissions afférentes à la chaîne de réalisation qu’au règlement au juste prix des actions financées dont on sait qu’elles ne représentent que moins de 30 % des décaissements.
Afrique Education : Le président de la « Nouvelle République » annonce la « rupture ». Croyez-vous à une telle farce ?
Alphonse Souchlaty Poaty : Sassou, lors de son intronisation, a parlé « de rupture », en dépit de son lourd passif. C’est osé pour un homme usé par l’âge et le poids d’un long règne sans partage. Qu’il se soit présenté 32 ans après en homme d’Etat nouveau comme un Patrice Talon du Bénin ou un Archange Touadéra de Centrafrique, prouve la facétie d’une imposture, toujours, encline à donner des gages à une jeunesse sans cesse grugée et à un peuple prostré.
A la même jeunesse, Sassou promet une gestion orientée vers « le tout-économique et social », sans craindre d’être démenti par les faits. Car ce concept exclusif, valable dans certains secteurs comme le culinaire avec le tout-électrique parait inapproprié en macro-économie.
Que va-t-il faire d’un Etat aux effectifs pléthoriques et budgétivores ? Peut- on décemment admettre que l’Etat, puissance régalienne et économique par excellence, surtout, en pays arriérés comme le nôtre, puisse négliger ses secteurs de prédilection comme la Défense, l’Education, la Santé, la Culture, les Affaires Etrangères, etc. ?
C’est donc une hérésie en matière de gestion que d’affirmer l’exclusivisme du tout-économique et social pour signifier que tous les moyens, toutes les actions seront consacrés à l’Economie et au Social. Ce qui, de prime abord, n’est pas vrai. Et c’est mettre à nu le caractère démagogique du Système Sassou. Celui-ci, on le sait, a, toujours, évolué dans la démagogie pour enfumer la jeunesse soumise au chômage et que le prétendu « Tout Nouvel Elu » veut rassurer économiquement et socialement.
En effet, pour entrer dans la Nouvelle République, il lui faut donner des gages à la Jeunesse, d’autant plus nécessairement que le résultat de l’élection lui est contesté et qu’il se trouve sur la brèche, voire, sur la braise. La Propagande du Système s’ingénue à le désigner sous le titre de président de la Nouvelle République, comme si ce sigle amnésiant du renouveau suffisait à satisfaire l’attente de la jeunesse.
D’ailleurs, avec quoi va-t-il mener cette politique, alors que le Trésor public est à sec et le prix du baril de pétrole au plus bas ? Rien de véritablement sérieux ne peut se faire avec une superstructure politico- administrative qu’il est incapable de changer, et une Communauté internationale désabusée.
Ce qui se passe, actuellement, au Pool, n’est pas pour arranger les choses : Sassou en profite pour saigner à blanc le Trésor Public de ses dernières réserves, tandis que sa soldatesque se rue sur les populations désarmées, les saignant, les massacrant et brûlant tout sur son passage, sous prétexte de rechercher le pasteur Ntoumi avec lequel il a un vieux compte à régler.
L’histoire ne se répète pas deux fois, écrit Karl Marx, parlant de Louis Bonaparte en 1851, dans « Le 18 Brumaire », mais, elle bégaie, renchérit Jacques Attali, évoquant la guerre de Crimée. On croirait en effet remonter le cours du temps jusqu’à l’Affaire Pierre Anga, en 1987, et la terreur qui l’avait caractérisée dans la forêt d’Ikongono, non loin d’Owando.
Je dois dire que le marabout Tandja dans ses démêlés avec Sassou a, aussi, révélé que son client s’était tourné vers le Centre magique de Calcutta, en Inde, où on lui aurait exigé, pour se maintenir au pouvoir, de lourds sacrifices humains et financiers de 10.000 âmes et de 1 milliard de dollars (500 milliards de F CFA).
C’est terrible à dire, mais, cela ne vaudrait-il pas un génocide ? Non, Sassou doit cesser de jouer avec le feu et sans tarder.
Politiquement, Sassou-Nguesso doit résoudre, outre le problème posé par la dernière élection présidentielle qui frappe d’illégitimité les Autorités de la Nouvelle République, la question de la répartition du pouvoir dans la partie Nord du pays, plus pressante qu’au Sud, conformément, à l’Accord d’Owando entre les diverses composantes ethniques après la prise du pouvoir par Marien Ngouabi, le 31 juillet 1968.
Faute de quoi, les candidatures individuelles comme celles du général Jean Marie Michel Mokoko et de l’ancien Ministre André Okombi Salissa iront se multipliant aux élections nationales, rendant difficile l’accession au pouvoir de Denis Christel Sassou-Nguesso autour duquel toutes les discussions s’ordonneront, désormais, d’autant plus que l’amphitryon dispose d’un capital financier énorme pour la circonstance et que le père sera à la manœuvre.
Propos recueillis par
Jean Paul Tédga
Les propos de l’ancien premier ministre, Alphonse Souchlaty Poaty, sont mieux étayés et nettement plus illustrés dans le texte suivant, qu’il signe, juste après cette interview et qu’il a intitulé : « L’Affaire Tandja Bachir et le mysticisme de Sassou Nguesso qui fait absorber aux Congolais ses excréments et urines pour engourdir leur conscience ».
Cette interview est à lire dans le numéro 438 du 1er au 15 mai d’Afrique Education, disponible chez vos marchands de journaux, ainsi que sur pdf (www.afriqueducation.com), suivre les indications du webmaster.