Autrefois farouches critiques des mesures des conservateurs face à la crise migratoire, les travaillistes connaissent, eux aussi, des difficultés avec leur projet de loi sur la même thématique. Personne n’a oublié l’indignation qu’avaient suscité Rishi Sunak et son parti en lorgnant un accord avec l’autoritaire, Kais Saied, pour stopper l’immigration clandestine vers l’Angleterre, ni le ridicule dont ils avaient été couverts après le retournement de veste de ce dernier.
Accusés d’avoir longtemps relégué au second plan ce sujet pourtant sensible, et s’estimant par dessus tout plus malins que leurs prédécesseurs, les travaillistes ont sondé les eaux cette semaine en envoyant David Lammy, le ministre des Affaires étrangères à Tunis pour formuler une proposition à l’homme fort du pays visant à s’attaquer aux sources des flux migratoires non voulus (notre photo, il est reçu vendredi 7 février par le président tunisien).
Elle consisterait en un financement d’au plus 5 millions de livres sterling pour équiper les garde-côtes et les policiers des postes frontières de la Tunisie et faciliter leur traque des réseaux de passeurs. Un million de livres sterling supplémentaires seront aussi disponibles pour les retours volontaires des migrants interceptés en situation irrégulière en Tunisie vers leurs pays d’origine. Des formations professionnelles leur seront offertes pour les inciter à rentrer chez eux.
Face à l’imprévisible président Saied, David Lammy a préféré jouer la carte du baratineur en déclarant que les équipes du dirigeant tunisien avaient secouru 66 000 migrants en 2024. Un chiffre à prendre avec beaucoup de recul puisque le désespoir qui habite les migrants sauvés ne les découragent pas face aux échecs qu’ils rencontrent dans leur périple. Un migrant intercepté et comptabilisé comme ayant été sauvé peut très bien finir par traverser ou disparaître dans la mer.

En se focalisant sur la Tunisie, la Grande-Bretagne passe complètement à côté de son objectif de s’attaquer aux causes même de l’immigration clandestine. Et puis, vu l’ampleur du problème et des ressources ridicules mises à disposition pour le régler, les autorités actuelles de Londres ne font que retarder l’échéance du constat de leur absence de solution crédible pour gérer cette crise. Il leur suffirait pourtant de prendre attache avec les pays d’origine pour un début de solutions.
Paul-Patrick Tédga
MSc in Finance (Johns Hopkins University – Washington DC)